La mobilité internationale des cadres et de leur famille engendre des enfants différents, doués d'adaptation. Recursimo, spécialiste de l'interculturel au Brésil, les accompagne et partage ses observations pour en dévoiler un tableau tout en nuances.
Les enfants transculturels se distinguent des autres enfants, non seulement parce qu'ils sont bilingues voire multilingues, mais parce qu'ils se sont immergés dans plusieurs cultures et qu'ils ont très tôt tissé des liens dans divers endroits de notre planète.
Le monde comme terrain de jeu
L'enfant transculturel a le voyage et l'étranger inscrits dans la peau. Parfois issu de parents de deux nationalités, il fait partie de la dynamique globalisée. Il possède une pensée élargie, capable d'observer et d'analyser les problèmes sous plusieurs angles. Il capte rapidemment les codes culturels et ne craint pas de prendre l'initiative relationnelle. Le monde est pour lui un terrain de jeux sans frontières où il se révèle indépendant et débrouillard : il sait s'informer, saisir rapidement les us et coutumes des lieux où il évolue. Il se pose et pose une myriade de questions, s'étonne, intègre, expérimente, partage, réajuste.
Toutefois, cet enfant est avant tout un enfant en situation d'instabilité renouvelée et peut vivre un mal-être sous des apparences pleines de vitalité.
Les épreuves transculturelles
Pour les comprendre, il est bon de reconnaître quelles sont les difficultés objectives de chaque déménagement :
- une perte de repères familiaux : le changement de configuration et la période de flottement de l'espace familial génère un stress qui le fragilise. D'autant plus qu'il est nécessaire de prendre en compte une éventuelle crise de couple surgie du nouveau contexte, dû aux problèmes d'insertion dans la vie économique et sociale du pays.
- une perte de repères culturels : confronté à l'apprentissage d'une langue et au devoir de communiquer socialement dans un univers dont il ne partage pas les m?urs, l'enfant peut ressentir un sentiment d'incompréhension venant de lui-même comme des autres, et les inévitables problèmes relationnels qui en découlent.
- une perte d'ancrage : pendant d'une habilité particulière d'adaptation, le changement d'environnement peut présager une difficulté d'ancrage, avec les problématiques associées. Soit le futur adulte décidera de ne plus bouger, soit il risque de reproduire les conditions d'éternel changement liés à son histoire, la stabilité lui inspirant insatisfaction ou ennui. Ces difficultés peuvent surgir au moment de se projeter dans l'avenir et de construire une vie de couple épanouie. Ne pas s'attacher pour ne pas souffrir, ne pas s'engager par crainte de monotonie.
- une remise en cause identitaire : lors des bouleversements de l?adolescence, les chocs culturels amplifient le sentiment de désorientation, renforçant la fragilité du jeune, en pleine tempête hormonale et identitaire.
Un sentiment que l'on retrouve très présent chez les jeunes Franco-Algériens, Franco-Marocains, qui ne se sentent pas reconnus comme marocains ou algériens au Maroc ou en Algérie, ni français en France.
Devant les exigences d'intégration, le jeune se forge alors sa propre culture faite des valeurs sociales, religieuses et patriotiques tissées de contradictions. Dans ce contexte, il subit le deuil de l'ancien pays d'expatriation et des liens précédemment noués.
En conclusion, l'expatriation chez l'enfant est une richesse, parfois mêlée de souffrances, parfois présage de futures difficultés.
Intérêt d'accompagner le jeune dans ses transitions
- l'aider à comprendre et accepter sa situation d'enfant expatrié : écouter ses ressentis exprimés hors enjeux parentaux, lui permettre de mieux gérer ses émotions, le guider dans l'élaboration de nouveaux repères pour une cohérence personnelle, fondement de sa jeune identité.
- l'accompagner dans sa maturité relationnelle afin qu'il maintienne ses liens malgré la distance, tout en mettant de l'énergie pour s'intégrer dans le pays d'accueil.
- lui apprendre comment valoriser ses différences (parcours atypique, habiletés particulières) et ne pas en souffrir.
C'est la contribution offerte par Recursimo aux membres des familles d'expatriés, à leurs enfants et adolescents pour trouver un équilibre satisfaisant dans leur nouveau contexte de vie.
Marie-Pia CURIAL, chargée de projets - Recursimo (www.lepetitjournal.com - Brésil) lundi 8 février 2016