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GIAN PIERO BALDUCCI - “Le français, véritable atout pour ma vie professionnelle”

Écrit par Lepetitjournal Turin
Publié le 24 juin 2014, mis à jour le 25 juin 2014

Gian Piero Balducci a suivi le lancement des hypermarchés Auchan en Italie dans les années 80 pour le compte du Studio Palea dont il est un des associés, et le groupe de distribution français est encore aujourd'hui un de ses clients principaux. Témoignage d'un observateur privilégié des relations économiques franco-italiennes pour qui la maîtrise de la langue de Molière a représenté un atout essentiel dans sa carrière.

Le hasard, parfois, fait bien les choses. C'est en tout cas ce que pense Gian Piero Balducci, conseiller fiscal et d'entreprise et expert-comptable du Cabinet Palea dont il devenu associé en 1993. Direct et chaleureux, il raconte non sans une pincée d'humour comment le fait de parler français a permis à sa carrière de décoller notamment grâce au travail de suivi du groupe Auchan en Italie.

Alors qu'aujourd'hui on insiste de plus en plus sur l'importance de maîtriser l'anglais ou de connaître le chinois afin de multiplier ses opportunités professionnelles, c'est la connaissance du français qui a réellement fait la différence dans votre parcours.

Tout à fait. Non seulement le français est une langue que j'aime pour de multiples raisons -mon grand-père était originaire de Nice-, mais il a également joué un rôle fondamental dans ma vie professionnelle. Le vrai tournant s'est produit quand j'ai été contacté par Roberto Palea, le fondateur du cabinet du même nom dont je suis aujourd'hui un des associés. Il était à la recherche d'un commissaire aux comptes ayant acquis une expérience précédente dans un grand groupe (j'ai travaillé trois ans chez Arthur Andersen). Mais surtout de quelqu'un maîtrisant le français.

Pourquoi la maîtrise du français était-elle si importante ? 

Pour le comprendre, faisons un pas en arrière. Nous étions en 1985 et Roberto Palea avait été contacté par un ami avocat francophone, qui lui avait proposé de suivre le lancement des hypermarchés Auchan en Italie dans le cadre de l'internationalisation du groupe. Le Studio Palea m'a donc confié ce client de première importance, une opportunité en or pour moi et une expérience unique à tout point de vue dans ma vie professionnelle. J'ai donc suivi de près toutes les étapes qui ont conduit à l'inauguration du premier Auchan en Italie en 1989, Corso Romania à Turin. A l'époque, la grande distribution était un concept de vente et d'organisation presque inédit pour le pays, et l'ouverture des premiers hypermarchés avec parking et galerie marchande a constitué une vraie révolution. Je me suis également intéressé à l'implantation des autres enseignes du groupe en Italie, qui a été et qui reste un des clients principaux du cabinet : Flunch, Decathlon, Kiabi, Leroy Merlin, Norauto?

Le magasin de Corso Romania à Turin a également accueilli le premier Drive Auchan en Italie

De votre point d'observation privilégié, quel a été le rôle de Turin dans la percée du groupe Auchan en Italie ?

Le lancement du magasin de Turin a été un succès, à l'époque il était devenu en peu de temps le troisième hypermarché au niveau mondial pour son chiffre d'affaires. L'objectif étant l'ouverture de 10 magasins en Italie avant 2000, c'est au niveau des procédures pour obtenir une licence qu'Auchan a rencontré le plus de difficultés. Grâce au rôle de Roberto Palea, qui a servi d'intermédiaire, une rencontre entre Gérard Mulliez et Umberto Agnelli a donc été organisée. Une rencontre qui s'est révélée fructueuse puisque l'alliance avec La Rinascente a permis d'ouvrir les portes du marché italien. Il est très intéressant de souligner l'impact que ces deux grandes familles, les Mulliez et les Agnelli, ont eu non seulement pour le développement économique de leurs régions respectives, mais également pour la construction de l'identité du territoire. Du point de vue de l'organisation sociétaire, par contre, je constate une différence de taille. Le groupe Auchan, un des plus importants au monde, a une structure légère, presque informelle. Le groupe Fiat comme je l'ai connu jusqu'à aujourd'hui, est très hiérarchisé, sa structure est plus coûteuse. Cela implique certainement moins de risques, mais les prises de décision sont plus lentes.

Si le groupe Auchan reste bien ancré dans la région Nord-Pas de Calais tout en ayant un rayonnement international, le groupe Fiat vient de se transformer en FCA ? Fiat Chrysler Automobiles. Un changement important dans le tissu industriel du Piémont est en train de se produire, un processus certainement amplifié par la crise économique. Quel avenir se dessine pour la région ?

Tout comme il a fallu plusieurs décennies pour que Turin accepte la perte de son statut de capitale du Royaume d'Italie et se reconvertisse dans l'industrie automobile au début du XXe siècle, je pense qu'un nouveau cycle est en train de commencer. Un changement qui ne sera ni court ni indolore, c'est certain. Mais c'est aussi une opportunité, car il est temps de mettre l'accent sur un autre modèle de développement, sur des valeurs différentes. Je crois profondément au modèle de Réseau Entreprendre, une organisation qui accompagne sur base volontaire les nouveaux entrepreneurs. Je fais partie du Conseil de Direction et je participe au Comité de validation ; tout comme les autres membres, je mets à la disposition des jeunes entrepreneurs mes compétences et mes relations. Il faut encourager la création de start-ups, créer un terrain favorable pour leur développement. Malheureusement Turin et le Piémont ont encore beaucoup de chemin à parcourir en ce qui concerne les transports : depuis l'aéroport de Caselle, il n'y a pas de liaison ferroviaire avec le centre ville. Quant à la ligne Lyon-Turin, les temps de réalisation sont beaucoup trop longs. Il suffit de constater l'effet positif sur les relations entre Turin et Milan produit par la ligne à grande vitesse pour mesurer l'importance des infrastructures.

L'affiche de la campagne « Nous sommes plus de 100.000 » : aujourd'hui presque un habitant sur 9 à Turin est un étudiant.

Entre le nord-ouest de l'Italie et la France, les relations sont au beau fixe. Quelle sera leur évolution dans les années à venir et comment les intensifier ?

L'Italie et la France sont réciproquement le deuxième partenaire économique et ceci est d'autant plus vrai pour les régions transfrontalières. Si les synergies entre Turin et Milan sont en train de se renforcer notamment en vue de l'Expo 2015 qui représente également une grande occasion de développement pour la capitale piémontaise, les relations avec la France sont tout aussi importantes. Je suis d'ailleurs toujours favorablement surpris quand je constate à quel point les Français regrettent de quitter Turin après y avoir habité pendant quelques années. Pour la petite anecdote, si le Groupe Auchan a ouvert son premier hypermarché à Turin c'est aussi parce que son directeur commercial de l'époque y avait travaillé auparavant, chez Danone. Il avait donc pu apprécier la ville la plus française d'Italie et il avait tissé des liens importants. C'est peut-être là la clef pour bâtir la future identité de Turin : faire venir des étrangers grâce aux prestigieux programmes de formation qui y sont proposés ? je pense au Politecnico, au Centre de Formation ITC-ILO sur le campus de l'ONU, à l'ESCP Europe? - afin qu'ils tombent sous le charme de cette ville et qu'ils puissent apprécier son dynamisme. C'est une manière de semer des graines qui porteront leurs fruits dans les années à venir.

Luisa Gerini (www.lepetitjournal.com/Turin) mercredi 25 juin 2014

Publié le 24 juin 2014, mis à jour le 25 juin 2014

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