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FRANÇOIS DESTRIBOIS - "Le tramway va changer la perception du centre-ville de Rio"

Écrit par Lepetitjournal Rio de Janeiro
Publié le 3 mars 2016, mis à jour le 8 février 2018

 

En poste à Rio depuis le 1er janvier, François Destribois est le directeur Amérique latine de la RATP Dev, la filiale internationale de la RATP. Il détaille notamment pour Lepetitjournal.com le développement du futur tramway de Rio qui devrait commencer à circuler dans les mois à venir.

Lepetitjournal.com : Pouvez-vous nous en dire plus sur votre parcours qui vous a mené à Rio ?
François Destribois :
Je suis arrivé à Rio parce que j’ai déjà travaillé dans le transport en Amérique latine, notamment chez Alstom pendant dix ans où j’ai été expatrié au Chili de 2005 à 2009. Cela m’a permis de bien parcourir l’Amérique latine, et le monde du transport dans lequel je travaille depuis maintenant quinze ans. Je suis ensuite rentré à Paris pour la RATP, mais plutôt dans le développement commercial pour sa filiale, RATP Dev. J’ai notamment travaillé sur le projet de la ligne 4 du métro de São Paulo. C’est à cette époque que l’on a signé un contrat pour le tramway de Rio, mais j’ai aussi continué à développer sur le Pérou, la Colombie, le Chili, l’Equateur, le Mexique... Comme la personne qui était à Rio avant moi est partie à la retraite au mois de juillet dernier, j’ai proposé de venir m’installer au Brésil afin d’être au plus proche de nos partenaires. Je suis alors arrivé le 1er janvier pour m’occuper en priorité du tramway de Rio, mais comme il sera inauguré cette année, je continue aussi à regarder les projets dans la région. J’ai donc une fonction à la fois opérationnelle et commerciale.

De quels projets la RATP Dev s’occupe-t-elle au Brésil ?
En ce moment, nous travaillons sur le tramway de Rio. Nous accompagnons nos partenaires du  VLT Carioca, qui est en train d’acquérir de l’expérience sur la mise en place du projet, pour l’exploitation en sécurité et en qualité, c’est-à-dire former les conducteurs, aider sur les procédures d’exploitation, de maintenance. Ce concessionnaire a acheté le matériel, dispose de l’ingénierie, nous, nous leur transférons le savoir-faire que l’on a accumulé à Paris et dans d’autres pays dans le monde pour qu’il soit très rapidement en capacité de faire rouler le tramway de la meilleure façon possible. Le projet de la ligne 4 du métro de São Paulo, lui, est terminé (le premier tronçon a été mis en service en 2010, ndr). Il s’agissait du même principe : on avait aidé le concessionnaire à préparer et à mettre en service cette ligne qui est la première ligne de métro sans conducteur d’Amérique latine. C’était une vraie vitrine technologique pour nous, comme l’est le tramway de Rio avec ses 28 km sans caténaire et une alimentation par le sol, là aussi le premier d’Amérique latine. C’est un donc projet ambitieux et de haute technicité, et qui je crois va vraiment changer la perception du centre-ville de Rio.

D’autres projets sont-ils prévus par la suite ?
Aujourd’hui, la situation économique est un peu compliquée. Or, nous travaillons sur des projets avec des investissements en infrastructures très soutenus, à la fois en volume et dans le temps. Je pense qu’il faudra donc avoir un peu de patience, mais c’est bien pour moi d’être ici afin de voir de près ce qu’il se passe et ce qu’il est possible de surgir demain. Par exemple, il y a d’autres projets de tramway au Brésil : Goiânia, Santos, Cuiabá… Ce qu’on espère, c’est que le tramway de Rio, où les intérêts français sont importants, avec Alstom également, qui fournit les véhicules, va donner une vraie impulsion et quand les conditions économiques seront plus favorables pour permettre aux autorités publiques d’investir plus massivement et de s’inscrire dans la durée sur les projets de transports, nous aurons cette expérience locale et cela devrait faire la différence. Il existe de toute manière au Brésil un besoin d’infrastructures de transports qui devra être couvert et l’intérêt sera de prendre notre part dans cette amélioration. 

Quand le tramway de Rio sera livré, la RATP Dev aura terminé sa mission ?
Oui, nous, nous sommes là pour aider au démarrage. C’est une prestation d’assistance pour les premiers mois d’exploitation. Par exemple, nous serons là pendant les Jeux Olympiques parce que c’est une période assez critique et il faut que tout se passe bien. Mais l’idée, c’est que le VLT Carioca soit très vite indépendant. Nous sommes exploitants de la plupart des tramways sur lesquels nous intervenons, mais au Brésil, il y a une vraie compétence locale des sociétés brésiliennes qui vont moins chercher à déléguer et plutôt solliciter du conseil.

Même si ce n’est pas de votre ressort, est-ce que vous pouvez nous en dire plus sur l’avancée des travaux ?
En effet, ce n’est pas notre responsabilité, mais on voit que cela avance vite car il y a de vrais intérêts et enjeux même si parfois on a tendance à le confondre avec les Jeux Olympiques. Ce tramway fait avant tout partie d’un projet de requalification urbaine qui se nomme "Porto Maravilha" et qui va changer le mode d’habitation dans le centre grâce aux interconnexions qu’il va permettre entre la gare routière, le terminal de bateaux de croisière, les ferries de la Praça XV et l’aéroport Santos-Dumont, tout en étant connecté au réseau de métro et de bus. L’objectif est de le mettre en service de la gare routière jusqu’à l’aéroport Santos-Dumont au mois de juin.

Quelles sont les principales difficultés que vous avez pu connaître sur ce projet ?
Pour notre part, étant dans le domaine de la prestation de service, nous n’en avons pas trop eu. Nous connaissons notre métier et nous devons apprendre à travailler avec des partenaires qui ont une autre culture, venant d’autres entreprises. Nous sommes là pour trouver le meilleur moyen de remplir notre contrat en transférant efficacement ce savoir-faire : s’assurer qu’on se comprend bien, qu’on le fait de la meilleure façon et que le résultat est là. Il faut valider la formation que nous avons pourvue. Nous avons par exemple reçu de septembre à novembre à Paris deux groupes de 14 conducteurs que nous avons formés sur le tramway T3 d’un point de vue théorique et pratique. Je ne vois ainsi pas trop de difficultés, je pense qu’en Amérique latine, il faut être flexible sur la façon de de travailler et sur la gestion des délais.

Concrètement, qu’est-ce que va apporter le tramway par rapport à l’offre existante ?
C’est un mode de transport très différent. C’est en moyenne plus rapide et fluide comparé au bus parce qu’il y a une priorité aux feux, et c’est plus confortable car c’est du transport sur rail, avec de la climatisation et une bonne visibilité aussi. Il y a également une image de modernité, sans bruit ni pollution, et cela change la perception des habitants sur leur propre ville et donc sur eux-mêmes.

La mairie de Rio envisagerait d’ores et déjà une prochaine ligne de tramway allant du Centro à Gavea, est-ce que vous avez déjà un œil dessus ?
Je n’en sais pas plus, mais sur le principe, j’y serais favorable car le tramway est un mode de transport qui est très apprécié. On le voit en Ile-de-France où c’est de loin le mode de transport préféré des usagers, devant le bus ou le métro. Vue la taille de Rio, tout investissement sur les transports, avec une bonne intermodalité et un bon maillage des systèmes de transport, n’est que profitable aux habitants et donc au développement socioéconomique. Le temps que l’on ne passe pas dans les transports, on le passe à faire autre chose que ce soit à consommer, travailler ou tout simplement en famille !

De manière générale, le tramway qui a déjà existé il y a longtemps avant d’être abandonné s’offre donc un nouvel avenir ?
Il y a différents facteurs qui ont expliqué la fin du tramway : l’arrivée du moteur à explosion, la liberté offerte par les bus, les grands embouteillages après-guerre… Les nouveaux tramways qui ont commencé à arriver dans les années 1990 ne sont pas les mêmes que ceux que nous avons eus jusque dans les années 1950. Ils sont plus longs donc capacitaires, avec un plancher plat, confortables et accessibles. Puis il y a la préoccupation bien plus importante aujourd’hui du développement durable. Est-ce que c’est l’avenir ? C’en est l’un des acteurs. En Amérique latine, le tramway moderne n’est pas encore très présent, mais c’est en train de changer.

Quelle est votre vision de la mobilité urbaine à Rio, souvent jugée négativement ?
On m’en parle assez souvent et il y a des Cariocas, durs avec eux-mêmes, qui la trouvent mauvaise. Mais nous sommes toujours imprégnés de notre histoire et il faut savoir ce que nous comparons. Prenons l’exemple de Paris : il y a une station tous les 500 mètres à Paris, mais la première ligne a été ouverte en 1900, et aujourd’hui il y a 16 lignes de métro, cinq lignes de RER, huit lignes de tramway, 350 lignes de bus... On peut aussi regarder dans la région et comparer Rio à Bogota, qui est pourtant une ville que j’apprécie : c’est une ville de 9 millions d’habitants … mais il n’y a pas de métro ! A Lima aussi, 9 millions d’habitants et là une seule ligne de métro, et une seconde en construction toutefois. Dans les deux cas, la circulation est bien plus chaotique qu’à Rio. Donc, par rapport à d’autres villes que je connais dans la région, Rio c’est plutôt bien ! Et en plus du tramway, il y a aura bientôt trois lignes de métro, qui ici est efficace, propre et confortable, tout cela avec un réseau de bus bien organisé.

Propos recueillis par Corentin CHAUVEL (www.lepetitjournal.com - Brésil) vendredi 4 mars 2016

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Publié le 3 mars 2016, mis à jour le 8 février 2018

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