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TÉMOIGNAGES D'EXPAT - Claude Henry, l'amour et l'aventure au Canada

Écrit par Lepetitjournal Toronto
Publié le 2 mars 2015, mis à jour le 4 mars 2015

 

Partis de France jeunes mariés, en aventuriers, pour quelques années seulement, pensions-nous, afin de parfaire nos connaissances de la langue anglaise, mon mari et moi y sommes restés notre vie durant. Au grand dam de nos parents qui - lassés d'attendre notre retour et de lire nos lettres leur disant qu'au Canada, tout était plus vaste, plus grand, moins peuplé et que tout y était à faire - sont venus nous rendre visite pour comprendre ce qui pouvait bien nous retenir loin du pays.


Tous deux épris de grands espaces, de nature indéfrichée, de liberté, à chacune de nos courtes vacances en France, nous trouvions alors celle-ci ?trop petite; trop peuplée, trop structurée?, à notre goût.

ll ne fallait surtout pas toucher à ces vieilles pierres, que nous aimions tant, sans de multiples permis avant de les rénover, alors qu'au Canada, tout semblait possible.

Nous arrivions de vieilles provinces, riches en histoire. Mon mari, né en Anjou aux châteaux en dentelle, construits pour les
plaisirs de la chasse et autres; moi venant de Lorraine, aux solides châteaux forts, bâtis pour se défendre contre l'envahisseur.
Fou d'aviation, Jean-Marie désirait être pilote de ligne. Hélas, sa vue imparfaite l'en empêcha.
Quant à moi, devenir journaliste-reporter, était mon ambition.

Arrivés au Canada avec quelques maigres économies, sur une vague promesse d'emploi de la part d'American Airlines, nous avons  dû nous nous mettre sérieusement au travail - et vite !

Notre tout premier achat fût une machine à écrire portative, ( en ce temps-là, les ordinateurs n'étaient pas nés). Puis, une voiture, payée comptant à la grande surprise du vendeur; une tente et un canoë.

Logeant dans un tout petit meublé, nous nous sommes promenés pendant des mois, avec le canoë sur le toit de la voiture et la tente dans le coffre, faute d'un garage.

Côté emploi, il me fût suggéré de me diriger vers l'enseignement, alors que mon mari se lançait dans la traduction, à la pige.
Ayant trouvé une succession de petits emplois, ' des jobettes ' souvent des plus cocasses, nous n'avons jamais été en chômage.
- ' Salad Girl ', dans le restaurant d'un grand hôtel, démoli depuis; où j'y ai appris que les salades américaines n'avaient rien en commun avec les salades de mon enfance. Les premiers clients arrivant à 7h du matin, je devais me lever très tôt.
Puis, j'ai tapé des milliers d'enveloppes de demandes de fonds,- aux noms impossibles, pour la Croix-Rouge; recevant à la fin de la semaine le maigre salaire que je croyais être celui d'une journée de travail.

- Suis entrée ensuite au service d'une maison d'édition plus ou moins louche; ses vendeurs forçant la main de ménagères
 désoeuvrées pour leur vendre des abonnements de magazines qu'elles ne lisaient pas. Je devais répondre à des maris furieux  à la réception de la facture.

Le soir, lorsque nous n'assistions pas à des cours d'Anglais, je tapais sans relâche, sur la table de la cuisine de notre meublé, les traductions faites par mon mari...jusqu'au jour où notre logeuse, une veuve ukrainienne israélite, nous dit, excédée :« Ne pourriez- vous pas vous arrêter de taper au-dessus de ma tête, au moins le vendredi soir ?  Et en passant, cessez d'apprivoiser les écureuils.
Ils laissent tomber dans le jardin, les coquilles des arachides dont vous les nourrissez !»
A partir de ce jour, nous sommes allés au cinéma, le vendredi soir et filions camper dans les parcs provinciaux en fins de semaine, le canoë sur le toit, la tente et la machine à écrire dans le coffre, goûtant à plein les joies du plein-air et les nombreuses ' bibites '  locales qui en font partie.

Mais il était temps de bouger. Un autre meublé, plus grand, dont il était impossible d'ouvrir les fenêtres, solidement calfeutrées en hiver, nous abrita pendant un moment !

Mon mari, qui avait trouvé un emploi de traducteur à plein temps au catalogue Eaton ( maintenant disparu ), y appris à taper à la machine - plus vite et mieux que moi !

De mon côté, le magasin Eaton m'embaucha au service de la correspondance. Emploi stable, mon travail consistant à répondre à des lettres, parfois saugrenues, venant de tous les coins du Québec. J'ai dû vite apprendre ce qu'étaient : « Un plancher ( non, il ne s'agit pas d'un parquet en bois ) ; un moulin ( pas à café ); un carrosse, ( landau de l'enfant-roi,) etc. Les deux Québécoises, chargées de la vérification, me rappelant que ?j'écrivais pour vendre et être comprise et non pour glorifier la langue française...?
C'est alors que par l'entremise d'une agence ' chasseuse de têtes ', ( cette expression imagée, me fait toujours rire ) j'ai été engagée par la compagnie Shell, toujours au service de la correspondance. J'y appris qu'il me faudrait prendre au dictaphone, un minimum de 30 lettres par jour, en anglais ( ! ), si je n'étais pas occupée à traduire les discours du président. Prise de panique, j'ai failli démissionner avant d'avoir commencé. Quelques mois après, à ma grande surprise, non seulement je soutenais la cadence prescrite, mais je trouvais bien monotones toutes ces lettres de collection.

La compagnie Shell traitait bien son personnel. Le salaire était  bon. Mes nombreuses heures supplémentaires m'étaient rigoureusement payées et nous avions besoin de cet argent pour aider l'agence de traductions que mon mari venait d'ouvrir. Mais, si j'arrivais 2 fois en retard de quelques minutes, dans le mois, j'étais réprimandée. Et la fantaisie n'étant pas de mise, le strict code vestimentaire nous était dicté.

Décidant de ne pas faire carrière dans l'industrie pétrolière, je repris contact avec l'agence de placement. A suivre?.

Témoignage de Claude Henry recueillis par Marie Lise Piffard  www.lepetitjournal.com/toronto le 3 mars 2015

logofbtoronto
Publié le 2 mars 2015, mis à jour le 4 mars 2015

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