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INTERVIEW – Gloria Giol-Jeribi, Conseillère AFE

Écrit par Lepetitjournal Tunis
Publié le 19 septembre 2012, mis à jour le 21 novembre 2012

 

Gloria Giol-Jeribi est conseillère indépendante AFE et Présidente de «Français de Tunisie-Agir Ensemble». Elle évoque les sujets centraux débattus à la dernière session de l'Assemblée des Français à l'Etranger

 

Lepetitjournal.com : Comment êtes-vous devenue Conseillère des Français de l'Etranger ?

Gloria Giol-Jeribi : juriste de formation, j'ai travaillé durant plus de 12 ans à l'Association des Maires  de France à Paris.

Je suis installée en Tunisie depuis près d'une quinzaine d'années pour des raisons familiales et j'exerce aujourd'hui auprès des services publics français.

En 2008, avec un groupe de Français qui souhaitaient s'impliquer dans la vie locale et qui ne se retrouvaient pas dans les associations existantes nous avons créé l'association «  Français de Tunisie-Agir Ensemble ».  Indépendants, issus d'horizons politiques différents, nous avons souhaité sortir de cette  bi-polarisation gauche/droite  de la vie  politique française qui conduit le plus souvent à des prises de positions très idéologiques d'autant plus qu'à l'étranger, cette fracture gauche/droite n'a pas beaucoup de sens et n'est pas très bien comprise par nos concitoyens. Nous voulions également  une association plus représentative des intérêts des bi-nationaux qui représentent aujourd'hui en Tunisie 70% de la communauté française.

C'est donc pour défendre nos points de vus que nous nous sommes présentés aux élections AFE en 2009 et que j'ai été élue Conseillère. Depuis cette date, et pour respecter mes engagements je fais parti du groupe des indépendants de l'AFE.

L'objectif  principal de l'association est d'informer les Français sur tous les sujets qui les concernent  au quotidien mais également sur leurs droits et devoirs et ce  via notre site internet : www.francaisdetunisie.com et notre page Facebook  pour notamment nos jeunes.  Plusieurs rubriques ont été développées et nous diffusions une Newsletter, qui était mensuelle jusqu'à présent, et qui va devenir bi-mensuelle à partir d'octobre.

En effet, si une  grande partie de la communauté française se trouve sur Tunis et sa banlieue, d'autres Français, certes moins nombreux, sont dispersés sur le territoire tunisien et se sentent souvent bien isolés. La communication par internet permet, fautes d'autres moyens, de pallier cet isolement et d'abolir les distances.

En tant que Conseillère, je vais à la  rencontre des Français lors des  tournées consulaires quand cela est possible. Mais il vrai que depuis la révolution mes déplacements se sont fait  plus rares.  Heureusement, nos représentants dans les régions prennent le  relais partout sur le territoire.

 

Quels ont été les sujets centraux de la dernière session AFE ?

Tout d'abord, la réforme de l'AFE. Je suis membre de la commission des lois et des règlements à l'AFE et justement cette dernière session de septembre 2012 a été l'occasion  de réfléchir à l'avenir de notre assemblée et à sa représentation.

Aujourd'hui la critique essentielle faite à cette assemblée est son manque de pouvoir dans la mesure où elle ne peut émettre que des « v?ux » qui pour la plupart restent sans réponse. Or,  il faut savoir, alors qu'à travers ses 155 conseillers élus de par le monde, l'assemblée représente la communauté française à l'étranger, soit près de 2 millions d'expatriés. Par ailleurs elle est prise en étau, d'un côté la tutelle du ministère des Affaires étrangères en son président, Ministre des Affaires étrangère en exercice et son secrétaire général, un fonctionnaire du quai d'Orsay et de l'autre, 12 sénateurs et maintenant 11 députés qui en sont membres de droit.

C'est donc dans ce sens que la commission des lois a travaillé à la session de septembre demandant au gouvernement d'émanciper cette assemblée pour en faire un vrai centre de pouvoir représentant les Français de l'étranger. Pour une fois, tous ces membres, de droite de gauche, du centre ou indépendant sont arrivés à un consensus.

L'assemblée dans son ensemble a demandé principalement :

-        que son président soit élu en son sein

-        que l'assemblée soit consultée sur tous les textes qui concernent les Français de l'étranger

-        que l'assemblée puisse décider des enveloppes budgétaires dans la limite des crédits votés par le parlement en matière sociale, formation professionnelle, aide a la scolarité ?

-        que les seconds de listes élus lors des scrutin soient membres de droit des commissions locales ( bourses, Comité d'action sociale, formation professionnelle)

Elle demande également que le collège électoral des sénateurs soit élargi (Voir le texte ici)

Le gouvernement a aujourd'hui une opportunité historique de réformer notre assemblée dans l'esprit de la décentralisation initiée en 1982. Nous verrons ce qu'il en sera en fin d'année. Mais il est clair que nous ne pouvons rester dans cette situation. Si comme le dit Laurent Fabius les français de l'étranger sont une voix qui compte et bien, il faudra nous donner les pouvoirs pour compter réellement et pas seulement lors des échéances électorales.

 

Ensuite, un débat d'actualité : L'aide à la scolarité

Scolariser ses enfants dans un établissement français en Tunisie est devenu un luxe pour de nombreuses familles. Il faut savoir que les frais de scolarité ont augmenté de près de 10% par an, depuis 10 ans en Tunisie. Qu'à ces frais s'ajoutent également des frais de transport du fait de l'éloignement des familles des établissements, la cherté des manuels scolaires qui

changent tous les 3 ans pour la plupart, des frais de repas qui s'élèvent à 6 dinars par jour.. etc.

Et lorsque vous faites le choix de scolariser un enfant dans un établissement français c'est pour 12 années, puisqu'il ne pourra plus intégrer par la suite des établissements tunisiens et c'est long 12 ans quand les frais augmentent chaque année sans aucune mesure par rapport aux salaires.

Aujourd'hui les bourses scolaires viennent en aide aux familles les plus modestes, mais excluent les familles de la classe moyenne qui sont les plus nombreuses et pour lesquelles les coûts de scolarisation ponctionnent lourdement leur budget, mais c'est également la classe moyenne tunisienne qui ne peut plus scolariser ses enfants dans nos établissements alors que c'est leur vocation  à l'étranger. De ce fait, c'est la mixité sociale de nos établissements qui est aujourd'hui menacée.

La PEC (Prise En Charge) quelles que soit les critiques que l'on puisse faire à son égard venait aider nombre de familles de classes moyennes et pas seulement les « riches expatriés » comme on veut le faire croire. En tout état de cause, sa suppression intervenue cet été a été faite de manière brutale, sans qu'aucun autre dispositif n'ait été mis en place. Il aurait fallu le maintenir jusqu'à la mise en place du nouveau système d'aide à la scolarité promis par ce gouvernement.

La volonté d'étendre les principes de l'école de la République, de l'égalité des chances sans barrière socio-éducative ou financière aux enfants français élevés à l'étranger est un projet inscrit dans les programmes présidentiels depuis 1981.

Personnellement j'estime que tous les enfants français à l'étranger, parce qu'ils sont des Français à part entière eux aussi,  doivent pouvoir accéder à l'école de la République.

Pourquoi, l'aide financière globale à nos enfants français ne dépendrait- elle pas du Ministère de l'Education Nationale, au lieu du MAEE dont le budget est ridiculement faible,  ce qui permettrait alors une prise en charge globale et un égal accès à tous les enfants à l'enseignement français conformément aux principes de notre république ?

D'autant qu'un élève à l'étranger coûte par an moitié moins cher qu'un élève en France (soit 7000 euros en France contre 4000 euros à l'étranger de la maternelle à la terminale).

Cette solution aurait également le mérite de pouvoir mettre aux normes nos établissements scolaires en Tunisie qui souffrent pour la plupart de vétusté.

Le gouvernement doit faire des propositions avant la fin de l'année pour la prochaine campagne scolaire 2013/21014, nous interviendrons dans le débat puisque la Ministre Helene CONWAY a promis de soumettre le projet pour avis à l'Assemblée des Français de l'Etranger.

 

Qu'en est-il de la question des bi-nationaux ?

Nous sommes nombreux à ressentir un malaise certain face à la «stigmatisation croissante» des Franco-tunisiens, tant par la France que plus récemment par la Tunisie.

Insidieuse mais réelle, cette discrimination s'inscrit parfois dans les textes comme par exemple celle introduite par la loi 2007-10 du 4 janvier 2007 qui modifie la convention franco-tunisienne sur le service national  en obligeant  un double-national franco-tunisien résidant sur le territoire tunisien, à effectuer  12 mois de service civil s'il  a opté pour le service français, alors que le « franco-français »,  dans la même situation, n'effectuera que la seule journée d'appel.

C'est encore le cas de la discrimination inhérente à la convention franco-tunisienne de sécurité sociale du 26 juin 2003, entrée en vigueur en 2007, qui exclut du régime français de sécurité sociale, les agents employés par les services français au seul motif qu'ils sont français et tunisien.

Or, j'estime que quels que soient nos noms, nos origines ou nos croyances nous sommes et restons tous français. Il n'en reste pas moins que nous sommes très attachés à notre double culture, à cette double identité que nous considérons comme une richesse et un atout. Nous estimons que le bilinguisme est une chance pour nos enfants qui peuvent s'exprimer et penser dans deux langues, mais également se mouvoir dans deux cultures.

A l'heure de la mondialisation, les double-nationaux sont une réelle chance non seulement pour notre pays, mais également pour le renforcement des liens entre la France et la Tunisie.

Notre association sera toujours très combative sur ce sujet. Le groupe des indépendants de l'AFE dont je fais partie a d'ailleurs été à l'origine d'une motion votée à l'unanimité qui  condamne toute discrimination à l'égard d'un français possédant une autre nationalité ( voir le texte ici )

Propos recueillis par Isabelle Enault (www.lepetitjournal.com/tunis.html) mercredi 19 septembre 2012

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Publié le 19 septembre 2012, mis à jour le 21 novembre 2012

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