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PENSIONNATS AUTOCHTONES - Le Canada face au défi mémoriel

Écrit par Lepetitjournal Toronto
Publié le 22 décembre 2015, mis à jour le 23 décembre 2015

La commission « Vérité et Réconciliation » avait été chargée d'étudier le passé des pensionnats autochtones où étaient envoyés les enfants des premiers natifs du Canada. Elle a remis son rapport ce mardi 15 décembre. Ses conclusions remettent finalement en lumière le dur travail mémoriel auquel fait face le Canada contemporain. Si l'ancien Premier ministre Stephan Harper s'était excusé officiellement en 2008 au nom du gouvernement fédéral auprès des populations autochtones, il semble que son successeur Justin Trudeau, cherche à aller encore plus loin.


La reconnaissance d'un génocide culturel

Le rapport intitulé : « Honorer la vérité pour réconcilier l'avenir » s'attaque dès l'introduction à définir le génocide culturel dont ces populations ont été les victimes. À la fin du XIXe siècle, le gouvernement fédéral canadien crée des pensionnats et orphelinats spéciaux destinés à accueillir les enfants des populations amérindiennes et autochtones. Il ne faut pas longtemps après l'ouverture de tels établissements, pour que le gouvernement fédéral d'alors y envoie les enfants autochtones de force, n'hésitant pas à les arracher à leurs familles. Le rapport rendu par la commission établit ainsi une relation très claire entre l'institution du pensionnat autochtone et la volonté directe de détruire toutes les formes d'appartenances culturelles jugées« non-canadiennes ». Ces pensionnats fédéraux bien plus que des écoles spécialisées, étaient de fait dès la conception des institutions de conditionnement culturel très violentes. La violence exprimée dans ces établissements n'était d'ailleurs pas purement morale ou symbolique. Le rapport pointe également les mauvais traitements physiques dont ont étés victimes les enfants de ces pensionnats, dont de nombreuses sévices sexuelles. Souvent laissés aux mains des congrégations religieuses, ces lieux étaient également très mal équipés et sous-dotés par le gouvernement. Mal nourris et vivant dans des conditions souvent misérables, beaucoup d'enfants sont morts lors des épidémies de grippe espagnole ou de typhus au début du XXe siècle. Le taux de mortalité très haut dans ces établissements était lié de manière conjointe à la brutalité dont les pensionnaires étaient victimes.  Tout ceci, énoncent les rédacteurs du rapport, se jouait sur fond de racisme latent d'un monde occidental qui voyait les populations natives uniquement comme sauvages et non-civilisées.      

 

Le Premier ministre Trudeau veut déjà

aller plus loin

Si les conclusions du rapport sont sans équivoque et n'ont pas peur de s'attaquer aux responsabilités du gouvernement fédéral, le Premier ministre Justin Trudeau ne veut pas s'y arrêter. Il promeut une nouvelle ère de coopération et de réconciliation avec les populations natives. Ainsi veut-il par exemple explorer les nombreux cas de disparitions de femmes autochtones. Pour ce faire il appelle à établir une grande enquête nationale similaire à celle qui vient de s'achever sur les pensionnats autochtones. Le rapport rendu mi-décembre par la commission Vérité et Réconciliation contient également 94 autres résolutions d'actions. Celles-ci comprennent par exemple la reconnaissance officielle des spécificités linguistiques et culturelles ou un engagement à un plus grand travail de réinsertion des communautés natives. Trudeau a fait part de son intention de les suivre autant que possible, ce qui lui a alors valu de réveiller l'opposition. Celle-ci, sans contester les résultats historiques établis par la commission, a cependant pointé du doigt les coûts hypothétiques de ces mesures. Des coûts qui, assurent-ils, n'ont pas encore été estimés. Les conservateurs dénoncent également un effet d'emballement médiatique irresponsable et qui pourrait à terme se révéler dangereux. Ils rappellent en effet que la situation oblige à penser dans l'intérêt de l'ensemble de la communauté nationale et non en terme de communautarisme électoral.

Depuis la rendue du rapport, les populations natives cherchent, elles, à rendre hommage dignement à leurs morts. Au musée pour les droits de l'Homme de Winnipeg on peut admirer depuis le 15 décembre l'?uvre baptisée La couverture des témoins. Son auteur Carey Newman, a rassemblé plusieurs centaines d'objets récupérés dans les anciens pensionnats autochtones et chez les survivants pour réaliser ce qu'il appelle le « premier monument national à la mémoire des victimes des pensionnats ».

Philippe Creusat (www.lepetitjournal.com/toronto), le 23 décembre 2015

L'?uvre est visible sur le site du musée des droits de l'Homme de Winnipeg

logofbtoronto
Publié le 22 décembre 2015, mis à jour le 23 décembre 2015

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