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GUERRE DES GANGS - Les effets pervers de la trêve

Écrit par Lepetitjournal San Salvador
Publié le 15 février 2016, mis à jour le 16 février 2016

 

La société salvadorienne est depuis des années secouée par la violence entre deux gangs, les pandillas, la Mara MS 13 (Salvatrucha) et la Mara Barrio 18. Le procès qui s'ouvre contre 79 terroristes permet de revenir sur la trêve. 

L'histoire de la tregua (la trêve)

En 2011 et début 2012, il y avait en moyenne 15 crimes par jour au El Salvador. Début 2012, un journal local, El Faro, révélait que des négociations étaient en cours entre les chefs des deux maras, sous les bons auspices de l'Eglise et de représentants du Gouvernement. Ces négociations emmèneraient une trêve destinée, pensait-on, à réduire le nombre de morts violentes dans le pays. Les chefs de gangs s'engageaient à ne plus pratiquer de recrutements forcés parmi les jeunes. Ils voulaient ainsi montrer leur bonne volonté, en échange d'avantages, comme le transfert de prisonniers dans certaines prisons du pays ou l'adoucissement des conditions de détention. Quelques mois après, les gangs avaient remis 80 armes en gage de leur bonne foi, mais quand ont sait que les gangs comptent environ 50.000 membres, on peut être sceptique quant à cette bonne volonté exprimée. En face, les 150.000 policiers sont en sous-nombre. 

Une économie souterraine

On estime entre 300 et 400.000 le nombre de personnes qui bénéficient  des crimes des maras au El Salvador, pays rappelons-le de 6,3 millions d'habitants. 

C'est donc une économie souterraine importante, qui se nourrit d'extorsions au détriment des entrepreneurs et des commerçants en particulier, mais aussi d'enlèvements contre rançon qui peuvent toucher tout le monde. Les principales victimes sont les entreprises de transports en commun et les vendeurs sur les marchés. 

Les dénégations du Gouvernement et de l'Eglise 

Dès le départ de cette affaire, le Gouvernement et l'Eglise ont nié qu'il existât des négociations secrètes. Cependant, les journalistes d'investigations affirmaient le contraire, et donnaient les noms des principaux médiateurs, Monseigneur Colindres pour l'Église et Raul Mijango, ex-guérillero et conseiller du ministre de la Sécurité de l'époque. Monseigneur Colindres était l'aumônier de la l'armée salvadorienne. 

Devant la chute drastique du nombre de morts induite par la trêve, les autorités ont dû reconnaître qu'il n'y avait pas de miracle et qu'il existait bel et bien des négociations entre les bandes. Cependant, le président de la République de l'époque, Mauricio Funes affirmait qu'il n'en avait pas connaissance.

Il maintient cette position en 2016: il n'était pas au courant de l'action de son Gouvernement.

Les effets pervers de la trêve

L'Eglise, par la bouche de Monseigneur Escobar (ainsi que l'ex-médiateur Monseigneur Fabio Colindres), affirme aujourd'hui même que la trêve fut une erreur. Les bienfaits pour la population furent à court terme. Même si on estime que 3.000 vies ont été épargnées, les gangs ont mis à profit cette période pour se renforcer, s'armer, s'équiper en téléphones cellulaires, etc., alors que le Gouvernement en est sorti fragilisé. Et il y a eu 7.500 crimes en 2015, soit 1 mort par heure. Enfin, il y a maintenant 3 maras au lieu de deux en 2012: la Barrio 18 est divisée entre les Sureños et les Revolucionarios. Et puis les meurtres de policiers se multiplient.

Le bénéfice ne saute pas aux yeux.

Évolution de la loi anti-gangs

Depuis fin 2015, la loi salvadorienne assimile les actes criminels commis par les gangs à des actes terroristes.En ce moment se déroule le procès de 79 pandilleros, occasion saisie par l'archevêque de San Salvador José Luis Escobar pour faire sa déclaration. Pour paraphraser les hommes politiques, on ne négocie pas pas avec les terroristes.

Jean-Jacques Sutra (www.lepetitjournal.com/sansalvador) lundi 15 février 2016

lepetitjournal.com san salvador
Publié le 15 février 2016, mis à jour le 16 février 2016