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GASTON FOURNIER-FACIO – Lire la ville comme on lit une partition

Écrit par Lepetitjournal Turin
Publié le 4 mars 2015, mis à jour le 5 mars 2015

Originaire du Costa Rica, bon connaisseur de la culture européenne et de l'Italie, il est arrivé il y a quelques mois à Turin où il a pris ses fonctions de directeur artistique au Teatro Regio après une expérience du même genre au Teatro alla Scala de Milano. Sans se départir du sourire qui le caractérise, Gastón Fournier-Facio nous livre ses impressions sur la ville et nous confie quelques projets

(photo Gjo)

Avez-vous déjà entendu la musique de Turin ? "Elle est dans le bruit des pas qui résonnent sous les arcades de la ville. Elles me fascinent, il y a quelque chose de sacré dans cette architecture. Piazza San Carlo, par exemple, avec son élégante symétrie, évoque en moi l'image d'une cathédrale. La place est la nef centrale, les arcades qui bordent son périmètre à droite et à gauche sont les bas-côtés." Arrivé il y a quelques mois à peine à Turin, Gastón Fournier-Facio, le nouveau directeur artistique du Teatro Regio, pose sur la ville un regard qui la transfigure, comme s'il était en train de lire une partition. "Dans cette ville, je suis émerveillé à chaque fois que l'échiquier parfait formé par les rues qui se croisent avec une régularité toute cartésienne s'ouvre sur une vaste place et que le trafic change de rythme" ajoute-t-il. "La ligne droite se courbe alors pour devenir un rond-point et ces belles places me font penser à une montée en puissance, à une explosion. Au climax musical." Le ton est donné, bien que Gastón Fournier-Facio s'empresse immédiatement de préciser qu'il ne possède pas encore tous les éléments pour parler d'une ville qu'il a l'impression de connaître à peine tellement il a été absorbé par ses nouvelles fonctions.

Lepetitjournal.com : Votre parcours professionnel vous a amené à découvrir les nombreuses facettes du pays. Vous avez habité en Toscane, à Venise, à Rome, à Milan et aujourd'hui c'est au tour de Turin. Que retenez-vous de ce "voyage en Italie" ?
Gastón Fournier-Facio : Est-ce mon âme latine ? Je me suis immédiatement senti chez moi en Italie, où je suis arrivé en 1976 pour travailler aux côtés de Hans Werner Henze, le fondateur du Cantiere Internazionale d'Arte à Montepulciano, une petite ville au passé séculaire perchée sur une colline toscane : une expérience très enrichissante, c'était un véritable "chantier" artistique, un lieu de construction. Ensuite Venise, Florence, Rome : des destinations touristiques célèbres, des images de carte postale, La Grande Bellezza de Paolo Sorrentino, un film que je trouve absolument magnifique. Et puis Milan, qui dément tous les lieux communs sur les Italiens : c'est une ville frénétique et les Milanais sont très workaholics. J'ai été directeur artistique du Teatro alla Scala pendant sept ans, une période très formatrice qui s'est également révélée très dure. Stéphane Lissner est très exigeant et ne tolère pas la médiocrité. A Turin, au Teatro Regio, j'ai trouvé une grande qualité artistique mais aussi une ambiance plus sereine.

Pourtant vous êtes arrivé à Turin après les fortes divergences entre le directeur général Walter Vergnano et le directeur musical Gianandrea Noseda qui ont failli provoquer une rupture définitive?
Ma candidature a été présentée par Piero Fassino, je me trouve donc dans une position neutre. Etant donné mon passé de diplomate, je ne peux qu'être intimement convaincu de l'importance de travailler en harmonie. Le Teatro Regio a eu un directeur artistique jusqu'en 2007, aujourd'hui c'est à moi de relever le défi : mon travail consiste à planifier la saison en préparant l'avenir et je suis déjà en train de monter des projets pour 2019. Ce travail de préparation offre de nombreux avantages. Premièrement, la possibilité d'avoir une plus grande disponibilité de dates des meilleurs directeurs, chanteurs et metteurs en scène. Monter un opéra est un travail complexe, c'est une sorte de puzzle dans lequel toutes les pièces doivent s'imbriquer les unes dans les autres. Le choix d'un titre est parfois dû au choix d'un directeur, qui devra à son tour tenir compte d'une mise en scène, des costumes, du jeu et de l'interprétation des artistes. Et c'est un nouvel univers qui se crée à chaque fois. Deuxièmement, une meilleure planification financière sur le moyen terme, qui doit malheureusement tenir compte également du retard avec lequel le ministère de la Culture italien envoie des informations sur l'attribution des subventions. Troisièmement, la mise en place de synergies avec les agences de voyages qui ont besoin de connaître à l'avance les dates des spectacles pour mettre au point leurs programmes. Cette planification comporte néanmoins quelques risques, notamment en ce qui concerne le choix des chanteurs, car il faut savoir aussi tenir compte de l'usure de la voix des interprètes les plus sollicités.

Pourriez-vous nous dire quelles seront les grandes lignes de votre travail au Teatro Regio ?  
Travailler en tant que directeur artistique d'un théâtre ne donne pas la possibilité de mettre au point un programme autour d'un thème précis comme c'est le cas pour un festival. Je vais essayer toutefois d'identifier quelques fils rouges d'une saison à l'autre, par exemple un compositeur, un metteur en scène ou une période. Je voudrais également monter des projets en collaboration avec d'autres institutions culturelles de la ville, comme le Teatro Stabile, le Musée du Cinéma ou l'Orchestre de la Rai, sans m'immiscer dans leur programmation bien entendu. Depuis mon arrivée, j'ai pu constater à quel point il existe une véritable substance culturelle à Turin, qui va de pair avec cette discrétion que l'on respire jusque dans l'uniformité architecturale de la ville et qui est pour moi le signe d'un raffinement extrême.

Vous êtes originaire du Costa Rica, vous avez habité à Londres et plusieurs années en Italie. Et pour finir vous portez un nom qui trahit vos origines françaises. Comment concilier ce mélange de cultures et d'expériences pour définir votre identité aujourd'hui ?
J'ai des origines françaises, c'est vrai : la famille de mon père vient de la ville d'Avignon. Je porte également le nom de famille de ma mère selon la tradition latino-américaine : Facio, en réalité Fassio, est un nom originaire de la ville de Gênes ! A Londres j'ai travaillé en tant que diplomate et j'ai étudié musicologie à l'University of Sussex à Brighton. J'aime profondément la musique de Beethoven et plus en général la musique des compositeurs allemands. En fait, je suis très attaché à la culture européenne. De plus, je pense que voyager permet de relativiser et de devenir plus flexible. Pourtant, je me sens profondément latino-américain pour cette capacité d'émerveillement qui pour certains n'est que de la naïveté tandis que pour moi il s'agit d'une source de joie existentielle.

Son regard se tourne vers la fenêtre. La lumière du crépuscule dessine au loin en le faisant ressortir le profil des Alpes qui se détachent contre le ciel rosé derrière l'élégante coupole baroque de Saint-Laurent. "N'est-ce pas merveilleux ?" demande-t-il avec un large sourire.

Qui est Gastón Fournier-Facio ?


Originaire du Costa Rica, Gastón Fournier-Facio a connu une carrière en trois temps.

- Une brève carrière universitaire à l'Universidad de Costa Rica, où il est titulaire au début des années 1970 d'une chaire en Histoire de la culture et en Histoire du droit.

- Une carrière diplomatique de 1970 à 1974, en tant que Consul général du Costa Rica à Londres.

- Une longue et riche carrière musicale, à partir de 1974, qui l'amène à devenir Coordinateur artistique d'institutions lyriques et symphoniques, notamment en Italie :

  • Cantiere d'Arte di Montepulciano de 1976 à 1986 et de 1989 à 1991
  • Maggio Musicale Fiorentino de 1982 à 1996
  • Biennale Musica de Venise de 1988 à 1989
  • Accademia Nazionale di Santa Cecilia Teatro à Rome de 1996 à 2007
  • Teatro alla Scala de Milan de 2007 à 2014

Il a été nommé directeur artistique du Teatro Regio di Torino depuis le mois d'octobre 2014


Luisa Gerini (www.lepetitjournal.com/Turin) jeudi 5 mars 2015

 

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Publié le 4 mars 2015, mis à jour le 5 mars 2015

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