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Xavier Pavie L’innovation responsable pour préparer le monde de demain

Xavier PavieXavier Pavie
Écrit par Cécile Brosolo
Publié le 21 juin 2017, mis à jour le 4 avril 2021

Faut-il innover à tout prix ? Pour Xavier Pavie, professeur d'innovation à l'ESSEC Business School, Directeur Académique du programme Master in Management de Singapour, et du centre iMaginationl'innovation est intimement liée à la survie et à la croissance, et seule une innovation responsable permettra de répondre aux enjeux du monde de demain.

 

Pourquoi est-il si important d'innover ?

Xavier Pavie - L'économiste Joseph Schumpeter a donné la définition de l'innovation comme l'exploitation industrielle des inventions et leur dissémination sur le marché, qui génère une certaine valeur. L'innovation se distingue de l'invention par son importance économique, par une finalité qui est un résultat économique positif. L'innovation, du latin innovare, signifie changer de l'intérieur. C'est un processus de changement à l'intérieur d'une organisation, d'une entreprise, pour s'adapter à un environnement concurrentiel de plus en plus agressif, et pouvoir survivre. En France, c'est l'arrivée de Direct energie et de Poweo qui pousse EDF à changer ; quand SFR et Bouygues Télécom s'attaquent au marché de la téléphonie, France Télécom doit s'adapter. Il est important pour une organisation d'innover, parce que c'est intimement lié à la croissance, et à la survie.

 

Comment naît l'innovation ?

- L'innovation, c'est une logique d'écosystème. Tout d'abord, si vous êtes dans un environnement protégé, contrôlé, et sans concurrence, vous n'avez pas d'innovation car les entreprises n'ont pas besoin de s'adapter en fonction des clients. Lorsque vous êtes dans un environnement libéral, où la concurrence est permanente et dans tous les domaines, vous allez avoir des innovations de plus en plus importantes. Ensuite, pour innover, il faut entreprendre, accumuler des connaissances, déployer sa créativité, expérimenter, progresser par essais et erreurs. Pour cent idées, il y en a peut être six qui vont véritablement devenir innovation. L'innovation, c'est avant tout une somme d'échecs. Il faut accepter l'idée qu'il est impossible d'innover avec une garantie certaine de succès, ou de réussir en ne s'engageant que ponctuellement dans la démarche. C'est pourquoi un pays comme Singapour va créer un environnement favorable à l'innovation. Il va investir, mettre en place des incubateurs, simplifier les démarches administratives, etc. pour faciliter l'implantation de nombreuses petites entreprises, car toutes ne vont pas réussir.

 

Quels rôles y jouent les entrepreneurs ?

- Il va falloir des entrepreneurs pour mettre en place ces innovations. De gens qui vont commencer par des idées, des inventions, et vont se poser la question du marché. Un entrepreneur n'est pas un génie de l'innovation, ni un créatif ou un visionnaire. Il s'entoure des bonnes personnes, et c'est en effet l'écosystème qui va lui permettre la mise en ?uvre, par la possibilité de trouver des financements, des compétences, etc. Un entrepreneur est en fait quelqu'un qui n'accepte pas les règles telles qu'elles sont données ; il refuse la situation dans laquelle il se trouve et il veut faire quelque chose de différent. Il est d'autre part mué par la volonté d'action, de faire quelque chose. Les entrepreneurs et les start-ups apportent ainsi des innovations de rupture qui remplacent l'existant par quelque chose de complètement nouveau, qui modifie profondément les conditions d'utilisation et transforme le marché en profondeur avec des modèles économiques radicalement différents. C'est ce qu'a fait Xavier Niel en France avec Free. Il refuse la situation existante et dit qu'il est possible d'avoir un forfait de téléphonie mobile à 2 euros. Il fixe la nouvelle règle. Même chose pour Apple, Über, Airbnb ou encore Facebook. A chaque fois, ce sont des refus de l'état existant, et une proposition de faire autrement.

 

Quelle place l'innovation a-t-elle dans la manière dont Singapour ré-imagine son futur?

-Singapour, lors de son indépendance, n'a pas eu le choix et a dû innover pour survivre. Elle s'est orientée notamment vers la finance, mais pas seulement. Le pays pense à long terme, au minimum sur les vingt prochaines années, et pense donc innovation - Fintech, nouvelles technologies, biotechnologies, intelligence artificielle, véhicules autonomes. Aujourd'hui toutes ces nouvelles technologies et les smart cities, c'est anecdotique, mais dans 20 ans et plus, ça ne le sera pas. Singapour accepte d'investir et accepte l'échec pour arriver, à long terme, au succès. Et ceux qui ne pensent pas innovation et long terme seront complètement dépassés demain.

 

On parle aujourd'hui d'innovation responsable. En quoi celle-ci est-elle particulièrement adaptée à la préparation du monde de demain ?

- La notion d'innovation responsable émerge dans les années 2000 avec l'innovation technologique non maîtrisée, autour notamment des nanotechnologies et des biotechnologies. La question s'est accrue récemment avec les différentes crises financières et économiques. Il n'y a pas à freiner ou à stigmatiser l'innovation, et il faut la promouvoir. Néanmoins, il faut savoir comment nous souhaitons innover. Faut-il innover à tout prix, répondre à tous les besoins ? L'innovation responsable cherche à savoir pourquoi on innove et prend en compte, au maximum, les impacts futurs sur les individus et sur la société ? L'innovateur doit admettre une responsabilité dans sa mission, car c'est lui qui décide du monde de demain, pour l'ensemble des citoyens. 

 

Reprise de notre article paru dans notre magazine SINGAPOUR n°9 "Imaginer le futur"

 

 

 

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