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Singapura - Episode 4

Singapura Episode 4Singapura Episode 4
Écrit par Bertrand Fouquoire
Publié le 22 septembre 2017, mis à jour le 11 décembre 2017

Lepetitjournal.com/singapour vous propose depuis quatre semaines un rendez-vous hebdomadaire, chaque vendredi, avec un feuilleton dont les expats à Singapour sont les héros.

 

Résumé de l’épisode précédent. Solène et Vincent ont fini par partir. Quitter parents et amis n'a pas été facile. Les voilà à Singapour, prêts à profiter au maximum de leur séjour.

Episode 4 – Tiong Bahru

Vincent et Solène étaient à Singapour depuis trois jours. Une routine s’était rapidement installée. Le matin, ils prenaient le petit déjeuner sur la terrasse de l’hôtel installé dans une shophouse. Dès qu’ils étaient prêts, ils partaient à pied à la découverte de la ville. Le premier soir, ils étaient allés dîner dans un food court à Maxwell road. Solène avait été enchantée de découvrir l’alignement de petites échoppes qui proposaient des spécialités indiennes, chinoises, indonésiennes, thaïlandaises ou malaises. Prudente, elle avait commandé une soupe de nouilles aux boulettes de viande, tandis que Vincent avait jeté son dévolu sur un crabe au poivre noir et un morceau de Durian.  Il fut un peu hésitant lorsque le fameux fruit fut servi. Cela sentait vraiment très fort. Vincent se demanda un instant comment derrière une telle odeur pouvait se cacher un goût exquis. Solène, de son coté, avait pris son parti. Elle laisserait Vincent faire seul l’expérience. Il finit par se lancer, sous le regard amusé de leurs voisins de table. « Ce n’est pas si mauvais », finit-il par admettre, la voix légèrement altérée par les sensations contradictoires. « Tu ne veux vraiment pas goûter ? »

Il fallut passer aux choses sérieuses. Vincent avait commencé à travailler. Solène, plus disponible, était chargée de faire le tour des agences immobilières pour trouver un logement. Les premières recherches avaient tourné court. Les prix étaient exorbitants. Elle avait lancé une demande sur Singafrog. Les réponses avaient afflué, confirmant qu’il n’était pas imaginable pour un jeune couple avec un seul salaire de trouver autre chose qu’une colocation. Solène avait orienté ses recherches dans ce sens. Elle avait trouvé une opportunité à Tiong Bahru. Restait à vérifier que l’appartement était à leur goût et que la cohabitation avec les autres colocataires fonctionnerait. La jeune femme que Solène avait eue au téléphone était indienne. Elles étaient convenues de se retrouver sur place. 

Quand Solène était arrivée dans le quartier de Tiong Bahru, le ciel était bas. Une légère bruine mouillait le sol de ciment gris et une lumière diaphane éclairait la façade blanche des immeubles Art-déco. Solène avait immédiatement eu un coup de cœur pour le quartier : si proche de Chinatown et du quartier d’affaires, et cependant si calme et différent. On ne pouvait pas ne pas être sensible aux charmes surannés de cette enclave coloniale qui semblait fonctionner à un rythme ralenti, comme un privilège que le quartier eut hérité de son passé anglais. Comme elle était en avance, Solène s’était promenée dans les rues et les ruelles. C’était un assemblage étonnant de cafés, de boutiques branchées et d’échoppes traditionnelles. A l’abri du soleil et de la pluie, les gens prenaient leur petit déjeuner (nouilles et Koppi O) dans les coffee shops du cru. Elle adorait! En revenant sur ses pas, elle était passée par le marché couvert qui, à cette heure, bruissait d’animation. L’atmosphère était fraiche et colorée. Autour d’elle se trouvaient des marchands de fleurs, de fruits et légumes, de viande et de poissons. Assis sur ses talons, un vieil homme chinois lisait le journal près d’un temple miniature où brûlaient quelques bâtons d’encens.

Solène entra dans la boulangerie. Celle-ci était aménagée comme un café. Les clients faisaient la queue devant les croissants, les sandwichs, les éclairs et les flans verts. Elle commanda un grand café et un pain au chocolat. Elle s’installa au fond de la salle. De là, comme elle aimait le faire à Paris, elle pouvait observer les clients du lieu. Le café était presque vide, plutôt sympa mais  bruyant à cause de la musique d’ambiance très forte. Deux jeunes Singapouriennes, très apprêtées, étaient plongées dans leur smartphone. Une jeune femme, en robe rouge et à la chevelure rousse, fruit d’une teinture tendance, vint s’installer à la table d’à coté. Un homme d’âge mûr la rejoignit presque aussitôt. Etait-ce son père, son amant ou son mari ? Impossible de le déterminer. Solène pouvait laisser aller son imagination. Ils avaient fait dessiner un cœur sur le dessus de leurs cafés latte. Celui de la jeune Singapourienne s’était rapidement dissous au contact de ses lèvres. Son compagnon, sans doute moins romantique, avait laissé son cœur refroidir pendant qu’il s’attaquait, malgré l'heure matinale, à un sandwich au jambon. Une autre jeune femme faisait la queue, fesses serrées dans un short court au décor hawaien. Solène se demanda comment les femmes asiatiques parvenaient à garder la taille si fine quand elle les voyait manger des choses aussi sucrées.

Elle se plongea dans la lecture du Straits times. Comme le temps passait, le salon s’était rempli. La Singapourienne au short bleu était repartie. Le couple d’amoureux se courtisait toujours autour d’un sandwich. Les deux geeks sophistiquées avaient lâché leur téléphone et commencé à parler.

-Are you Solène ? entendit-elle soudain. Elle leva les yeux de son journal. Devant elle se tenait une jeune femme, manifestement indienne, qui l’impressionna d’emblée par son élégance et par la finesse de ses traits. Elle l’avait vue entrer mais elle ne s’était pas doutée qu’elle fut celle avec qui elle avait rendez-vous. La jeune femme se tenait debout, un plateau vide surmonté d'un grand dé en bois en main. Solène lui offrit de s’asseoir. Elle prit sur elle d’engager la conversation sur des détails futiles avant de parler de la colocation. Il faut prendre le temps se rappelait-elle. Il faut construire la relation. Elle fut surprise de constater qu’elle ne comprenait rien de ce que lui disait la jeune fille. Dans la bouche d’Indira, les mots roulaient avec générosité comme à l’intérieur d’un sifflet. Elle était vive et très gaie et parlait à toute vitesse. Solène commença par se dire que la colocation dans ces conditions risquait d’être cocasse. Mais après quelques minutes, elle s’aperçut qu’elle comprenait mieux ce que la jeune femme lui disait. Etait-ce Indira qui avait changé d’intonation, ou bien était-ce elle qui s’était adaptée à sa manière de parler ?

Indira n’était pas aussi jeune que Solène l’avait cru. Elle était même son aînée de 4 ans. Elle était mariée depuis 2 ans à un Singapourien d’origine chinoise qui travaillait dans l’informatique. Elle avait fait des études de journalisme. Elle voulait faire du cinéma et faisait pour le moment beaucoup de photographies de mode. Tous les deux, expliqua-t-elle à Solène, avaient de bons salaires. Mais ces salaires n’étaient pas suffisants pour louer seuls un appartement. Celui qu’ils occupaient à Tiong Bahru était de surcroît assez grand. Il n’aurait servi à rien, au moins tant qu’ils n’avaient pas d’enfants, ce qui n’était pas au programme, de garder une chambre vide. Pour eux, la colocation était un art de vivre plus qu’une nécessité financière. Ils en avaient fait l’expérience, séparément, pendant qu’ils étudiaient. Continuer de vivre en colocation était une manière de prolonger encore un peu ces années d’études. Ils avaient eu de nombreux colocataires singapouriens mais n’avaient jusqu’alors jamais eu l’occasion de vivre avec des Français. « J’adore la cuisine et le vin », s’était-elle exclamée en français pour signifier à Solène combien elle était enthousiaste à l’idée de partager son appartement cette fois avec des Français.

L’appartement était situé dans l’un de ces petits immeubles blancs qui avaient d’emblée séduit Solène quand elle était arrivée le matin dans le quartier. Bâtis dans les années 50 pour loger les familles des militaires et fonctionnaires britanniques, ils avaient de l’extérieur un design inspiré des cabines de bateau qui leur donnait un air coquet et confortable. A l’intérieur, le confort était moins évident. Les pièces étaient petites et l’ensemble, bien que blanchi à neuf et extrêmement propre, donnait le sentiment d’être resté dans son jus. "Ces appartements sont très bien conçus, expliqua Indira. Par comparaison aux appartements modernes dans lesquels il est exclu de vivre sans air conditionné, ceux-là sont frais et laissent l’air circuler."

Solène se demanda ce qu’en penserait Vincent. La chambre était petite mais confortable. Elle disposait d’un lit double, d’une table et d’une armoire. Elle voyait très bien comment elle la décorerait pour la rendre charmante et délicieusement habitable. elle se voyait déjà, assise devant la petite table, travaillant à sa thèse tout en jetant des regards par la fenêtre d’où on se trouvait en prise directe avec l’une des rues les plus animées du quartier.

-Cela me plait beaucoup finit-elle par dire à Indira, mais il faut que j’en parle à mon ami.

-Revenez dîner ce soir, lui répondit Indira, cela nous permettra de faire connaissance tous les quatre.

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