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FRANÇAIS DE SHANGHAI - Il réussit à vendre de la maintenance aux Chinois, quel est son secret ?

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Écrit par Le Petit Journal Shanghai
Publié le 15 février 2017, mis à jour le 28 août 2018

Bruno Lhopiteau est un entrepreneur français à la tête du leader de la maintenance en Chine, SIVECO China. Même sans vivre en Chine, il est évident que les besoins sont gigantesques dans ce pays mais en y vivant, on voit bien que ce n'est pas la priorité. Il y a plus de 10 ans maintenant, cet ingénieur vosgien a su à la fois identifier les besoins croissants de la Chine dans ce domaine, les raisons pour lesquelles les méthodes occidentales ne fonctionnent pas ici et inventer une solution unique : la maintenance 4.0. Kezaco ?
 

Premières expériences

Bruno nous reçoit dans ses bureaux shanghaïens de la Zhongshan lu où se trouvent tous ses collaborateurs qui ne sont pas en mission chez des clients. Ambiance concentrée mais détendue à la fois. À Shanghai depuis 17 ans, il a toujours été attiré par l'Asie où il a effectué tout son parcours professionnel. Originaire des Vosges, il décroche un contrat de VIE (Volontariat International en Entreprise) à Singapour à l'issue de ses études d'ingénieur qui lui permet de travailler sur le projet du métro singapourien. Il enchaîne ensuite sur son premier poste chez IFS, un fournisseur suédois de progiciels industriels où il participe à des projets prestigieux comme la maintenance du barrage des Trois Gorges, un premier pas de géant vers la Chine !

Il démarre ensuite l'activité en Chine puis chapeaute l'ensemble de la zone Asie-Pacifique. « Il y avait tant à faire en ciblant des projets plus petits mais plus nombreux comme le traitement des eaux, des déchets, les problématiques des municipalités. » se remémore Bruno. Son employeur n'adhérant pas à ses idées de développement, il fonde sa propre société SIVECO China en 2004 avec l'appui du groupe français SIVECO. Ce rapprochement avec le n°1 européen de systèmes de gestion de la maintenance a été essentiel dans le démarrage de l'activité en renforçant sa crédibilité aux yeux des clients. « Même si j'avais établi de bonnes relations avec mes clients précédents, cela n'était pas suffisant pour remporter des contrats avec une société uniquement basée sur mon expérience. S'associer à un nom connu permet d'ouvrir plus facilement les portes. »
 

Pourquoi les méthodes occidentales ne fonctionnent pas en Chine

Contrairement à l'Europe où le développement industriel se fait depuis plus de deux siècles, la Chine s'est industrialisée à marche forcée avec la construction pour objectif principal. Les méthodologies, la formation du personnel, la maintenance et la sécurité sont encore loin d'être au coeur des préoccupations. L'objectif est de construire vite et peu cher pour montrer son efficacité et remporter d'autres contrats. Lorsque les équipements vieillissent ou tombent en panne, ils sont réparés à la va-vite grâce à un réseau de prestataires de services et de fournisseurs de matériels très bien fourni.

Une autre différence de taille réside dans le niveau de formation des équipes. Elles sont souvent formées sur le tas et peu sensibilisées à la maintenance préventive. Mais un service ne comprenant que de la formation n'est pas efficace non plus, les contenus ne sont pas mis en pratique sur le terrain. « Un protocole de maintenance avec une check-list papier par exemple n'est pas du tout efficace ici. Le technicien peut tout à fait enchaîner les étapes 1 et 4 avant d'effectuer la 2 et de ne pas faire la 3. Comment son responsable peut-il vérifier que les opérations de maintenance se sont bien déroulées ? »
 

La maintenance 4.0 pour répondre aux caractéristiques chinoises

Dès le démarrage de son activité, Bruno a combiné pour SIVECO China le conseil en maintenance et l'utilisation de logiciels qui servent de guides méthodologiques. Cette approche se révèle plus vendeuse en Chine que du conseil pur, les clients étant attirés par les solutions technologiques et par l'acquisition d'un produit concret. Les logiciels sont disponibles sur des appareils mobiles permettant de géo-localiser et dater les interventions, et de stocker les données pour un accès partagé.

Par exemple, la vérification d'un équipement sur un site industriel va être validée par la prise d'une photo, prouvant l'état de la machine au moment de la visite. Le filtre d'un climatiseur est pourvu d'un QR Code à scanner pour enregistrer que le changement a bien été effectué. Le responsable peut ainsi suivre la réalisation des opérations, et en cas d'incident la cause sera identifiée plus rapidement grâce à cette traçabilité. « Ce qui fonctionne ici c'est d'accompagner les équipes à tous les niveaux hiérarchiques, les procédures sont dans l'outil qui sert aussi à enregistrer les opérations effectuées et à suivre l'avancement. Comme si on ouvrait une voie munie d'un garde-fou pour éviter les chutes et faciliter la traversée. »

Ces dernières années, la sécurité devient un vecteur important pour le développement de la maintenance en Chine. La réglementation est bien en place, mais vérifier la bonne exécution des opérations de maintenance reste problématique. Un autre axe moteur est l'amélioration de l'environnement et le développement durable, qui passe par une optimisation des équipements existants et donc de leur maintenance. Avec ces axes clairement identifiés par Beijing dans son plan quinquennal, le carnet de commandes de Bruno continue à se remplir !
 

La technique d'accord, et l'humain alors ?

Sa société compte actuellement 45 collaborateurs, principalement des jeunes diplômés chinois formés en interne. Là aussi il a fallu trouver la bonne méthode car les recrutements de personnel expérimenté via des sociétés dédiées se sont révélés plus coûteux et moins efficaces. Malgré un investissement en temps plus conséquent, la formation en interne de jeunes diplômés présente l'avantage de faire progresser les managers en interne et diminue le turn-over. « Bien sûr il y a toujours des départs, mais j'ai aussi eu la bonne surprise de voir revenir certains collègues qui n'ont pas trouvé mieux ailleurs. » se félicite Bruno.

Conscient des manques en termes de formation, Bruno Lhopiteau est également très impliqué dans la transmission de son expérience et de son savoir-faire. Il anime depuis sa création en 2005 un module sur les risques industriels à l'Université de Technologie Sino-Européenne de l'Université de Shanghai (UTSEUS). Il partage aussi largement son expérience à travers une newsletter mensuelle, des articles dans la presse spécialisée, des conférences ou sur LinkedIn, à la fois pour faire connaitre son activité mais aussi pour diffuser les bonnes pratiques.
 

 

 

À la conquête de nouveaux marchés !

En 2012, un bureau a été ouvert à Chengdu pour se rapprocher des clients de l'ouest de la Chine et suivre le cap donné par Beijing. Depuis 2 ans, les activités de sa société s'étendent fortement en Asie et en Afrique, principalement en suivant des clients chinois ayant remporté des contrats de construction à l'export. « Les missions à l'export ont révélé de nouvelles problématiques de maintenance pour nos clients chinois. L'écosystème local permettant une réparation rapide en Chine ne sera pas disponible en Indonésie par exemple. Et les clients étrangers demandent systématiquement une documentation technique pour préparer la maintenance de l'unité une fois en opération. » Ces expériences ont permis de prouver que ces solutions informatiques sont applicables en dehors de la Chine, ouvrant de nouveaux horizons à l'entreprise. Ce qui est aussi très moteur pour l'équipe chinoise, ravie d'exporter son savoir-faire à l'étranger !
 

Et le mandarin...?

Un minimum de connaissances est souhaitable pour montrer sa volonté de s'intégrer à ce pays et d'en comprendre la culture. Après toutes ces années vécues en Chine, une épouse chinoise, deux filles bi- voire trilingues et ces nombreux contrats avec des clients chinois, Bruno n'est certes pas bilingue en mandarin. Mais il peut suivre une conversation courante et l'utilise au quotidien. La lecture demande un investissement en temps plus conséquent, mais l'aisance à l'oral est déjà un bon atout pour développer une activité durable !

Pour en savoir plus :

Site web SIVECO China : www.sivecochina.com
Un exemple d'utilisation de leur solution de maintenance dans une usine de traitement des déchets à risques.

Martine Caron Jeudi 16 février 2017

Le Petit Journal Shanghai
Publié le 15 février 2017, mis à jour le 28 août 2018

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