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DOSSIER - Rester en Australie mais à quel prix?

Écrit par Lepetitjournal Sydney
Publié le 10 août 2016, mis à jour le 16 août 2016

Destination prisée et très souvent fantasmée, l'Australie attire chaque année des milliers de jeunes internationaux. Beaucoup d'entre eux souhaitent d'ailleurs y rester et cherchent les meilleurs moyens pour y parvenir et décrocher ensuite le graal de la résidence permanente. Mais le chemin peut se montrer sinueux, parsemé de mauvaises surprises si l'on fonce tête baissée. Lepetitjournal.com de Sydney s'est penché sur le renouvelement du WHV par le travail en ferme et le business grandissant des "boîtes à visa" où les abus et les arnaques sont nombreux...mais évitables !

EPISODE 1 : Le travail en ferme : Eviter de vivre un calvaire

Pour renouveler sa première année de Working Holiday Visa, les PVtistes doivent travailler 88 jours en région rurale en effectuant des petits boulots dont le travail en ferme. Mais l'image d'un travail exotique au contact de la nature et des habitants locaux peut vite tourner au cauchemar. D'où la nécessité de se renseigner au maximum avant de se lancer dans l'aventure pour éviter les arnaques et vivre 3 mois d'enfer.

Cécile se rappelle de sa première expérience en ferme à Shepparton, dans le Nord du Victoria. « J'y suis restée 2 semaines, je me suis retrouvée dans une auberge miteuse avec un propriétaire magouilleur. Il travaillait avec des « contractors » qui faisaient croire à tout le monde que notre séjour allait compter pour le second visa alors que c'était faux. Tout était au black. »

Les « contractors » , personnes intermédiaires entre les fermiers et les PVtistes qui gèrent les contrats, sont souvent la source du problème puisque beaucoup passent des annonces alléchantes mais totalement fausses et se font de l'argent sur le dos des WHV mal renseignés. Certains promettent du travail alors qu'il n'y en a pas, d'autres entassent des dizaines de jeunes dans une même pièce pour dormir ou dans le cas de Cécile, falsifient carrément des contrats qui ne garantissent pas du tout le renouvellement du Working Holiday Visa. « En plus de ça, les asiatiques étaient payés en dessous de 14 dollars de l'heure alors que les européens étaient payés 17 dollars de l'heure. » a t-elle ajouté. Cette discrimination n'est malheureusement pas un cas isolé et se retrouve dans beaucoup de fermes. Les jeunes asiatiques représenteraient "une main d'oeuvre plus docile qui se plaint moins que les européens" selon les dires de certains agriculteurs.

Pour éviter de tomber dans le piège de ses profiteurs, la première chose à faire est de ne pas se jeter sur la première annonce de Gumtree, paradis des arnaqueurs. Cela vous évitera de vous retrouver au milieu de nulle part avec aucune ferme à l'horizon alors que l'annonce vous certifie le logement et le travail ou encore de dormir dans un taudis et de cohabiter avec plus 10 personnes dans la même pièce.

Lepetitjournal.com a rencontré Maxime Foissac, de l'agence Boomerang Australia Studies, qui est en contact permanent avec des backpackers, souvent confrontés à ce genre de problèmes :

« Il faut faire super attention sur Gumtree, et ne rien payer à l'avance. On conseille vivement d'aller sur le site du gouvernement qui propose un guide PDF gratuit où toutes les fermes d'Australie homologuées sont répertoriées. Et ce guide, très peu de PVtistes le connaissent » a t-il déclaré.

En effet, le gouvernement a créé le Harvest Guide, annuaire qui regroupe toutes les fermes homologuées d'Australie  avec des précisions sur les mois de récoltes et le détail des contacts. Très peu connu des PVtistes, il reste pourtant le moyen plus fiable pour trouver sa ferme idéale et éviter toute arnaque.

En plus de ce guide disponible gratuitement en ligne, on apprend que le fruit-picking n'est pas le seul moyen d'obtenir son second visa, il existe d'autres opportunités de travail comme le « pearl picking » qui consiste à  travailler dans des élevages d'huîtres.

A l'inverse, il est important de savoir que deux autres pratiques, le Woofing et l'Help x, programmes d'aide bénévoles très répandus en Australie, ne comptent plus comme des alternatives pour renouveler son WHV (mais qu'il est toujours possible de pratiquer ). Le gouvernement y a mis fin il y a 2 ans suite à un nombre incalculables d'abus dans le domaine.


Tenter de contourner le travail en ferme : une technique qui ne porte plus ses fruits.

Du côté des backpackers, beaucoup ont alors essayé d'échapper au travail éprouvant des récoltes en utilisant une technique devenue populaire il y a quelques années : payer un fermier en échange d'un faux contrat qui atteste que vous avez travaillé en ferme alors que vous n' y avez jamais mis les pieds.

C'est sur ce terrain glissant que s'était aventurée Mégane* il y a cinq ans :  «Pour rendre service à des amis qui galèraient pour trouver une ferme en période d'hiver , j'ai demandé à mon ancien fermier s'il était d'accord pour leur faire signer un papier attestant qu'ils avaient fait leurs 88 jours de ferme. En échange de 2500 dollars, c'était réglé! »nous at-elle confié.  « Il fallait être prudent puisqu'ils résidaient à Melbourne et ne devaient pas retirer par carte bleue pendant 3 mois pour ne pas avoir de preuves qu'ils se trouvaient en ville et non dans une région rurale ». 

Par cette méthode illégale, les amis de Mégane* ont obtenu leur second visa sans avoir à montrer des justificatifs de fiches de paye. Néanmoins, il est aujourd'hui quasiment impossible de passer entre les filets de l'immigration qui a renforcé ses méthodes pour ne plus se faire avoir.

« L'immigration a aujourd'hui des pratiques poussées pour lutter contre la falsification des contrats de ferme. Ils vérifient tout. Ils ouvrent même ton téléphone et vérifient tous tes textos. Celui d'un jeune intercepté à l'aéroport était éteint, ils l'ont chargé et l'ont regardé » a déclaré M. Foissac.

Si l'immigration vous attrape avec un faux contrat, votre visa sera annulé directement, vous serez placé dans le premier avion et banni du territoire australien pour trois ans. Alors ne jouer pas avec le feu et remplissez votre devoir de travailler en ferme tout en vous organisant avant d'y aller.

« Ce que l'on conseille vraiment à Boomerang c'est de se renseigner au maximum, de regarder la liste officielle du gouvernement déjà. Et surtout de ne pas attendre le dernier moment pour effectuer son séjour en ferme ça évitera la précipitation et de se ruer sur Gumtree et tomber dans le piège »

En effet, beaucoup de PVtistes attendent les derniers mois de leur visa pour leur travail en ferme. Grosse erreur. C'est le meilleur moyen d'accepter n'importe quelle offre dans la précipitation et de tomber dans le piège de « contractors » magouilleurs.

D'autant plus qu'avant d'arriver en Australie, ne négligez pas toute la préparation en amont et prenez tous les renseignements nécessaires. Fiez vous aux sources du gouvernement, aux agences d'orientation comme Boomerang ou encore des témoignages de personnes qui sont déjà passées par les fermes. Certains vous diront d'éviter les plantations de bananiers, endroits prisés des serpents et des araignées qui engendrent des contrats assez incroyables où il n'est pas rare de lire qu' « en cas de piqûres mortelles et sachant que l'hôpital le plus près est à plus de 20 kilomètres, vous nous autorisez à vous couper la main ou le pied en signant ce contrat.» Vous êtes prévenus !

 

Moralité de l'histoire?

Il est important de garder les pieds sur terre dans un pays bien trop fantasmé par les jeunes français. Renseignez vous, préparez vous, organisez vous. N'attendez pas le dernier moment pour aller en ferme et ne vous laisser pas avoir par la première annonce alléchante sur Gumtree. N'essayez pas non plus d'arnaquer l'immigration en achetant un fermier, vous le regretterez amèrement.

Le travail en ferme est difficile et éprouvant mais avec une bonne organisation, cela reste une expérience incroyable que vous ne vivrez pas ailleurs et dont vous vous souviendrez toute votre vie. Il serait dommage de passer à côté.

A titre d'info, le gouvernement a récemment provoqué la colère des backpackers et des fermiers en annonçant l'augmentation des impôts des jeunes routard travaillant avec le WHV. Mais l'application officielle a été repoussée de 6 mois car beaucoup pensent que le gouvernement "se tire une balle dans le pied" en enlevant aux agriculteurs leur main d'oeuvre bon marché pour leurs récoltes. Si le gouvernement abandonne toutefois cette décision, les demandes de visas étudiants d'ici la fin de l'année exploseraient certainement puisqu'ils représentent la meilleure alternative pour rester et travailler provisoirement en Australie.

 

EPISODE 2 : Le business grandissant des écoles « boîtes à visa » 

En plus de garantir l'accès à l'enseignement supérieur australien, le visa étudiant est un formidable passe pour rester en Australie et espérer par la suite décrocher une résidence permanente. Mais par ce désir de rester, beaucoup se retrouvent dans des formations poubelles qui savent très bien mener à la baguette les étudiants en quête de visa et multiplier les abus et les chantages. 

Par le biais d'un visa 572 VET (Vocational Education Training), un des plus choisis pour ceux qui souhaitent rester sur le territoire, Mathieu*, 31 ans décide de suivre une formation de 2 ans pour avoir un diplôme, obtenir un visa travail et espérer par la suite demander une résidence permanente. Par le biais de la plateforme GoStudy, il s'inscrit à la ILSC business school de Sydney. 

« J'ai choisi le visa étudiant comme moyen de rester en Australie et autant choisir une formation dans mon domaine. L'idée de retourner à l'école à 30 ans c'était pour me dire que ça allait servir à quelque chose » Il a vite déchanter et dépensera environ 12 000 dollars dans une formation poubelle.

Plus qu'une école, il décrit une véritable « usine, où tout est fait pour avoir le maximum de personnes » avec des cours qui ressemblent plus à du « formatage basé sur la communication pour des services après vente ». Plus étonnant encore, lorsque les devoirs sont rendus en retard ou lorsqu'ils sont faux, l'élève doit impérativement payer une taxe de 50 dollars cash, pas sous forme de virement, mais en cash.

En appelant le directeur pour avoir plus d'informations sur ce système de taxe, il nous a répondu que c'était « une méthode qui responsabilise l'étudiant et qui lui rappelle la date limite de son devoir » Il nous a confié que cela restait rare puisque la plupart des élèves les rendaient à temps. Et pourtant Mathieu*, comme ses amis internationaux, ont en payé régulièrement? 

« Hallucinant, ça a le mérite d'être dénoncé » s'est indignée France Arnaud, directrice de l'agence d'orientation Boomerang Australia Studies pour les étudiants internationaux.  « Si encore il y avait la facture mais là tout est payé en cash, c'est pas très légal (?) Il y a encore des écoles qui sont encore là et je ne comprend vraiment pas pourquoi parce qu'elles ont été mentionnés au gouvernement. » 

Au bout d'un an, Mathieu*, trouve un sponsorship et décide, après les conseils de son agent d'immigration, d'arrêter de payer la formation et de quitter l'école. Mais il n'est pas au bout de ses surprises. Après avoir reçu plusieurs mails de l'école, ILSC lui réclame 2600 dollars pour « honorer son contrat », somme que Mathieu arrive à négocier avec son agent d'immigration et GoStudy pour ne payer que 600 dollars. En cas de non paiement, l'école le menaçait de le reporter à l'immigration pour qu'elle refuse sa demande de résidence permanente à l'avenir. 

« Ce cas n'est pas anodin, beaucoup d'étudiants viennent me voir avec ce problème et la peur d'être reporter à l'immigration. » nous a confié un conseiller français pour les jeunes internationaux en Australie « Mais je leur dis toujours de ne pas se laisser avoir et de ne pas payer puisque ce genre d'écoles n'iront pas jusqu'au bout de la menace car elles se mettent aussi en danger. Ils ne faut pas non plus que les étudiants imaginent qu'ils seront reportés immédiatement ou que leur visa sera retirée tout de suite après la plainte, il y a beaucoup de procédures que les écoles doivent suivre avant d'en arriver là. » 

C'est ce que nous confirmera Mme Arnaud qui conseille aux étudiants de ne pas céder au chantage de ces écoles. Mais c'est un chantage bien rodé puisque ces types de formations connaissent très bien leur cible : Des étudiants en quête de visa pour rester plus longtemps sur le territoire et qui cherchent souvent une formation avec peu d'heures de cours.

« Cette attitude est bien présente dans les VET (Vocationnal Educationnel Training) avec des formations où tu payes 1000 dollars pour un trimestre, tu ne viens pas en cours mais ils te notent présent. (?) Cela attire les étudiants qui voient juste ces écoles comme un moyen de rester sur le territoire plus longtemps. Mais ensuite si tu quittes l'école, le chantage et les menaces à l'immigration commencent. C'est un cercle vicieux. » 

Ces boîtes à visas persistent alors à cause de la forte demande des étudiants qui souhaitent rester plus longtemps en Australie via le visa étudiant. Elles savent très comment attirer tout comme intimider les étudiants internationaux. 

Comment éviter ou dénoncer les abus de ces écoles? 

« Les étudiants ne veulent pas en parler parce qu'ils ont peur des représailles et les arnaques continuent parce qu'ils se nourrissent de cette peur» a déclaré Mme Arnaud« La seule chose qu'on peut faire en tant qu'agence d'orientation c'est d'inciter les étudiants à aller se plaindre et la seule façon d'être crédible c'est de passer par la loi. On les reconduits alors vers des organismes municipaux. » a t-elle ajouté.

Et ces organismes sont bien existants et trop méconnus des étudiants internationaux. En cas d'abus tournez vous directement vers le Legal Aid de Redfern, qui contient un service dédié aux étudiants internationaux. Géré par des avocats bénévoles, le centre est gratuit et entend les plaintes (anonymes) des étudiants qu'ils mettent par écrit et les font suivre en justice. D'autant plus que des sessions sont organisées avec des thèmes précis chaque jour de la semaine. 

En amont, pour éviter d'atterrir dans des écoles arnaques, France Arnaud conseille aussi de bien regarder les agences d'orientation à la base « Tant qu'il y aura des arnaques au niveau des agences, il y aura toujours des arnaques au niveau des écoles. Certains agents garantissent la résidence permanente après la formation alors que c'est faux. elle n'est jamais garantie. (?) Il faut donc bien se renseigner sur les partenariats de ces agences et quelles écoles elles représentent. Ici on mise sur la qualité, on a des labels et des écoles homologuées telles que UNSW, University of Sydney, Macquarie etc? Il y a toujours une vérification derrière. "

 

Moralité de l'histoire? 

Prudence lorsque vous demandez une école. Prenez le temps de vous attarder scrupuleusement sur celle sélectionnée. Beaucoup font tourner leur business autour des étudiants qui souhaitent rester sur le territoire et choisissent une école uniquement pour s'installer en Australie. Les abus sont présents mais difficiles à cerner puisque ces écoles sont douées pour rester dans la légalité en surface.  

En cas d'abus, n'hésitez pas à vous rapportez à la loi et vous faire aider par des organismes mis en place par le gouvernement tel que Legal Aid. Ces boîtes à visa fermeront grâce aux plaintes écrites des étudiants. 

A titre d'info, l'Australie attire chaque année plus de 400 000 étudiants internationaux et ces derniers lui rapporte 15 milliards de dollars. Autant dire que c'est un joli business. Avant de se lancer dans l'aventure il faut avoir en tête qu'étudier en Australie demande d'avoir les moyens. Un étudiant international doit se munir d'un visa étudiant d'un montant de 550 dollars (420 euros), l'un des plus chers au monde. Il faut ajouter à cela, le coût d'inscription de l'université ou de l'école qui se compte en milliers d'euros, voir dizaines de milliers d'euros. Après le vote du budget 2016 par le gouvernement, les types de visas étudiant seront toutefois susceptibles de changer ou de fusionner prochainement avec les élections anticipées en juillet. 

Maëlys Vésir, lepetitjournal.com/sydney

*Pour des raisons de confidentialité, certains prénoms ont été modifiés

Le Petit Journal Sydney
Publié le 10 août 2016, mis à jour le 16 août 2016

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