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CHRONIQUE ACIDE (3) - La con...tine

Écrit par Lepetitjournal Sydney
Publié le 11 août 2016, mis à jour le 16 août 2016

 

Troisième chronique acide de Rémi, jeune Français vivant en Australie. Toujours avec un humour décapant Rémi nous décrypte aujourd'hui ses réveils difficiles en Australie.

Quand je dis acide, je ne parle pas de drogue. Certainement pas ! Pourtant, "tout avait bien commencé" dixit Maman. J'étais le bébé parfait, celui qui fait ses nuits, ses siestes et qui est toujours content. Oui, tout était merveilleux, enfin, jusqu'à ce que j'entre à l'école primaire et que je n'ai plus le droit de dormir et d'être heureux.

À partir de là, dixit, Papa, je suis devenu un "vrai petit monstre". À 13 ans, après plusieurs années de batailles matinales perdues, j'ai finalement gagné la guerre un tournevis à la main. J'ai installé, comme un grand, sur la porte de ma chambre, un gros verrou double cranté. Un verrou de compétition à l'épreuve des parents. Par cet acte, j'ai signifié à mes géniteurs désespérés qu'il fallait définitivement arrêter de me faire chier à l'heure du petit déjeuner.??

Je ne suis pas toujours le plus ponctuel, mais je n'ai jamais raté un avion ! Enfin, jusqu'à jeudi dernier. Je quitte l'appartement en courant, je saute dans ma voiture, la chemise mal boutonnée, les cheveux encore mouillés, la ceinture de travers. Je regarde l'horloge, j'ai 25 minutes pour atteindre l'aéroport.

Je suis large, je prends le temps de reboutonner ma chemise. Tout en m'exécutant, je vois s'approcher dans mon rétro une Toyota Corolla beige de 1990, rutilante comme au premier jour, au volant "Pépère" qui ne ratait pas une miette du paysage ni une occasion de dire bonjour, il m'a salué en me doublant, j'ai vu tout le paysage se refléter dans ses lunettes "double foyers".

Il était 7h45, c'étaient les vacances scolaires et sur la route de l'aéroport, j'étais tombé sur un vieux. J'ai roulé, enfin soyons honnête, j'aurais pu tout aussi bien pousser la voiture pendant que derrière moi la file s'allongeait, prenant la forme d'un beau cortège funéraire. J'ai eu le temps de réfléchir, réfléchir au droit à l'euthanasie, au PPV (Permis à Point pour vieux), au couvre feu routier qui devrait empêcher les vieux de prendre leur voiture aux heures de pointe. J'ai eu tout un tas d'idées brillantes pour fluidifier le trafic. Bref, j'ai raté mon avion pour une histoire de bouton.??

Depuis que je vis en Australie, je dois reconnaître que les réveils sont particulièrement difficiles. Chaque matin, je peine à sortir de mon lit et quand j'ouvre les rideaux, le même spectacle m'accable. Dehors les gens courent, sautent, tapent dans d'autres gens, tirent sur des élastiques, font des grimaces pas très sexy et se tortillent sur YMCA, parce que oui, 3 fois par semaine, le crétin de coach sportif qui a élu domicile dans le parc en bas de chez moi se prend pour le policier des Village People. 

Pendant ce temps-là, moi j'essaye d'ouvrir l'oeil droit, puis le gauche, tout en jetant ma jambe lourde sur le sol pour finalement tituber, de préférence sans me cogner jusqu'à la salle de bains. Exercice qui demande beaucoup plus de maîtrise qu'il n'y paraît, bref, à chacun son "boot camp". Je me surprends à regretter le temps où je vivais à Paris. À Paris, nous étions tous égaux à l'heure du petit déjeuner. Jamais, au grand jamais je n'ai eu besoin de refuser des demandes de footing. À Paris, on était tous gris-vert mais on s'en foutait, on se couchait tard, on fumait des clopes un verre de rouge à la main, on refaisait le monde, on mettait la musique fort et quand on parlait de "tablette de chocolat", c'est que l'on s'apprêtait à la manger.

J'ai la nostalgie des soirées au théâtre, enfin des soirées tout court et des nuits blanches. À Paris, on vivait mal, mais on vivait.  À Sydney, ce qui les excite, c'est de transpirer avant d'aller travailler. ??Ils sont nombreux ceux qui ont essayé de me sortir de mon lit depuis que je vis au pays du milkshake protéiné. Oui, les détracteurs de la grasse matinée ne manquent pas d'arguments. "Il faut vivre au rythme du soleil Rémi", "il faut te gainer Rémi, il faut te gainer, tu verras, c'est bon pour ta santé", "Rémi, tu vas voir, cela change ta journée". Un matin, j'ai fini par céder. 

J'ai accepté d'aller courir à 6h30 (du matin!) pendant une heure, une heure à écouter une amie me crier - "plus vite Rémi, plus vite !" Elle m'a pressé comme un citron. Il faut dire que la pauvre est angoissée par une montre qui bipe dès qu'elle ralentit la cadence. J'ai couru au rythme des bipes bipes censés lui permettre de faire disparaître sa culotte de cheval et de ressembler à la surfeuse sexy de Bondi. 

Nous avons partagé un beau moment de souffrance. À peine arrivé au bureau, j'avais déjà l'impression d'avoir fait la moitié de ma journée. À 11h je ne pensais qu'à une chose, aller dévorer un cochon, à 14h je luttais pour ne pas aller m'affaler sur le canapé, à 16h j'ai perdu d'un coup 6/10ème à chaque oeil, à 16h10 je n'arrivais plus à garder les yeux ouverts, peu après je fuyais le bureau pour finalement m'endormir à 20h, la bouche grande ouverte sur canapé. 

Le lendemain matin, j'étais réveillé à 5h45 frais comme un gardon et j'ai réalisé que la troupe de cirque et son policier n'allaient pas tarder à arriver, j'ai pris mon plus beau feutre, mon scotch et 4 feuilles A4 et je suis allé placarder sur mon balcon "Quand les gros sont maigres, il y a longtemps que les maigres sont morts" puis, je suis allé mettre du beurre sur mes tartines. J'étais de bonne humeur pour toute la journée.

RF (Lepetitjournal.com/sydney)

 

Le Petit Journal Sydney
Publié le 11 août 2016, mis à jour le 16 août 2016

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