Le mont de piété, ma tante, autant de manières poétiques, presque affectueuses, de désigner une réalité qui ne l'est pas : la nécessité d'aller mettre au clou certains de ses effets pour en retirer un peu d'argent pour honorer une dette pressante… ou pour le jouer au casino de Marina Bay Sands.
A Singapour, ce sont les Pawn Shops qui font office de mont de piété. Le principe reste le même. Les personnes ayant besoin d'argent apportent des possessions personnelles qu'elles laissent en gage à la Pawn shop, en contrepartie d'une somme d'argent, prêtée sur une certaine durée. A l'issue du prêt, soit la personne est capable de rembourser et récupère son bien, soit elle ne l'est pas et son bien change simplement de propriétaire.Paradoxal : à Singapour, l'une des villes les plus riches du monde, les pawn shops ne se sont jamais aussi bien portées. A l'origine de cette affluence ? Le développement du casino. Un nombre croissant de Singapouriens sont devenus tellement addictifs au jeu qu'ils seraient prêts à y laisser leur chemise. De l'expression à la réalité, le pas est allègrement franchi : certains n'hésitent pas à s'endetter pour aller jouer… et souvent perdre leur mise et leur tunique. Même si, selon les professionnels du secteur, les motivations des emprunteurs à Singapour, par comparaison avec Macao, seraient moins liées au jeu et davantage à la pauvreté.
Le nombre des pawn shops est en forte croissance : il est passé de 114 en 2008 à 214 en 2014 selon un rapport de DMG & partners securities. Le montant total des prêts a quadruplé : 1,6 milliard en 2007 ; 5,5 milliards cette année. L'industrie du prêt sur gage, qui fait à Singapour le bonheur des Maxi-cash, MoneyMAx et Value Max, aurait aussi été stimulée par la valorisation de l'or, celle-ci augmentant à due proportion les montants empruntables par les propriétaires nécessiteux.
20 % de l'argent récupéré dans les pawnshops serait utilisé pour jouer. Le reste serait le fait de chefs d'entreprise et de particuliers à faibles revenus qui ont besoin d'argent pour régler des soins de santé ou d'autres dépenses. Telle patronne d'entreprise n'a pas hésité à mettre ses bijoux au clou pour obtenir jusqu'à 70 000 dollars de prêt, de quoi payer ses ouvriers en attendant l'encaissement des factures en retard.
Bertrand Fouquoire (www.lepetitjournal.com/singapour) mercredi 25 juin 2014