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CULTURE - Haruki Murakami raconte Tsukuru Tazaki, une histoire réaliste par hasard

Écrit par Lepetitjournal Tokyo
Publié le 31 août 2014, mis à jour le 1 septembre 2014

 Haruki Murakami est le romancier contemporain japonais le plus adulé dans son pays et le plus connu à l'étranger, mais aussi le plus secret et le plus distant des médias. Dans un rare entretien en tête-à-tête dans son petit bureau de Tokyo, il raconte les coulisses de son nouveau roman "L'incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage" à paraître le 4 septembre en France

"C'est une expérience personnelle qui m'a donné l'idée de ce livre: le personnage s'est fait soudain exclure d'un groupe de cinq amis. La tristesse profonde qu'il a ressentie, je l'ai subie moi-même dans une situation analogue". "Quand on prend de l'âge, on parvient à relativiser, mais quand on est encore jeune, c'est très dur. De la même façon, Tazaki se trouve un jour confronté à la jalousie pour la première fois. Cela aussi m'est arrivé. Depuis que je suis né, je n'ai jamais été jaloux, mais un jour j'ai rencontré la jalousie en rêve et ce fut très éprouvant".

Comme dans +La Ballade de l'impossible+, le lecteur est entraîné dans les méandres des sentiments mêlés d'un antihéros d'une histoire réaliste où le passé et le présent s'entrechoquent...
"Je n'ai pas spécialement choisi d'écrire un roman réaliste, c'est arrivé comme cela. Seule +La ballade de l'impossible+ est une oeuvre dont j'avais auparavant décidé qu'elle serait réaliste, par défi". "Quand je commence un roman, je ne sais pas trop ce que je vais écrire. Je suis dans la peau du personnage et me laisse guider par ses décisions. Toute l'histoire me vient au fil du temps. J'avais l'intention de faire un livre court et de le finir sans même écrire pourquoi Tazaki avait été écarté de son groupe d'amis. Mais en écrivant, soudain a surgi un autre personnage, une femme, Sara, et elle a modifié la trame en ordonnant à Tazaki d'enquêter sur les raisons pour lesquelles de telles choses s'étaient produites. J'ai pensé qu'elle avait raison, qu'il fallait que j'envoie Tazaki enquêter à Nagoya puis en Finlande".

Pourquoi la Finlande ?
"Je trouvais qu'un pays du nord convenait bien, pas trop grand, pas très connu. Ce qui est étrange, c'est que mes descriptions, sorties tout droit de mon imaginaire, étaient presque justes. C'était pareil dans +Kafka sur le rivage+. L'action se déroule dans la région de Shikoku (île du sud-ouest du Japon). Je l'ai écrit sans y aller. Je ne m'y suis rendu qu'après. Et j'ai alors constaté que les paysages que j'avais décrits étaient très proches de la réalité. Il est beaucoup plus intéressant d'imaginer que de se contenter de transcrire ce qui existe. Il ne faut pas cependant que le fond soit totalement faux car les inventions que l'on grefferait dessus perdraient leur pouvoir de persuasion".

Tsukuru Takaki a une trentaine d'années, il est plus jeune que vous...
J'aime bien écrire sur les différents âges. Cette génération n'a pas connu d'événements dramatiques. La mienne a traversé beaucoup de mouvements, avec la contre-culture et des manifestations. C'était vraiment une période extrêmement intéressante, avec les oppositions Beatles/Rolling Stones, des gars comme Jimmy Hendrix. Mais les trentenaires d'aujourd'hui, j'ai l'impression qu'il n'ont pas vécu ce genre de choses renversantes. Peut-être est-ce pour cela que le fait d'être lié à des amis leur est essentiel".

Et les femmes ?
"J'aime parler des femmes. La façon dont elles pensent est une chose qui me passionne, parce qu'elles raisonnent différemment de moi. Les hommes, quand ils prennent de l'âge, ont de plus en plus tendance à penser les choses en fonction de leur position, mais les femmes, non. Elles font davantage preuve de liberté. De plus, un romancier a une capacité toute particulière à devenir le personnage qu'il décrit. C'est un point extrêmement important. Donc, quand je mets en scène une femme, je fais tous les efforts pour devenir cette femme et comprendre ce qu'elle pense et ressent".

Tsukuru Tazaki est attirant pour la gent féminine, non ?
"Ce n'est en tout cas pas ce qu'il pense. Il se sent terne, sans intérêt, sans couleur, mais c'est peut-être cela qui, pour ceux qui l'entourent, le rend attirant. Ce qui est essentiel, c'est que se développe chez le lecteur une sympathie au sens étymologique pour ce personnage. Je veux que ceux que je mets en scène soient d'une certaine façon attirants".

Comme dans tous vos ouvrages, le sexe est présent aussi...
"Le sexe et la violence sont selon moi très importants dans un roman. Dans la vie courante, les portes sont fermées sur ces deux aspects, mais dans un roman, on les ouvre un peu, ce sont des clefs du drame. Il faut savoir cependant les utiliser de façon modérée. Je n'entre pas dans les détails physiques, je préfère la symbolique émotionnelle".
(http://www.lepetitjournal.com/tokyo avec AFP) lundi 1er septembre 2014

logofbtokyo
Publié le 31 août 2014, mis à jour le 1 septembre 2014

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