Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

MURIEL MAYETTE-HOLTZ - "Je suis tombée sous le choc de la Bellezza"

Écrit par Lepetitjournal Rome
Publié le 21 février 2016, mis à jour le 22 février 2016

 

L'Académie de France à la Villa Médicis fête ses 350 ans d'existence. A cette occasion, lepetitjournal.com a rencontré sa directrice, Muriel Mayette-Holz, afin de recueillir ses impressions, six mois après avoir pris la direction de l'Académie. Mme Mayette nous parle de son travail, de la « Villa » résidence d'artistes, et des projets pour cette année. 

Lepetitjournal.com : Vous êtes arrivée à la tête de la Villa Médicis, en septembre, il y a presque 6 mois. Quel regard portez-vous sur votre mission au sein de l'Académie ?

Muriel Mayette-Holtz : J'ai pris le temps d'étudier l'histoire de cette institution et je dois dire que l'Académie de France et la Comédie Française ont de nombreux points communs. La première a été créée en 1666, la Comédie Française en 1680, et elles ont en commun d'avoir survécu à tous les événements politiques, toutes les révolutions, d'être assez solides pour tenir le coup et en même temps assez souples pour s'adapter. Elles ont comme autre particularité d'être des institutions dans lesquelles vivent des artistes, ainsi on appelle l'Académie « la Villa », et la Comédie « la Maison ».

Finalement, du point de vue de mon travail, je passe des acteurs aux artistes plasticiens, aux musiciens, aux écrivains, c'est comme si je changeais d'instrument de musique au sein d'un orchestre. 

J'ai toujours envisagé d'être directrice de la Comédie Française comme un metteur en scène, c'est à dire de laisser tous les artistes s'exprimer pour montrer la richesse de leur talent, et en même temps, diriger ce monde dans le même sens pour arriver à faire un spectacle. C'est un peu ce que je fais ici : comment être au service des pensionnaires pour aller au bout de leurs projets et de leurs créations, comment les accompagner pour la suite, comment les faire connaître - et dans le même temps s'arranger pour que les trois missions cohabitent : l'hébergement des pensionnaires, le partage du patrimoine et son entretien, et la programmation.

Au fond, quand je suis arrivée ici, l'équipe était plus petite, car je suis passée de 450 personnes à 45. 

Je suis tombée sous le choc de la Bellezza et j'ai compris très vite le mirage, le rêve que peut représenter Rome, et en même temps son danger. Car il faut le traverser, il faut en sortir, plus fort, mais en ressortir. On peut se demander, est-ce toujours intéressant d'être à Rome car on n'est plus dans l'activité de copier les anciens? Et bien oui, car ce paradis d'histoire, de beauté peut aussi endormir. Il faut se sentir nécessaire. Donc la France s'accorde depuis 350 ans un luxe nécessaire pour avoir les plus grands artistes du monde.

En quoi, d'après vous, la Villa Médicis est-elle un lieu de culture prestigieux mais unique ?

il y a beaucoup d'académies à Rome, il y a donc une vraie raison d'être ici, dans le plus grand théâtre du monde, au coeur de l'histoire et de la culture. Les chemins sont maintenant plus courts de Rome au reste du monde, et il faut continuer à les raccourcir.

L'une des forces de l'Académie de France à Rome est d'accueillir toutes les nationalités, à condition de parler le français, toutes les disciplines, à condition qu'elles soient repérables et repérées. C'est la possibilité de donner un espace de travail aux créateurs de demain, d'être au top de la création contemporaine pluridisciplinaire. Les artistes vivant ici sont de plus en plus à la frange de plusieurs solfèges.

Vous avez, très rapidement après votre prise de fonction, affirmé votre volonté d'ouvrir davantage l'institution. Que vouliez-vous dire par là ?

On vit en Europe un état d'urgence, de peur, une difficulté à construire un « nous ». Et plus que jamais la culture doit être au centre de notre réflexion, c'est elle qui va nous aider à prendre du recul sur la situation. La création sera toujours plus forte que la guerre, et donc plus utile que jamais. Quand j'ai dit ouverture, cela voulait dire avant tout l'ultime refuge face à nos inquiétudes, donc surtout ne pas fermer les portes par réflexe protectionniste. 

Cela veut dire aussi une réponse à Rome qui, quand je suis arrivée, m'a exprimé le manque d'ouverture. A cela, je voudrais répondre deux choses : le temps de silence, le secret, le tour de magie sont nécessaires dans la création, et donc jamais je ne ferai de cette maison un espace public. En revanche, une porte ouverte l'est dans les deux sens. Ainsi, la gratuité est un vrai acte politique, tout le monde peut se sentir plus facilement intéressé - la culture est impressionnante - et c'est pourquoi cet anniversaire des 350 ans, avant d'être une soirée privée, sera une soirée partagée avec le grand public.

Il faut aussi montrer en France ce que nous faisons ici. Je vais donc travailler à rapporter en France à la rentrée prochaine les travaux des pensionnaires cette année, pour qu'il y ait un échange, et raccourcir encore plus les chemins entre Rome et Paris.


Quels sont les grands évènements à attendre cette année ?

J'ai choisi une programmation anti-spectaculaire (le spectaculaire étant pour l'anniversaire), car il est important que « la Villa » vive toute l'année. A partir du 18 février, tous les jeudis, il y aura une surprise avec de grands artistes dans toutes les disciplines. Ce sera le rendez-vous hebdomadaire. Ensuite, je continuerai à organiser des portes ouvertes, la première nuit blanche, le théâtre, et je referai l'année suivante des festivals comme celui de la musique. Le 18 février, deux artistes ont été invités, un prestidigitateur français, Larsène, et Enzo Cucchi, qui fera une exposition dans le grand salon et une masterclass. Il sera possible le jeudi de manger avec les artistes, de discuter avec eux, et d'assister à des spectacles, des conférences ? Ce sera gratuit.

Votre choix pour célébrer l'anniversaire ?

Je voulais que tous les arts soient convoqués, le théâtre, les arts plastiques, la musique, la danse, l'art de la table, tout le monde de la création s'y est mis.

A titre plus personnel, quelle est votre impression de la ville de Rome ?

La lumière de cette ville. Je vais tous les jours regarder Rome, la lumière est très profonde et douce en même temps.

Et l'italien ?

Muriel Mayette a déjà réalisé des entretiens en italien ?.

Pour terminer, avez-vous un message pour la communauté francophone de Rome et de l'Italie ?

Je me sens citoyenne de l'Europe et il est temps qu'on véhicule une image positive de ce projet. La différence de nos langues est une richesse, donc, même maladroitement,  tous les rendez-vous des jeudis seront en 2 langues, pour essayer de n'y exclure aucun des publics. C'est une maison d'artistes, et il n'y a rien de plus enrichissant que de les côtoyer. La création se fait toujours à deux, et c'est le début de la vraie compréhension.

Propos recueillis par Anne Debaillon-Vesque (Lepetitjournal.com de Rome) - Lundi 22 février 2016.

Crédit photo anniversaire de la Villa Medici : F. Manssouri

Retrouvez tous nos articles actualités ici.

 

lepetitjournal.com rome
Publié le 21 février 2016, mis à jour le 22 février 2016

Flash infos