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FEMME EXPAT - Monique Vassart : parlons plutôt d'Esmaani !

Écrit par Lepetitjournal Tunis
Publié le 4 novembre 2012, mis à jour le 21 novembre 2012

Monique Vassart, biologiste de formation, dirige une agence de communication et réside en Tunisie depuis plus de 20 ans. Elle a co-fondé avec un groupe d'amis tunisiens l'association Esmaani en mars 2011, après avoir lancé deux événements en 2009 et 2010

 


Vous êtes Belge, comment avez-vous choisi de vivre en Tunisie ?

J'ai épousé en 1989 un Tunisien et nous nous sommes installés en 1993, car mon mari footballeur avait obtenu un contrat avec un club de foot local et a souhaité s'installer dans son pays d'origine.


Comment s'est déroulée votre carrière en Tunisie ?


J'étais biologiste, j'ai travaillé quelques années dans ce domaine, puis j'ai crée mon agence de com spécialisé dans le trade marketing.


Quand avez-vous commencé à oeuvrer dans l'humanitaire ?


Presque depuis toujours, et j'ai donc cherché ce que je pouvais mettre en oeuvre en Tunisie.

Cette semaine je finalise avec mes amis d'Esmaani notre grand événement annuel, et je préfère vous raconter la grande aventure de cette association qui me tient à coeur plutôt que de vous raconter ma vie !

Donc, j'avais quelques idées en tête vu l'énorme travail à faire en Tunisie, mais sous Ben Ali, il était très difficile de monter une association. Officiellement c'était autorisé, mais concrètement il y avait tellement de barrages que cela devenait impossible.

un jour de déprime, je regardais mes livres plein de poussière et manquant vraiment de courage pour attaquer le ménage, j'ai réalisé que je ne devais pas être la seule dont les livres prenaient la poussière, n'étant que de peu d'utilité une fois lus. J'ai donc pensé à faire une grande collecte des livres pour récolter de premiers fonds ....

J'ai commencé à contacter des libraires qui étaient d'accord pour accueillir les collectes, puis j'ai visité le Palais Abdellia qui m'a subjuguée. Eux aussi ont trouvé l'idée intéressante et ils ont été d'accord pour un marché aux livres, mais l'endroit était trop grand pour ce seul événement.

J'ai ensuite réuni mes amis autour d'un couscous pour trouver d'autres idées, certains ont vécu le début de l'aventure et sont partis, d'autres sont restés et sont toujours là.

Il faut beaucoup d'amitié pour tenir le coup car cela demande une énergie énorme et aussi de l'investissement financier, personne ne gagne d'argent, je peux même dire que tout le monde participe de sa poche.


Quand est réellement né le premier événement ?


En 2009 nous avons monté un premier événement culturel Esmaani à Abdellia pour aider l'ATAS, l'association tunisienne d'aide aux sourds, sur le principe qui existe toujours : collecte de livre pour la revente, exposition de peinture, photo, sculpture, ateliers de dessin, peinture, sculpture et théâtre financés par les artistes

Une des raisons qui ont fait naître ce concept, c'est le peu d'occasions de faire rencontrer le public avec les jeunes artistes.

A l'époque, nous collections des fonds et les reversions aux associations qui nous paraissaient fiables.

Nous avons fait une première action pour Sos Villages d'Enfants et l'UTAIM (union tunisienne d'aides aux insuffisants moteur) : avec les fonds récoltés, nous imprimions des calendriers et leur reversions l'argent des ventes.

Ensuite, nous avons soutenu l'ATAS principalement en 2009 et 2010.


Pourquoi Esmaani ?


Esmaani-écoute moi-listen to me, était le nom choisi pour inciter le public à écouter les sourds, leurs problèmes, leurs besoins.

Mais le suivi des projets financés n'était pas satisfaisant pour nous et nous avons donc décidé de créer notre propre association, et d'étendre notre action.


Comment sont définis les rôles de chacun dans l'association ?


Chaque ami apporte sa compétence (infographiste, juriste, avocat, comptable ... etc) pour aider l'association à perdurer et se développer.

Tous travaillent et prennent de leur temps libre pour développer l'association.


Quand a débuté l'action dans les hôpitaux ?

Tout de suite après la révolution, un ami employé de l'Hôpital Charles Nicolle m'a raconté que l'hôpital était sans dessus dessous : les employés ne venaient plus travailler par peur des milices et en raison du couvre feu. Les draps n'étaient plus changés, le ménage inexistant, même les repas n'étaient plus servis !

Nous avons donc lancé un appel de solidarité pour venir en aide aux hôpitaux et nous avons décidé alors de capitaliser le nom Esmaani déjà connu


Aujourd'hui, Esmaani est une association d'accompagnement aux malades en milieu hospitalier, et se fixe sur ce domaine.


Comment contribuent les participants ?


Les artistes vendent leurs toiles et reversent 50 % des gains à l'association. Les musiciens, animateurs et comédiens participent à l'animation bénévolement. Grâce à eux, nous collections des droits d'entrées (5 DT pour les concerts, 3 DT pour les ateliers)

En 2011, nous avons récolté 24.786 DT, dont environ 6566 DT par la vente de livres, 3870 DT par les tickets d'entrée de soirées, 1973 DT par la vente d'oeuvres (50% de la vente), 677 DT pour les ateliers et 200 DT pour la buvette.


Comment définissez vous cet événement ?


Ce qui est intéressant dans cet événement, c'est l'énorme élan de solidarité engrangé, tant de la part des libraires, des artistes, des médias et bien sûr du public.


Avez-vous beaucoup de refus ?


Certaines personnes bien établies du monde de l'art ne voyaient pas d'intérêt à participer à Esmaani, surtout les premiers temps. Aujourd'hui, devant le succès grandissant et la notoriété de ce rendez-vous annuel, c'est elles qui viennent vers nous.


Quelles sont les nouveautés de l'édition 2012 ?

Pour cette édition, nous avons deux nouveautés : Salah Barka animera un atelier de stylisme, et la Galerie Cherif exposera ses propres artistes, ce qui va être un moyen pour faire découvrir aux connaisseurs habitués de cette galerie, les nouveaux artistes et l'événement en lui-même.

Nous rendrons hommage à deux grands artistes : Ezzedine Thabet, et Manoubi Boussandel

Cette année, nous avons aussi une magnifique marraine : Hanaa Ben Abdessalem, égérie de Lancôme, qui a acheté des télévisions pour les enfants de Salah Azaiez, et passe les visiter dès qu'elle est en Tunisie.

Nous avons aussi désormais notre "hymne", la chanson "Esmaani", qui a été écrite, interprétée par Najet Ounis, Yassine Karoui, Yesser Jradi, Hedi Fahem, Majdi et Chedly (Nouveau système), Vipa, Lotfi Bouchnek, Mohsen Materi,  et réalisée par Amine Lamine GRAPHIKISLAND.


Dans quels hôpitaux travaillez-vous ?

Charles Nicolle
Hopital de Jendouba
Institut Salah Azaiez
Service Cardiologie de l'hôpital d'enfants Bechir Hamza

Pour gérer nos actions dans ces 4 structures, nous avons au total 150 bénévoles formés dont 80 sur le terrain de façon régulière. Ce n'est bien sûr pas suffisant.


Qui vous sponsorise principalement ?

L'agence du patrimoine et le ministère de la culture offrent les frais afférents au Palais Abdellia et le matériel sono, lumière, scène

La première fois il était difficile des les convaincre, mais désormais c'est beaucoup plus facile depuis que nous sommes reconnus événement culturel.

Nous recevons aussi des dons anonymes, comme le lycée Caillou qui nous a remis 1500 dinars sans préciser le nom des donateurs, 10 000 dinars de la part d'un grand chef d'entreprise tunisien qui a refusé qu'on le cite, 1000 dinars de la part d'un hôpital, ainsi que des dons de frigos ou de télés pour améliorer le quotidien des malades.


Qu'en est-il des insitutions étrangères en matière de sponsoring ?


Tous les ans, nous avons de généreux dons de la part des différentes institutions étrangères ou coopérations culturelles tuniso-espagnoles, belge ...

L'Ambassade de Belgique nous ont offert le concert du guitariste Hugues Navez, l'Ambassade d'Espagne le spectacle du cirque Fadunito, l'Ambassade de France nous a offert le budget du buffet du 14 juillet 2011, ce qui nous a aidé à démarrer notre action à Jendouba....


Comment sont utilisés les fonds récoltés et quel est votre rôle exact ?

Notre rôle est d'accompagner les malades, de leur apporter soutien moral et physique, de remplacer une famille absente ou éloignée, de les distraire, leur remonter le moral, faire la lecture ou  les petites courses nécessaires au quotidien. Notre rôle n'est pas médical mais plutôt psychologique, il représente tout ce que rentre pas dans les fonctions d'infirmier.

Nous finançons le matériel d'accompagnement : tout d'abord l'installation de casiers dans chaque hôpital, mais aussi le gel anti-bactérien, couches, café, pyjamas, gants, masques, brosses à dent, jouets, jeux de cartes, journaux ......

Nous payons aussi les salaires des 4 employés à plein temps :
Sofiene responsable des ressources humaines et facebook : il gère les bénévoles et s'occupe de la mise en place des formations. Malika est formatrice de terrain. Tahar et karima travaillent à l'hôpital de Jendouba et ont assuré un véritable relai, et gèrent autant de bénévoles que de volontaires


Quelle est la spécificité de votre action à Jendouba ?


Dans cet hôpital, il y avait un travail énorme à faire, et l'Ambassade de France, notre principal sponsor, nous a demandé de cibler notre action sur les femmes et les enfants.
C'était une orientation intéressante, qui permet d'être plus efficace et de ne pas se disperser.

Nous accompagnons donc les femmes célibataires, les femmes qui viennent d'accoucher. Sur ce domaine, le service santé de la femme s'est donné comme objectif un pourcentage zéro mortalité de la maman sur le péri-natal. En effet les traditions bien ancrées de la région veulent que les mamans enceintes et également les jeunes mères restent à la maison, ne fassent aucun effort, restent allongées le plus souvent possible ... Cela entraîne de nombreuses complications, car c'est le meilleur moyen pour être victime de caillots sanguins, de phlèbyte, etc.

Notre rôle ici est d'inciter la jeune mère à marcher, bouger, faire des promenades à l'extérieur, être active pour diminuer fortement ces risques.

Nous accompagnons également les femmes âgées (col du fémur cassé, bassin cassé) etc

Pour mener cette action à bien, nous avons aujourd'hui à Jendouba 10 bénévoles + 8 volontaires du service civique qui font partie du programme"AMAL"



Vous travaillez en étroite collaboration avec le BAC ?

Lotfi, le Président d'Esmaani se consacre deux jeudis par mois aux réunions du BAC, pour étayer les projets : les axes du partenariat avec le bac sont multiples, les principaux sont le développement d'un réseau associatif qui puisse apporter son soutien et ses conseils à toutes les associations tunisiennes grâce à des formations, le développement de l'échange inter-associatif entre la tunisie et la France.

Ainsi depuis un peu plus d'un an, a été initié le programme d'échange des volontaires du service civique tuniso-français et ceci constitue une occasion pour les jeunes volontaires Français et Tunisiens âgés de 18 à 25 ans de vivre une expérience associative à l'étranger (France,Tunisie) dans différents domaines d'activité.

Cet échange est ouvert à tous les jeunes faisant partie du milieu associatif Tunisien et Français et c'est l'ONG Française : Développement Sans Frontière(DSF) qui finance ce projet.

Notre association a pu ainsi accueillir deux volontaires Français : le premier en 2011 Mr Romain Gaey pour une période de six mois et la deuxième volontaire vient de nous rejoindre et il s'agit de Mlle Marion Cuvelier.

Les volontaires sont payés par la France (agents du service civique français), cela fait partie du programme d'échange franco-tunisien.


APPEL

L'association Esmaani a besoin de vous, elle recherche des bénévoles motivés pour l'aider dans sa démarche.

Nous avons constamment besoin de bénévoles actifs, votre présence à l'hôpital n'est pas obligatoire, vous pouvez aider en collectant des jouets ou des livres, en organisant l'événement, en communiquant sur l'événement

Contactez la page Facebook Esmaani

et partagez l'hymne Esmaani !

 

 

 

Propos recueillis par Isabelle Enault (www.lepetitjournal.com/tunis.html) jeudi 1er novembre  2012

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Publié le 4 novembre 2012, mis à jour le 21 novembre 2012

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