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GUNTHER, une des meilleures tables gastronomiques de Singapour

Chef Gunther Hubrechsen Singapour gastronomie table restaurant Alain PassardChef Gunther Hubrechsen Singapour gastronomie table restaurant Alain Passard
Écrit par Michèle Thorel
Publié le 26 décembre 2017, mis à jour le 27 décembre 2017

Il faut du temps pour apprivoiser Chef Gunther Hubrechsen. Il se dit sauvage; nous le trouvons réservé et secret de prime abord. Mais lorsque le “courant” est passé, il devient subitement souriant, affable et volubile. Il n’aime pas “parader” en faisant la cour aux clients. Il les fuit presque… Car ce qui le fait jubiler, c’est de leur offrir des aliments au sommet de la fraicheur et de la qualité et piloter son fief de main de maître, avec jovialité: sa cuisine, son antre, son refuge… Il tient cis cela de son maitre devant l’éternel, le bouillonnant Alain Passard (l’Arpège, 3 macarons à Paris depuis près de 30 ans) dont il a été l’émérite second.

Rencontre avec le chef d’une des meilleures tables gastronomiques de Singapour.

 

 

Gunther, la cuisine, c’était une évidence?

Gunther – Non! Plutôt un refuge facile. A 15 ans, je n’aimais pas l’école. Je m’y ennuyais. Il parait que j’étais “trop intelligent”…. L’école belge ne proposait rien qui semblait me convenir. Mes parents m’ont naturellement incité à “m’occuper” en cuisine dans leur café-brasserie à Ostende. J’aimais bien mais je ne peux pas dire que j’étais passionné.

 

Comment est arrivé le déclic pour la cuisine?

Le grand déclic? Avec Alain Passard, à Paris, à l’Arpège. Mais auparavant, j’avais compris que j’avais pas mal de choses à exprimer à travers ma cuisine. C’est en suivant mon frère ainé dans un étoilé d’Ostende que j’ai découvert la “grande” cuisine et les premières techniques culinaires sophistiquées. J’avais 16/17 ans.  J’y suis resté 5 ans.

 

Comment le commis par obligation du café des parents à Ostende devient-il second chez Alain Passard?

En Belgique, Mr Passard était l’un des grands chefs français les plus admirés pour son talent et respecté pour ses valeurs humaines.

Mon patron nous a emmenés déjeuner dans son restaurant à Paris. Il le connaissait un peu… Il a été formidable. Il a dit à Mr Passard que j’admirais son travail et hop! “Tu veux travailler chez moi? Je t’attends demain à 7h”. C’était fou, à peine croyable, mais j’ai démarré le lendemain, comme commis de base! Horaires de fous: 7h-23h…Disons que j’avais une base solide et que je ne rechignais pas au travail, alors Mr Passard m’a gardé et fait évoluer jusqu’à devenir l’un de ses seconds. C’était intense, dingue. J’ai tout ré-appris avec lui, jusqu’à son obsession de l’ingrédient juste… parfait! Le zéro défaut absolu.

Quand on mise tout sur l’ingrédient, on le veut pur, presque nu dans l’assiette. C’est ça le génie de Mr Passard: sublimer la simplicité.

 

 

Huitres chaudes Gunther

 

 

Sublimer la simplicité… C’est devenu votre credo aussi?

Oui. On est marqué à vie par les très grands dans son art. Mais, ce n’est pas pour devenir pas un clone du maître! Je n’ai jamais aspiré à cela. J’admire profondément Alain Passard; je me respecte pour qui je suis.

 

Que vous a apporté Alain Passard?

Il m’a ouvert les yeux sur la Gastronomie avec toutes les lettres de noblesse du monde. Un univers insoupçonné où l’imperfection est intolérable mais dans lequel le vrai “maestro” n’a de cesse de prendre des risques, de créer… parfois en “live”….. sans se “planter”. J’appelle cela le génie! C’est fascinant. Dans mon restaurant, je m’amuse chaque jour à réinventer au gré des ingrédients que je trouve, en fait que je recherche pour leur rareté, leur excellence et leur fraicheur absolue. Les crabes bougent encore en arrivant chez moi. Ils seront cuits dans la journée. Les poissons ont les ouies et les yeux brillants et humides. Ils ne resteront pas plus de 4 heures dans mes frigos. J’ai trouvé des coquilles Saint-Jacques géantes (pêchées en eaux profondes), en provenance du Japon évidemment. Elles sont rares à trouver, chères… Le défi, c’est de gérer le flux.

 

Difficile de gérer le flux justement avec des ingrédients rares et si chers. Avez-vous un secret?

Pas de recette miracle mais une base solide de clients ultra fidèles, réguliers, majoritairement locaux,  qui apprécient cette exclusivité et me font confiance. Ils réclament quelques-uns de mes plus grands classiques comme mes capellinis froides et caviar, huile et copeaux de truffe… Mon plat signature, né d’une discussion avec mon sommelier qui cherchait le meilleur accompagnement de sa sélection de vins et champagnes pour l’apéritif. Nous étions sur le retour d’un voyage au Japon pour sélectionner nos fournisseurs de poissons ; nous avions découvert cette tradition des pates froides. Et l’idée a jailli!

C’est magique d’avoir tant de clients fidèles et qui viennent vraiment souvent. C’est sans doute ma plus profonde satisfaction et ma plus grande fierté. Je viens de célébrer le dizième anniversaire de mon restaurant et les trois quarts de la salle étaient composés de clients fidèles depuis plus de 8 ans.

Vous êtes reconnu et respecté parmi vos pairs à Singapour ; cependant vous êtes fort peu “sociable”, dit-on, comme imperméable au “bruit public”. Expliquez-nous…

Sagesse belge sans doute! L’idiot copie ou se venge. L’homme sage ignore…

Je fais ce que je sens et comme je le sens. Jamais en fonction des modes, courants, tendances et autres nouvelles tables à succès qui m’entourent. Cela parait peut-être prétentieux, mais … franchement, je m’en “fous” de ce qui se passe dehors. Ce que je fais ici, chez moi, a un sens pour moi et m’épanouit; et tant que cela reste en phase avec mes clients qui viennent et reviennent… et m’amènent de nouveaux clients, et bien, je vais bien, merci!

C’est vrai que je me sens mieux dans mon cocon: ma cuisine où je suis dans mon élément. J’ai horreur d’aller faire des salamaleques aux clients à leur table, pour qu’ils se sentent “honorés” de l’attention du chef. Je suis bien obligé de le faire, mais franchement, si je pouvais éviter, ce serait génial. Je préfère les observer de loin et deviner leurs appréciations, leurs humeurs, leur état d’esprit et sentir s’ils se régalent et passent un bon moment. Et croyez-moi, c’est tellement visible! Le petit sourire avec les yeux qui remontent un peu à l’arrivée de l’assiette : anticipation du plaisir. Ces yeux qui se ferment, le corps qui se penche un peu vers l’arrière du fauteuil, la mâchoire qui semble fonctionner au ralenti en recevant la première bouchée: est-ce à la hauteur du plaisir escompté? … Lorsque je déchiffre à leur regard lorsque les yeux se rouvrent, que c’est positif, j’estime que j’ai réussi. C’est tout. Que voudriez-vous que j’attende de plus?

 

Michèle Thorel

 

 

 

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    

 

 

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