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UN LIVRE, UNE HISTOIRE – Platon

Toutes les semaines, nous vous proposons, en partenariat avec La Bouquinerie Le Liseron, de retrouver le goût de lire. Lémile, le moine qui ouvrit sa bouquinerie, n'a pas son pareil pour rendre les ouvrages qu'il présente contemporains. Avec humour et insolence, il arrive à faire le parallèle entre ouvrages d'hier et société moderne.

 

Le Hasard ourdissait comme toujours à mon encontre de bienheureuses déveines. J'avais brûlé mes vaisseaux, me refusant à poursuivre la carrière de philosophe en herbe promis aux éléphantesques mémoires de l'inachevé.

Que celui qui a lu la Critique de la raison pure dans son entier et d'une seule traite, me jette de ses bras manchots la première pierre !

Mon maître me héla de l'autre rive, que l'on nomme platement un trottoir.

Bon an mal an nous arrivons rue d'Ulm où nos esprits s'échauffent comme des silex qu'on entrechoque.
- Ah non ! Dire cela c'est réduire Platon à une simple lecture esthétique.
- Et alors ? Rétorquais-je effrontément.

Laurent G., la malandrine, me disait l'autre jour à ce sujet : « T'as rien de mieux à nous mettre sous la dent ? Un vieux pédant en toge déblatérant ses tirades au tout venant comme on harangue le badaud à goûter les hot-dogs de sa phallique carriole ? »

Mais, c'est qu'on nous a ressassé sans cesse ces essais (Voilà l'allitération qui me reprend tiens ! ) : Platon ! Ah, Platon ! Tout est là, y ajouter c'est commenter. Platon, Platon, Platon, le dramaturge pyromane qui se fit philosophe après avoir rencontré cette gueule cassée, ce Socrate qu'on nous dit tellement laid que l'oracle delphique l'intronisa le plus sage des hommes pour ne plus avoir à contempler jamais sa tronche décompotée d'art contemporain.

Et je vous dis : oubliez le philosophe ! Voilà mon conseil, lisez Platon comme un roman. Il y a chez lui un sens de la dramaturgie incroyable. Ces protagonistes démêlent, par le fameux dialogue maïeutique, les fils d'une intrigue extraordinaire.

Car Socrate est le digne père de Sherlock Holmes, de Guillaume de Baskerville, de Winston Smith (1984). Pas à pas, il mène le coupable d'une pensée-certitude à s'interroger,  s'horrifier, s'accabler enfin lui-même de bêtise devant les ruses de Sioux du bon vieil ivrogne à la ciguë toujours prête.

A le lire, on se demande ce que Platon n'a pas inventé : ironie, dialectique, métaphore, poésie, lyrisme, absurde, métaphysique et j'en passe, il y a mis ce qu'avant lui on n'a pas su faire et ce qu'après lui il a rendu impossible.

On est pris, comme au milieu d'un échange de coup de feu aux gallines rivales, entre le cartel des sophistes et la préfiguration du héros hollywoodien, Socrate en Bruce Willis à la gâchette verbale qui fait mouche.

Croyez-moi sur parole, vous ne lâcherez pas les aventures de Socrate avant d'avoir rendu un  « Oh ! » de stupéfaction ! Disons-le franchement, Platon nous mène en bateau !
Son héros Socrate, démontre-t-il l'immortalité de l'âme (Phédon), c'est pour mieux en réfuter la certitude et nous laisser rêveurs funambules sur les précipices de son aporie (Ô stratège de l'inachevé).
Vous vous exclamerez malgré vous : mais de qui se moque-t-il à la fin ?
Aucun repos ne vous sera laissé dans cette chevauchée effrénée à la recherche du Beau, du Bien et du Vrai.
Aux exégètes hurlant au scandale : on ne peut lire Platon ainsi ! Il y faut un solide vaisseau conceptuel pour ne pas s'abattre sur les brisants de l'incompréhension.

Je leur réponds simplement : « Prout ! ». Oui « Prout ! ». Allez le conceptualiser celui-là tiens !

Platon peut et doit devenir la pâture des plagistes-best-sellerriens, des midinettes des téci, du lecteur de Paris-Match chevillé à son canapé, des caries juvéniles en salle d'attente javellisée?

Concluons en citant : « Hâtons-nous de rendre la philosophie populaire » nous dit Diderot dis donc (Il y a là plus de six temps mon bon Brel) !

 

Lémile (http://www.lepetitjournal.com/nouvelle-caledonie) - mardi 8 août 2017

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