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MICHAEL AMOUYAL - "Je pense que c'est le bon moment pour nous"

Écrit par Lepetitjournal Pékin
Publié le 20 avril 2014, mis à jour le 21 avril 2014

Michael Amouyal est depuis le 1er avril, le nouveau directeur général de la Chambre de commerce et d'industrie en Chine (CCIFC). Lepetitjournal.com est allé à sa rencontre pour parler de son parcours, de HEC à Shanghai, mais aussi de la direction qu'il espère donner à l'institution, ou du climat économique de la Chine, selon lui compliqué mais offrant encore de multiples promesses pour qui sait être patient. Michael Amouyal a livré son sentiment, "en sachant que je suis en Chine seulement depuis 2 ans, et à mon poste depuis 10 jours. Des personnes présentes depuis 10, 15 ans, auront peut-être un regard différent". Morceaux choisis.

Son parcours : se confronter à des mentalités différentes

"En parallèle de mes études en école de commerce à HEC, j'ai fait un an de chinois aux langues orientales, en dernière année, parce que j'avais un intérêt pour l'Asie. Puis j'ai travaillé dans l'audit et essentiellement dans le conseil en stratégie, pendant environ 10 ans. Ma femme est française d'origine chinoise, mais c'est moi qui voulait d'abord venir en Chine, parce que j'avais envie de poursuivre sur le chinois. J'étais venu faire un voyage un ou deux ans avant qu'on s'installe, un peu pour tâter le terrain. Et j'avais trouvé ça extrêmement difficile, et du coup, j'avais dit, "bon bah allons-y" ! Parce que c'est justement ça qu'on voulait aussi nous personnellement, on avait envie de se bousculer un petit peu, par rapport à une vie en France pas toujours facile certes, mais qui est "sur des rails", pour des gens qui ont fait des études et sont sur des professions de cadre supérieur.

Il peut être très confortable de vivre en Chine mais on est aussi bousculé, parce que la culture est vraiment différente, et pas forcément là où on l'attend. Les Chinois sont très similaires aux Français sur plein de points : ils aiment bien se plaindre, bien manger et boire, on a un historique culturel commun qui est assez fort. Mais dans la manière de structurer, d'approcher les problèmes, il y a des mentalités très différentes qui compliquent le travail avec des équipes mixtes. Toutes les problématiques de RH sont extrêmement complexes en Chine. C'est visible dans la vie quotidienne, quand on doit bénéficier d'un service quelconque, on comprend que les choses fonctionnent différemment.

Le pays a vécu le passage accéléré d'un système communiste à une économie plus ou moins de marché. Soit le passage d'un modèle sans incitation forte d'efficacité personnelle à un système capitaliste aménagé où il y a besoin d'efficacité dans les entreprises. Et il y a eu une espèce de période tampon dans la toute première phase de développement, où quand il y avait des problèmes, on rajoutait juste du monde. "Mets 50 personnes en plus, de toute façon, ça nous coûte rien !" Aujourd'hui, ce n'est plus possible, il faut un retour à une méthode d'optimisation, d'efficacité du travail, mais les mentalités et les formations ne sont pas encore en ligne avec ça. Et c'est difficile car il y a encore la barrière de la langue entre les gens qui voudraient essayer de transmettre un certain nombres de ses méthodes , et ceux qui ne les ont pas mais qui ont la compréhension du tissu locale de la Chine. Le pont entre les deux n'est pas évident. Mais voilà, c'est pour ça que je voulais venir.

Il se trouve que ça coïncidait avec un projet de ma société, Advention, le cabinet de conseil en stratégie pour lequel je travaillais à l'époque, qui avait besoin d'ouvrir un bureau à Shanghai. Je suis donc venu en Chine il y a deux ans avec la société, jusqu'à il y a un mois environ. C'est à ce moment-là que j'ai eu la possibilité de travailler à la Chambre de commerce. Après 5, 6 entretiens, j'ai été sélectionné par les membres du bureau."

Présentation du poste : assurer la continuité sur le long terme

"Je suis le directeur général, c'est-à-dire que je suis la personne qui gère cette société. Même si la CCIFC n'est pas une société, nous sommes une association privée qui fonctionne comme une société. C'est un peu comme si le président, les vices-présidents et les membres du bureau étaient notre conseil d'administration. Au sein des membres cotisants, tous les 2 ans, il y a 30 personnes qui sont élues, 12 pour le bureau de Pékin, 12 pour le bureau de Shanghai et 6 pour la Chine du sud. Olivier Guibert, qui est notre président, a été élu par l'ensemble des entreprises membres. Le bureau est impliqué dans les grandes orientations stratégiques, mais ce n'est pas lui qui gère la Chambre au quotidien, donc il choisit un directeur général.

Il s'agit pour moi de gérer 45 personnes, dans deux grandes activités : l'animation du réseau d'affaires français, ici, en Chine, au service de nos membres, et aussi l'accueil des entreprises françaises, dans la mesure de nos moyens. La logique d'un profil comme le mien, qui ne suis pas du réseau des Chambres de commerce, c'est de donner vraiment un ton orienté business, et comprendre comment mettre la Chambre au service des entreprises. C'est un mandat au départ de trois ans, mais l'idée, c'est que le directeur, puisse assurer la continuité sur le long terme, si le bureau décide de me garder. Plus on reste longtemps, plus c'est dans l'intérêt de la chambre dans la continuité du management, si on fait bien son travail bien sûr."

Les objectifs : se rapprocher du monde chinois, améliorer les collaborations inter-institutionnelles


"À court terme déjà, c'est de prendre en main le management de cette Chambre. Les objectifs à long, et même à moyen terme, c'est vraiment, d'un point de vue opérationnel, de réussir à offrir des standards de qualité au niveau des services, comme dans les cabinets de conseil privé dont je viens. Essayer de donner cet état d'esprit de qualité et de rigueur vraiment forte qu'on a déjà dans une certaine mesure, mais en y apportant ma valeur ajoutée, venant de mes dix ans d'expérience de services aux entreprises.

Il y a sinon deux grandes orientations stratégiques : il faut vraiment qu'on se rapproche du monde chinois. Plus qu'on ne l'est aujourd'hui. On n'a pas le droit d'avoir des membres chinois, mais je pense qu'on peut développer la collaboration avec les institutions et les entreprises chinoises. Aujourd'hui, on ne fait rien en Chine sans travailler avec le monde chinois, que ce soit d'autres entreprises, des salariés, ou les institutions chinoises. Même un business franco-francais, par exemple une PME qui vend aux expats français. Nous, une grosse partie de notre activité, c'est quand même de mettre en lien des entreprises françaises et chinoises ici, pour les débouchés commerciaux, pour le sourcing…

Deuxième point : essayer de travailler ensemble avec nos partenaires du réseau institutionnel, français, européen et autres. D'abord, qu'on réussisse à s'entendre avec nos partenaires français : Ubifrance, les conseillers du commerce extérieur, les services économiques de l'ambassade, qui sont tous des gens avec qui on a d'excellents rapports, mais on est encore, je pense, à un niveau très faible de collaboration par rapport à ce qu'on pourrait faire. Alors qu'il y a tellement de synergie parce qu'on fait tous des choses très complémentaires. En plus, ça fait partie de l'agenda gouvernemental avec le président et les ministres qui ont parlé des maisons internationales, lieux d'accueil où seraient regroupés tous les prestataires. Cette année, ce serait vraiment symbolique si on pouvait lancer une telle démarche.

Je voudrais aussi qu'on essaie de développer le travail avec les Chambres de commerce de la région Asie, par exemple Hong Kong. C'est quand même souvent la porte d'entrée, parce que c'est plus familier à certains égards, c'est plus simple à franchir. Dans un deuxième temps, c'est par exemple le Myanmar, avec une Chambre toute neuve qui vient de se développer. Les ponts business entre la Chine et le Myanmar sont très importants parce qu'il y a beaucoup d'investisseurs chinois qui partent là-bas. Il y a pas mal de sociétés françaises qui sont ici et qui investissent au Myanmar, mais qui n'ont pas encore de bureaux ou d'implantations sur place."

Le climat pour les PME

"Malgré un certain ralentissement, la plupart des entreprises françaises misent toujours sur la Chine comme le marché incontournable pour eux. Nous ne sommes plus dans : "la Chine, c'est l'avenir". La Chine, c'est le présent ! Si vous n'y êtes pas, où est-ce que vous êtes ? Simplement, c'est un marché qui est très compliqué à aborder, pour des raisons culturelles, d'intensité de la concurrence, de contrôle politique assez fort, et donc, c'est a fortiori difficile à aborder pour des petites sociétés. Je pense que les choses sont de plus en plus difficiles pour tout le monde, gros ou petits, parce que le gouvernement chinois a bien montré qu'il était toujours ouvert à la collaboration avec les entreprises étrangères, mais qu'il fallait que ce soit la Chine qui garde une grosse partie de la valeur ajoutée : des investissements, de la croissance, des infrastructures etc.

Je pense qu'aujourd'hui, c'est difficile pour les PME si elles n'ont pas une structure d'accueil, si elles ne s'associent pas entre elles, ou si elles ne bénéficient pas de l'effet d'entrainement des grandes entreprises. Et, bon, c'est vrai qu'aujourd'hui, on n'est pas au niveau du système allemand sur ce côté-là. Mais on ne peut pas tous avoir le même modèle. Il y a plein de PME ici qui fonctionnent, il y a des choses qui se passent bien et on n'est pas du tout la seule structure d'accueil. Il y a toute une série d'institutions publiques. On essaie de soutenir les PME qui viennent en Chine, sachant qu'au sein de notre bureau, il y a des PME qui sont représentées, et qui essaient de pousser leurs intérêts dans l'agenda de la Chambre."

Y a-t-il trop d'interlocuteurs pour les PME ?

 
"On peut parler d'un manque de visibilité sur ce point-là. Justement, moi, c'est une orientation que je souhaite donner à la Chambre aussi, essayer d'avoir une collaboration plus active avec les différents acteurs du réseau, clarifier l'offre de services pour les nouveaux arrivants, juste afficher qui fait quoi. On travaille normalement tous dans le même sens, nous ne sommes pas concurrents. Ca peut bien se passer, que ce soit au niveau français ou européen. Par exemple, le EU SME Center, services gratuites aux PME européennes, est cogéré par un certain nombre de chambres européennes, et financé en partie par l'Europe."

Le bon moment : les Chinois à la recherche d'un mode de vie

"Nous sommes dans un climat très propice, notamment avec le cinquantenaire. Il y a tous les jours des autorités locales chinoises qui nous contactent pour qu'on amène des entreprises françaises chez eux, même si cette demande ne se matérialise pas toujours derrière avec des vrais projets. Je pense que c'est le bon moment pour nous, depuis quelques temps déjà. Ce n'est pas nouveau. Pas seulement parce que c'est le cinquantenaire, mais du fait de l'étape de développement dans laquelle est la Chine aujourd'hui. On est dans une étape où la Chine est moins tournée seulement vers l'extérieur, mais sur sa consommation intérieure, et elle se pose des questions sur sa société, sur ses goûts, sur ses loisirs. En terme de marché et de business, les Chinois ont toujours autant besoin de machines, mais aussi d'un mode de vie. Et c'est vrai que le mode de vie à la française, ça les fait plus rêver que le mode de vie allemand. Ca va nous permettre de redéployer d'autres centres d'excellence comme les nouvelles technologies, sur l'industrie etc.

Dans certains domaines, c'est trop tard. Enfin, ça aurait été mieux d'être là avant, parce que les gens ne vous ont pas attendus, par exemple pour les cosmétiques. Maintenant, on n'en est plus au marché el dorado, où toute idée jetée en l'air va marcher. Maintenant, il faut arriver au niveau 2 de sophistication pour réussir, et il faut bien réfléchir à l'exécution derrière. Parce que la Chine s'est quand même fermée à bien des égards, au niveau des visas, de l'accueil des étrangers, des financements étrangers… Donc il faut se poser des questions sur la légitimité de sa stratégie, et honnêtement, ça ne se fait pas depuis la France, ça ne se fait qu'en étant ici, et il faut savoir si on a les moyens de ses ambitions parce que l'exécution prend du temps. N'importe quelle société peut prendre plusieurs mois, plusieurs années, pour être rentable sur le long terme.

Sur 1,3 milliards de Chinois, plus de la moitié n'a pas encore accédé à la classe moyenne ! Mais c'est complexe, et jusqu'à présent, le développement n'a pas toujours été durable, que ce soit au niveau social ou environnemental. Aujourd'hui, c'est aussi le rôle d'un pays comme la France d'essayer d'amener cette dimension-là, et de se distinguer comme le partenaire sur des villes nouvelles ou sur des avancés sociales au sein des entreprises."

Propos recueillis par Joseph Chun Bancaud (lepetitjournal.com/pekin) Lundi 21 avril 2014

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Publié le 20 avril 2014, mis à jour le 21 avril 2014

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