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ADRIEN BOYER - Le désordre harmonieux 

Écrit par Lepetitjournal Singapour
Publié le 1 juin 2014, mis à jour le 2 juin 2014

Dans REGARDS CROISÉS, l'exposition organisée par la galerie nomade Artemiss Contemporary, les photographies d'Adrien Boyer ont été mêlées aux ?uvres d'Hèlène Abdeni. L'effet est saisissant qui juxtapose deux regards s'attachant l'un et l'autre à saisir l'harmonie qui jaillit d'éléments disparates cueillis dans la ville. Il nous dit comment de banquier il est devenu photographe, livrant certaines clés d'une ?uvre fraiche, graphique, qui parle à l'imagination.

Une rue de New York baignée par la lumière orangée du matin. Une voiture américaine, orange elle aussi, file, au centre de l'image, devant la photographie géante représentant le corps d'une femme, en l'occurrence une ?uvre de JR. La photographie, carrée, est organisée autour de lignes verticales et horizontales. Trois plans se succèdent : une barrière de travaux, la voiture, le corps de la femme nue. Instant magique où tous les éléments se trouvent alignés. Tout le regard si singulier qu'Adrien Boyer porte sur l'espace urbain est dans cette image. Ex banquier devenu ? jeune ? photographe, Adrien Boyer aime les lignes de partage des eaux, les territoires habités et les détails dont la juxtaposition raconte une histoire, parfois plus réelle que la réalité, fut-elle le fruit de l'imagination.

Vous avez arpenté pendant une semaine les rues de Singapour dans la perspective d'une nouvelle série*. De quoi parlent vos photographies ?
Adrien Boyer ? J'adore la ville et particulièrement les grandes cités bouillonnantes comme New York, Rome, Paris, Abidjan? Plus les endroits sont authentiques. usés, protéiformes, chaotiques, plus j'aime. Ce que j'apprécie dans la ville, c'est sentir la vie. A Singapour, je trouve plus d'intérêt à Little India ou Geylang qu'au Financial district.

Ma photographie se nourrit de tous les fragments que je trouve dans la ville, il ne s'agit pas seulement de street art. Beaucoup d'éléments stimulent mon regard, les publicités, la signalétique, le mobilier urbain.

Baby Street, par exemple, est une photo que j'ai prise rue de Babylone à Paris. J'ai été saisi par cette image de Pénélope Cruz, sur une affiche de film. Elle semble effrayée et cette frayeur est réhaussée par les branches d'un arbre qui se reflètent sur son visage. C'est très hitchkockien. La craquelure sur le mur rouge est comme un écho de cette frayeur et puis il y ce détail du nom de la rue ? Baby ? qui renvoie à la féminité du personnage, à son charme et à sa vulnérabilité.

Photo Adrien Boyer Penelope Cruz

Vos photos sont extrêmement graphiques?
J'attache en effet énormément d'importance à la composition. A la limite, l'objet ou la situation que je photographie sont moins importants que les lignes, les formes et les couleurs. A un moment donné, tous ces éléments forment un tout harmonieux. C'est ce moment que je m'attache à saisir.

Je fais souvent le choix d'un format carré, parce que c'est un cadrage qui sied particulierement à la construction, à la composition d'une image autour des lignes, des successions de plan, des alternances de masses sombres et claires. J'aime le grand format, qui permet de surcroit de restituer l'image pratiquement en grandeur réelle.

Les photographies qui sont exposées à Artistry représentent essentiellement des lieux.
Je ne photographie pas des personnes, mais tout ce que je photographie parle de l'activité humaine. Ce sont des images ou des choses qui en sont les témoins et qui parlent à l'imagination.

J'aime prendre des photos de choses très disparates que le hasard a placées l'une à coté de l'autre et qui tout à coup prennent du sens. La réalité est étonnante et va parfois au-delà de la fiction.

Dans quel état d'esprit parcourez-vous la ville, quand vous êtes en reportage ?
Je me laisse aller. Ce qui est important, c'est la disposition d'esprit. Il faut que mon regard soit stimulé. Je pense qu'on ne voit vraiment qu'une seule fois les choses, et c'est souvent la première fois.
J'utilise un appareil très simple, un Leica équipé d'un unique objectif 36 mm. Ce que je prends en photo est ainsi presque exactement ce que mon ?il voit. Je n'utilise aucun effet photographique comme le flou ou la profondeur de champ. Je ne mitraille pas. Je m'attache au contraire à ne prendre qu'un ou deux clichés. Sinon, je pense que je perdrais ce qui m'a frappé. Je ne veux pas en choisissant parmi plusieurs prises de vues imposer un nouveau filtre qui serait celui de la raison.

Dans quelle mesure les voyages nourrissent-ils votre inspiration ?
Le fait de voyager est important pour entretenir cette "virginité du regard". On laisse derrière soi un certain nombre de choses, on est dans le plaisir de la découverte. Pour bien photographier Paris, où j'habite, il faut que j'en parte. Je me force à aller une ou deux fois par mois dans des quartiers que je ne connais pas du tout ou que je connais mal. Cela permet de retrouver de la fraicheur.

Photo Adrien Boyer orange car New York
Comment êtes vous venu à la photographie ?
J'ai commencé par travailler dans la finance. En 2008, la banque dans laquelle je travaillais a traversé une période de forte mouvance. J'ai saisi l'occasion pour faire un break. La Photographie s'est imposée naturellement. J'avais toujours pratiqué la photographie mais sans penser en faire mon métier. Peu après notre mariage, j'ai emmené ma femme à New York. Je voulais lui faire découvrir la ville. Sur place j'ai fait une série de photos. Ma femme, qui est elle-même graphiste, m'a dit qu'elle aimait beaucoup mes photos. De retour à Paris, comme nous souhaitions habiller les murs de notre appartement, j'ai fait des tirages grand format de certaines photos. Des amis les ont vues. Etait-ce pure sympathie ? ils ont dit qu'elles leur plaisaient et certains m'en ont achetées. C'étaient de bons signes, mais qui manquaient de neutralité.

Quand un décorateur d'intérieur m'a contacté parce qu'il avait vu mon portfolio, les choses ont commencé à vraiment changer. L'un de ses clients, le PDG d'une très grande agence de communication, était intéressé par plusieurs de mes photos et a fait l'acquisition de deux tirages. Si une personne de ce niveau, collectionneur d'art, était intéressée par ce que je faisais, c'était pour moi un signe de reconnaissance très fort. Cela m'a déterminé à me lancer. Par chance, j'ai eu l'opportunité de faire une première exposition dans le hall de la banque Barclays, rue du Faubourg Saint Honoré.  Rapidement, plusieurs de mes photographies ont été achetées par des clients de la banque. J'ai par la suite rencontré des galeries, dont Artemiss Contemporary ici à Singapour.

Peut-on dire que la Finance est un bon point de passage pour devenir artiste ?
La finance mène à tout à condition de savoir en sortir ! J'apprécie d'avoir eu ce parcours et de vivre ainsi entre deux mondes, entre le monde de l'art et celui des financiers que je continue de fréquenter. J'aime bien aussi considérer ce que je fais comme une entreprise au sens premier du terme, comme un projet de vie. C'est l'ensemble qui m'intéresse.

Entre la posture du photographe amateur et celle du professionnel qu'est-ce qui a changé ?
Pas grand chose. Quand je tombe sur des clichés que j'ai fait plus jeune, je suis frappé de constater à quel point ce qui m'intéresse aujourd'hui était déjà présent. Ce qui a changé c'est peut-être que mon regard est plus alerte, plus éveillé. Mais je tiens à conserver ma spontanéité, à ne pas me forcer. Très souvent je m'arrête sans sortir mon appareil photo Je pense que plus j'avance plus je réduis le nombre de clichés.

Propos recueillis par Bertrand Fouquoire (www.lepetitjournal.com/singapour) lundi 2 juin 2014

Regards croisés ? Cities Off the beaten track ? exposition des photographies d'Adrien Boyer et d'Hélène Abdeni, organisée par Artemiss Contemporary Gallery (Clémentine de Forton) à Artistry, Jalan Pinang (près d'Arab Street) du 29 mai au 8 juin 2014.

* Artemiss Contemporary Gallery devrait présenter certaines des photographies de cette série d'Adrien Boyer à l'occasion du prochain salon Affordable Art Fair de Singapour en Novembre 2014

Voir le site d'Adrien Boyer et sa  page Facebook

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Publié le 1 juin 2014, mis à jour le 2 juin 2014

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