"La France n’est pas si belle, ma prof d’histoire a menti..."

Marié à une Marocaine depuis près de 3 ans, "Naturel" dresse aujourd’hui le constat des différentes épreuves traversées ensemble au cours de leur relation. Sa femme, en France depuis 2006 pour ses études universitaires puis sa vie active, est toujours confrontée au dédale administratif que représente le renouvellement de titre de séjour pour les ressortissants étrangers.
Des années d’études à aujourd’hui, cette procédure régule toujours sa vie actuellement et l’oblige, au même titre que bon nombre de personnes, à se confronter régulièrement au flou administratif français. Files d’attentes démesurées, préfectures prises d’assaut, règles changeantes et délais de traitement allongés, telle est la réalité aujourd’hui que vivent des centaines de personnes pour être et travailler en France. A travers ce texte vous lirez une histoire de vie, ses espoirs, ses obstacles, ses rêves… Merci pour votre curiosité !
Un jour de janvier je tourne en rond,
car dans ma tête j’ai des dizaines de questions.
A tous ceux qui me liront,
à ceux qui se reconnaitront,
peut-être même à vous, M. Macron,
n’est-ce pas vous le plus grand des patrons ?
Juste envie de raconter mon histoire,
elle est belle, elle est forte, il faut y croire.
Née au Maroc, dans une grande et belle famille,
depuis toujours c’est eux mon étoile qui brille.
Dans mon pays j’ai eu mon Bac,
alors c’est avec ambition que je suis partie à la fac
avec de l’amour dans le cœur et un sac.
Un IUT, une spé finance compta,
je vais continuer ça rend fier papa.
Alors je passe des concours, je rentre dans une ESC,
c’est un autre monde sans période d’essai.
Mais qu’elles étaient belles mes années d’études,
des partiels, des cours, des fins de mois un peu rudes.
J’ai travaillé, voyagé, appris à parler l’anglais,
j’y ai même rencontré un Français,
l’homme avec qui je me suis mariée.
Incroyable destin de vie,
nos routes un jour se sont unies,
et dans sa petite ville de Normandie
un jour de décembre nous nous sommes dit oui.
Alors nous sommes entrés dans notre vie, vie active,
on a signé pour que toujours notre amour vive...
Ensemble, heureux et main dans la main,
mais rien n’est parfait même dans les rêves les plus lointains.
Comme tous les ans pour pouvoir être en France,
pays d’avenir, ma romance,
je dois pourtant attendre une date de délivrance.
Je dois me rendre à la préfecture,
remettre à quelqu’un l’ouverture,
d’une porte vers mon futur.
Alors j’emprunte, avec humilité et force,
un chemin que les obstacles renforcent.
Loin des miens l’hiver j’ai travaillé,
qu’est-ce que j’avais hâte d’être l’été...
Rentrer au pays, voir mes parents,
croquer la vie, le sourire de ma maman.
Et puis l’année reprenait,
on met entre parenthèses les soirées d’été,
il faut à nouveau constituer mon dossier.Apparemment à 5h du matin je vais devoir me pointer,
pour espérer avoir un ticket et accéder au guichet...
Le temps en France est compté,
maintenant une loi est passée,
il va falloir le trouver, ce travail dont tu as tant rêvé.
Et puis un jour le déclic, après le ciel gris, l’éclaircie,
un entretien, un poste, un espoir de CDI.
Ca y est j’y suis, en métro dans Paris,
je rentre le soir, le temps de regarder une série,
on ne voit pas le temps passer avec mon mari.
Malheureusement du CDI je ne verrai jamais la dernière lettre,
putain quelle conne j’ai pu être...
la dernière lettre est restée un D,
c’était trop beau pour qu’on range tout dans le passé.
Pas le budget pour me garder, c’est ici m’a t’on dit
que le bas blesse sinon j’étais en CDI.
Alors il a fallu tout recommencer,
espérer, y aller, se présenter,
entendre que quelqu’un est plus expérimenté.
Alors c’est le ciel qui se noircit,
et un avenir en dents de scie qui s’écrit.
Chômage, dossier, titre de séjour,
préfecture, pas française, point de non-retour.
Etre chez soi, postuler, le temps d’un entretien tout donner...
Des RH, des N+2 j’en ai rencontré.
Malheureusement dans cette galère,
ton sort est entre les mains de la préfecture de Nanterre.
J’y ai cru, plusieurs fois on m’a dit on vous prend,
mais mon dossier était en suspens.
Parfois la bonne opportunité, avec un récépissé,
d’autres enfin le bon papier mais sa durée est limitée.
Les portes sont fermées, il me manque ce papier,
alors on commence des mois de précarité.
Pourtant je pense avoir tout bien fait...
Jamais à mon chemin dérogé, de mon but écartée,
mon diplôme j’ai décroché, à la Sécu j’ai cotisé.
Changement de statut étudiant, salariée, vie privée et familiale,
toujours plus de documents, j’en perds les pédales...
Alors je voudrais juste dire,
à quiconque qui aussi se sent touché, affaibli, démuni,
combien on est nombreux, en silence, dans ce pays.
A tous, surtout ceux qui un peu de présent peuvent changer,
allez-y faire un tour , juste pour voir,
comment on voit mal dans cette tour d’ivoire.
Dans ces dédales administratifs,
des personnes, des êtres humains, juste des natifs,
de partout, d’ailleurs, citoyens du monde,
on m’avait pourtant dit que la Terre était ronde.
Derrière ma voix anonyme,
ce sont des rêves, des vies qui s’abîment.
Derrière chaque dossier un numéro, un patronyme,
mais surtout un prénom, quelqu’un, un être humain,
une histoire, une chance, un destin.
Qu’un jour on puisse nous aussi se lever comme des citoyens,
on ne demande pas mieux, presque rien,
il ne suffit pas d’aller loin sur Terre,
pour voir une traite d’êtres humains d’une autre ère.
Alors même si on ne rentre pas dans vos chiffres,
puisse t’on au moins être à table comme ceux qui s’empiffrent.
Un peu de considération, d’empathie, c’est ce dont j’ai tant envie,
pour ceux à qui on complique la vie,
juste parce que leurs traces les ont emmenées sur d’autres contrées,
que là où ils ont vu le jour, là où ils sont nés...
Avec tout mon respect et mon amitié,
à tous ceux qui ont eu le cœur concerné,
à ceux qui m’auront lu, à qui ça a plu,
ceux qui s’y sont vus ou qui sont déjà venus.
Pour que l’on puisse nous entendre, nous voir,
pour que notre vie ait une mémoire,
c’était mon histoire, notre histoire...
Texte écrit par Naturel, diplômé en Marketing et passionné d’écriture. Il écrit depuis longtemps pour son compte personnel des nouvelles et poèmes autobiographiques, et a voulu sur ce texte être relayé par lepetitjournal.com. Personne de conviction, très créatif, amateur de mots et de littérature, l’auteur a voulu relayer ici une situation de sa sphère personnelle.
Pour retrouver d’autres écrits du même auteur : https://naturelrimeur.wordpress.com