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AMAZONIE - Des Indiens cèdent les droits de leurs terres à une société irlandaise

Écrit par Lepetitjournal Sao Paulo
Publié le 21 mars 2012, mis à jour le 5 janvier 2018

Pour 120 millions de dollars, les Indiens de l'ethnie mundurucu ont vendu à Celestial Green Ventures des droits sur une surface égale à 16 fois la taille de la ville de São Paulo, en pleine forêt amazonienne, sur la commune de Jacareacanga. Cette opération garantie à la société des ?avantages? sur la biodiversité, en plus d'un accès sans restriction au territoire indigène

Dans le contrat, les indiens s'engagent à ne pas planter ou extraire de bois de leurs terres pendant 30 ans, soit la durée de l'accord. Toute intervention sur le territoire devra avoir l'aval préalable de la société Celestial Green Ventures, entreprise irlandaise qui se présente comme le leader mondial du marché de crédits carbone. Sans règles claires, ce marché compense les émissions de gaz à effet de serre de grandes entreprises polluantes, surtout en Europe, et négocie les cotations de ces crédits. En Amazonie, cela engendre un harcèlement des communautés indigènes et la prolifération de contrats nébuleux, similaires à celui signé avec les Mundurucus. La Fondation Nationale de l'Indien (Funai) recense déjà plus de 30 contrats de ce type.

Des Indiens qui renoncent à tous leurs droits sur la terre

Celestial Green affirme avoir conclu, à elle seule, 16 projets au Brésil, qui totalisent 200.000 km2, soit deux fois la taille du Portugal. La terre des mundurucus représente un peu plus de 10% du total réalisé par cette entreprise qui a aussi négocié les territoires Tenharim Marmelos, Igarapé Lage, Igarapé Ribeirão et Rio Negro Ocaia. Le président de la Funai, Márcio Meira, a été mis au courant de ce type d'activité en 2011 : "Les indiens signent des contrats souvent sans savoir ce qu'ils signent. Ils ne peuvent alors plus couper un seul arbre, et finissent par ouvrir la voie à la biopiraterie. Nous constatons qu'une bonne idée, la reconnaissance de la protection environnementale de la forêt par les indiens, peut se transformer en arnaque." Le problème a poussé la ministre de l'Environnement, Izabella Teixeira, à réagir: "Nous devons empêcher que des opportunités d'avancées concernant la valorisation de la biodiversité ne cachent des actions de biopiraterie."

Le contrat des mundurucus stipule que les paiements en dollars donnent à l'entreprise la ?totalité? des droits sur les crédits carbone et ?tous les droits de certificats ou de priorité à venir sur la biodiversité de la zone?. Les territoires indigènes sont parmi les zones les mieux protégées des forêts tropicales. Ils totalisent plus de 1 million de km2, majoritairement en Amazonie. Pour des entreprises qui travaillent sur des mécanismes de crédit carbone, les forêts représentent des milliards de tonnes de gaz à effet de serre stockées.

Un marché en hausse
Benedito Milléo Junior, agronome qui négocie les crédits carbone de communautés indigènes, évalue l'hectare à 1 million de US$. Le calcul se base sur une estimation de 200 tonnes de CO2 stocké par hectare. Milléo dit avoir déjà négocié 5,2 millions d'hectares. D'après lui, la perspective du marché est à la hausse, avec la réglementation du mécanisme de Réduction des Émissions par Déforestation et Dégradation Forestière (Redd). Les mundurucus n'ont pas encore touché l'argent. Les paiements seront échelonnés en 30 versements de 4 millions de dollars, de fin 2012 à 2041.

L'indien Mundurucu Roberto Cruxi, adjoint au maire de Jacareacanga, s'oppose à l'accord: "On ne pourra plus faire de clairière, ni couper un pied d'arbre." Il affirme que le contrat a été signé par différents chefs, sans le consentement de la majorité des indiens. Une vidéo postée sur internet montre une indienne mundurucu menaçant le directeur de Celestial Green avec un gourdin. Elle crie: "Vous croyez que les indiens sont des idiots?" Un directeur de Celestial Green, Ciaran Kelly, affirme que tous les contrats de l'entreprise avec des communautés indigènes suivent les règles internationales avec un: ?rigoureux processus de consentement, libre, préalable et informé."

Stéphane DARMANI ©Green et Vert (www.lepetitjournal.com - Brésil) mercredi 21 mars 2012

Pour plus d'informations: oglobo.globo.com




lepetitjournal.com sao paulo
Publié le 21 mars 2012, mis à jour le 5 janvier 2018

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