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PORTAIT - Visages du cinéma brésilien : Carlos « Caca » Diegues

Écrit par Lepetitjournal Rio de Janeiro
Publié le 12 mai 2011, mis à jour le 14 novembre 2012

Le cinéma brésilien est une belle histoire. S'il vit depuis 50 ans sur le souvenir du cinema novo, ses films sont de plus en plus vus et appréciés. Lepetitjournal.com propose de vous faire découvrir ceux qui « font » le cinéma brésilien : aujourd'hui, Caca Diegues, dernier rescapé du cinéma novo encore en activité

Carlos Diegues, plus communément appelé "Caca" Diegues, est aujourd'hui l'un des cinéastes brésiliens les plus connus dans le monde. Son Curriculum Vitae est impressionnant : 13 courts-métrages et 16 longs-métrages en tant que réalisateur, 5 courts-métrages et 8 longs-métrages en tant que producteur, 3 séries télévisées, sans oublier 10 livres. Prononcer son nom renvoie automatiquement à l'image d'une figure du cinéma novo, d'un producteur qui a modernisé le cinéma brésilien, d'un réalisateur socialement engagé. Lorsqu'il est convié à une conférence pour discuter du cinéma brésilien, le public attend de voir arriver sa "star". Caca Diegues arrive avec 30 minutes de retard, tout gêné, et la salle découvre un monsieur discret, tout petit et un peu rond.

Mais lorsqu'il prend la parole, Caca a des choses à dire. "Le cinéma brésilien n'est pas né hier ou dans le cinéma novo. Le cinéma brésilien a plus de 100 ans d'existence. C'est l'un des premiers pays où l'on a filmé. C'est une histoire très longue, qui n'est pas continue, elle est faite de cycles, et à chaque fois que ces cycles se terminent, il faut tout recommencer à nouveau".

Cinéma novo
Le véritable point de départ de la carrière de Caca Diegues est son entrée, encore étudiant, au Centro Popular de Cultura (CPC), groupe étudiant où il côtoie des futurs grands du cinéma novo comme Leon Hirzsman ou Joaquim Pedro de Andrade. C'est là qu'il réalise son premier film professionnel, en 1961, le court-métrage Escola de Samba Alegria de Viver, épisode du film Cinco Vezes Favela, qui marque le départ de ce nouveau mouvement cinématographique brésilien. Ses trois premiers films sont par ailleurs fortement représentatifs de l'esthétique du cinema novo, très volontariste et pleine de rêves, où les films se construisent comme des utopies du Brésil populaire.

Inspirés du néo-réalisme italien, les cinéastes du courant ont pour objectif de réconcilier le Brésil avec son peuple, et de construire une identité brésilienne autour de fables du quotidien. C'est le cas de Cinco Vezes Favela, qui regroupe 5 récits de vie dans une favela. C'est une des premières fois que l'on montre cette réalitésur les écrans brésiliens. Il reprend l'inspiration de ce sujet pour son tout dernier film : 5xFavela, agora por nos mesmo (5xFavela, maintenant par nous-même), qu'il produit. C'est un rassemblement de 5 courts-métrages sur le quotidien des favelas, mais la différence vient du fait que ce sont de jeunes cinéastes habitant dans la favela qui sont les réalisateurs, quand c'étaient de jeunes étudiants bourgeois dans la première version.

Ses trois premiers films, Ganga Zumba (1964), A Grande Cidade (1966) e Os Herdeiros (1969), permettent de délimiter les traits de ce qu'on appellera donc le Cinéma Novo. Si le cinéaste quitte le pays à cause de la dictature qui arrive dans sa phase la plus répressive, son retour est ponctué de son plus gros succès commercial : Xica da Silva (1976), hymne à la joie qui annonce la fin prochaine de l'autoritarisme et le retour de la démocratie.

Essor et trou noir
Chuvas de verão (1978), fable familiale et mélancolique, et Bye Bye Brasil (1980), road trip d'une troupe musicale à travers le Brésil, sont deux de ses plus grands succès. Mais la fin du Cinéma Novo, qui n'a plus de raison d'être selon lui, ouvre un nouveau chemin dans sa carrière. L'essor de la production brésilienne est parallèle à sa reconnaissance internationale. En 1981, il est invité à être jury au Festival de Cannes, honneur qu'un seul Brésilien avait reçu avant lui (le poète Vinicius de Moraes).

Toutefois, on reproche à Caca Diegues de réaliser des films trop commerciaux à partir des années 80. Cette période, qui représente la phase la plus dure la dictature en ce qui concerne la culture et la censure. Le cinéaste est pourtant un des seuls qui continue à faire des films : il fait un pacte avec le « diable » Globo, et réalise des séries télé. Il sera durement critiqué par tous les amateurs du cinéma novo, qui lui reprocheront d'avoir trahi son esthétique. Caca Diegues s'en défend : "Le cinéma est quelque chose de cher. Mais arrêter de faire du cinéma, non, vous ne pouvez pas. Un pays sans cinéma est un pays sans goût, sans âme. Un pays qui ne s'explique ou ne se manifeste pas".

La Nouvelle Loi Audiovisuelle vient marquer un renouveau complet de possibilités pour la culture brésilienne. Tieta do Agreste (1996), Orfeu (1999) et Deus é Brasileiro (2002) viennent inaugurer la phase de "Retomada" (Reprise) du cinéma. Toutefois, Caca Diegues continue d'être blâmé pour ses films  trop "hollywoodiens", avec des trames bien plus classiques et des happy-ends attendus. Il poursuit cette logique de se faire messager des plus défavorisés, comme dans Orfeu, histoire d'amour à l'intérieur d'une favela, mais l'esthétique réaliste et populaire des années 60 a disparu.

Cinéaste éternel
Caca Diegues  reste toutefois l'un des derniers des cinéastes considérés comme "vétérans", et il est aujourd'hui reconnu internationalement. La France l'a par ailleurs couronné Officier de l'Ordre des Arts et des Lettres. Sa prochaine production fait parler : il s'agit de 5xUPPs, un rassemblement de court-smétrages visant à montrer comment les populations des favelas ressentent l'imposition de la police d'Etat.

Le Brésil l'a décoré de la plus haute distinction du pays, la médaille de l'Ordre de Rio Branco, notamment pour son travail de toujours en faveur des opprimés. Il est sans doute le seul cinéaste à avoirt su se défaire de son étiquette "Cinéma Novo" pour se réinventer perpétuellement.

"Le cinéma nous met face à nous-même et face au monde, et avec des pouvoirs et des savoirs que nous n'avions jamais imaginé posséder, il nous transforme en savants, et en héros. Et il nous rend jeunes, éternellement jeunes, comme les divinités qui boivent de leur fontaine de beauté. Car le cinéma est le lieu de l'éternité."

Lucas ROXO (www.lepetitjournal.com - Rio de Janeiro) jeudi 07 mai

lepetitjournal.com Rio
Publié le 12 mai 2011, mis à jour le 14 novembre 2012

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