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Singapura - Episode 11

Singapura Episode 11 feuilleton expatriés Singapour fiction romanSingapura Episode 11 feuilleton expatriés Singapour fiction roman
Écrit par Bertrand Fouquoire
Publié le 27 décembre 2017, mis à jour le 27 décembre 2017

Lepetitjournal.com/singapour vous propose depuis 2 mois un rendez-vous hebdomadaire avec un feuilleton dont les expats à Singapour sont les héros.

Episode 11 – Quartier d’affaires

Vincent s’était rapidement mis dans le rythme de son nouveau travail. Tout y était très différent de ce qu’il avait connu à Paris. C’est vrai qu’il était monté en grade. Il n’était plus stagiaire mais VIE. Cela faisait toute la différence. D’autant plus que les « expatriés », dans son entreprise, n’étaient pas très nombreux. Cette situation offrait immédiatement un niveau de proximité avec les autres, et particulièrement avec Paul, son boss, très différent de ce qu’il avait connu en France. Le tutoiement était de rigueur et le code vestimentaire décontracté. Oubliés le costard et la cravate, Vincent allait travailler en pantalon de toile et chemisette. L’ambiance du bureau était au diapason, avec son décor moderne, lumineux et ludique, s’inspirant du style start-up. Dès les premiers jours, Vincent s’y était senti bien. Et s’il n’avait fallu, le matin, quitter Solène, ce qui lui était un déchirement, il eût pu tout aussi bien, songeait-il, y passer sa vie. Il appréciait ses collègues, parmi lesquels il s’était déjà fait des amis. Avec eux, il allait souvent boire une bière au bord de la rivière juste après le boulot. C’était un rythme fabuleux. Le soir, ses collègues se détendaient. Ils parlaient de leurs derniers achats, de leur vacances, de la dernière App ou bien de placements financiers. Autour d’eux, de nombreux groupes semblables finissaient la journée en mode tech branché. Il y avait beaucoup de jeunes, hommes et femmes, remarquables à leur tenue impeccable. La plupart devait travailler dans la finance, peut-être même dans la fin-tech. L’argent n’était pas un problème. On n’en avait d’ailleurs pas une idée immédiate quand on les observait en terrasse. Mise à part l’abondance des i-phones et celle des sacs griffés, pour les femmes, rien n’attestait du niveau de vie très confortable de cette jeunesse dorée, qui vivait par ailleurs en collocation ou chez leurs parents. Il suffisait par contre de faire un tour dans les parkings pour découvrir le nombre impressionnant de voitures de sport, Porsche, Ferrari, Lamborghini et autres Aston Martin, que s’offraient ces jeunes professionnels, y compris les femmes, comme une signature de leur milieu social et de leur réussite.

Les bureaux de la société se situaient dans le quartier des affaires, dans un immeuble des années 90 dont la façade venait d’être entièrement refaite pour y intégrer un jardin vertical sur une profondeur d’une dizaine de mètres. Celui-ci donnait au visiteur une impression extraordinaire de fraicheur au moment où il pénétrait dans l’atrium ; le sentiment de traverser un jardin tropical au cœur même de ce qui constituait le cœur économique de la ville. Sans doute la climatisation contribuait-elle aussi à cette sensation.

De Tiong Bahru, Vincent se rendait au bureau à pied. Le chemin était malaisé. A cause des nombreux chantiers de travaux publics en cours, il restait peu de place pour les piétons. Il fallait sans cesse passer sur la route, traverser un espace d’herbe ou bien poursuivre son chemin sur le trottoir d’en face. A l’heure où il quittait ce qu’il appelait désormais « la maison », le soleil était encore bas et Vincent profitait de la relative fraicheur. Une demi-heure plus tard, quand il arrivait à proximité du bureau et qu’il pouvait emprunter des chemins couverts, parfois de plexyglass, parfois de végétation, la température avait déjà fortement augmenté. Tout en prenant soin de rester à l’ombre, Vincent devait ralentir le pas pour éviter d’arriver en nage au travail.

A 9:00, la ruche bourdonnait d’activité. Depuis que le gouvernement de Singapour avait mis en place des mesures incitatives pour que les Singapouriens évitent d’utiliser les transports en commun pendant les heures pleines, les premiers à arriver au bureau, dès 7h, étaient ceux qui venaient des nouveaux quartiers du Nord et de l’Est. La société où travaillait Vincent, une entreprise française, avait mis à disposition des intéressés une « kitchen » pour qu’ils puissent y prendre ensemble le petit déjeuner. Cette initiative s’inscrivait dans un ensemble d’infrastructures et de services, financés par les entreprises, qui permettait  à ceux qui arrivaient tôt, de faire des mouvements de gymnastique avant de commencer à travailler, ou, pour ceux qui décidaient de venir en vélo, de prendre une douche et de se changer.

Vincent avait été tenté de démarrer lui aussi de bonne heure pour voir comment cela se passait. Mais le temps du petit déjeuner avec Solène était sacré. Il adorait ce premier rituel de la journée tout empreint encore de l’intimité de la nuit. Il dévorait des yeux sa compagne, si fraiche et adorable. Il la calinait et l’embrassait plusieurs fois avant de se décider à partir. Sur le chemin, il continuait de penser à elle. Il aimait l’imaginer s’installant à la table d’un coffee shop et se plongeant dans l’étude de son cher Flaubert. Il était fier de ses passions littéraires et songeait avec émotion à la petite ride qui se formait entre ses sourcils lorsqu’elle était concentrée sur sa lecture. Il faisait donc partie chaque matin des derniers arrivants. Quand il pénétrait dans l’open space, vaste jungle moderne où la végétation s’épanouissait dans le sens vertical, les autres collaborateurs de l’entreprise étaient déjà affairés, penchés sur leurs écrans. Certains levaient la tête pour répondre aux saluts que Vincent lançait à la cantonnade. La majorité semblait trop concentrée pour réagir. A moins que cette apparente hyper-concentration soit l’expression d’une forme de timidité. L’équipe marketing, dont Vincent faisait partie, était installée dans une alcove, à proximité du bureau du boss. En arrivant, il pouvait apercevoir Paul, assis à sa table de travail ou bien déjà en réunion avec des clients ou certains membres du comité de direction. De son poste, Vincent voyait aussi Mei, l’assistante de son boss, dont il avait remarqué, dès le premier jour, qu’elle était d’une beauté éblouissante.

Quand elle le vit, Mei lui fit signe, à distance, qu’il y avait une urgence et qu’il était attendu par le boss.

Vincent rejoignit aussitôt Paul dans son bureau, se demandant quelle pouvait bien être cette urgence et tachant de se remémorer, au cas où, s’il y avait quelque chose qu’il aurait fait ces derniers jours qui pouvait poser problème. Son anxiété monta d’un cran quand il croisa Pierre, la mine sombre, comme il sortait du bureau du patron. Il le salua avec châleur mais ne reçut en retour qu’un bredouillement confus. Avec le temps, Vincent comprendrait que le dIrecteur commercial avait toujours cet air sinistre, même quand il venait de signer un beau contrat. C’était un inquiet ; du genre à envisager immédiatement tout ce qui pourrait dysfonctionner et à s’énerver par avance de la manière dont les autres, par hypothèse, allaient saboter son travail. D’une grimace, Mei lui  fit comprendre qu’il n’y avait pas lieu de se formaliser. Sa mimique eut un effet immédiatement apaisant sur Vincent au moment où il frappait contre la porte pour signaler à Paul sa présence.

Paul était à ce moment concentré sur son ordinateur portable, faisant effort pour y déchiffrer les éléments chiffrés d’un tableur tentaculaire. Il leva la tête et sourit lorsqu’il aperçut Vincent.

  • Ah Vincent. Assied-toi, Je voulais faire un rapide point avec toi. On a la visite de Gomez, le directeur des opérations, la semaine prochaine. Je te préviens tout de suite : ça ne va pas être une partie de plaisir. D’autant plus que cela vient un peu tôt par rapport au budget. Il faudrait que tu prépares un topo, pas plus de 4 slides, sur ton secteur.
  • Pas de problème.
  • Je te laisse avancer rapidement là dessus. On reverra ta présentation ensemble. Il faudrait que tu puisse faire un premier draft pour qu’on en reparle demain. Cela te paraît faisable ?
  • Je pense que je dois avoir la plupart des éléments à disposition.
  • Parfait, je te laisse te coordonner avec Pierre et Jean-Marie. Au fait, ma femme Odile voudrait vous inviter à dîner, ta compagne et toi. Etes-vous libres jeudi soir ?
  • Avec plaisir, Merci. Oui c’est parfait Jeudi.
  • Formidable, peux-tu le dire à Mei en sortant pour qu'elle prévienne ma femme?

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