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LYS - Découvertes et Croisements pour le groupe rennais

Écrit par Lepetitjournal Pékin
Publié le 7 mai 2014, mis à jour le 8 mai 2014

Les musiciens de LYS n'avaient encore jamais mis les pieds en Chine. Dans le cadre du festival Croisements, le jeune quatuor pop/rock, en plein mixage de son deuxième album, a pu pendant 12 jours, enchaîner les concerts à Shanghai puis Pékin, et vivre cette expérience de "l'ailleurs", quand chaque seconde devient l'objet de découvertes, avec un pays qui n'est jamais tel qu'imaginé depuis la France, avec deux mégalopoles ressenties différemment, et avec un public nouveau, enthousiaste et respectueux. Nicolas Veron, 28 ans (leader, chant et guitare), Manon Brehu, 20 ans (basse), Brendan Costaire, 35 ans (batterie), et Anthony Marrec, 23 ans (guitare), entre deux concerts, les yeux ouverts, nous livrent leurs premières impressions sur cette escapade musicale.

Le groupe LYS sur scène au Midi festival de Pékin le 3 mai, devant leur nouveau public. Dans l'ordre, de gauche à droite : Manon Brehu, Nicolas Veron, Brendan Costaire et Anthony Marrec (photo Gildas Lusteau)

Lepetitjournal.com/pekin : Pour tous, c'est votre première fois en Chine. Avant de venir, qu'est-ce que vous vous imaginiez trouver ici ?

Nicolas Veron : C'était un peu l'inconnu pour moi, en fait. Je suis arrivé très neutre.

Brendan Costaire : Moi, c'était un peu pareil. Peut-être, je m'imaginais beaucoup, beaucoup plus de monde que ce que j'ai vu. J'avais en tête un endroit où ça bouillonne 24h sur 24. Des gens partout, au boulot, au taquet. Alors que, des fois on s'est couché un peu plus tard, et il y a des endroits déserts. Ça dort quand même.

Manon Brehu : Je ne m'étais pas trop renseignée non plus. Je suis parti comme ça, à l'aventure. Mais je pensais que ça allait être plus stricte. Après je ne suis pas Chinoise, donc je ne peux pas vraiment me rendre compte. De toute façon, nos textes ne sont pas politiques. Ca parle beaucoup d'émotions, en général. Je m'attendais à voir aussi tout le monde porter des masques, à cause de la pollution.

Nicolas : On s'attendait aussi à avoir tous la diarrhée, et finalement non. Ah si ! Brendan. [rires]

Brendan : Une légère le premier jour, due au changement d'alimentation.

Anthony Marrec : Moi, je m'attendais à voir un peu plus de pousse-pousse [rires]. Non, mais c'est vrai.

Nicolas Veron (premier plan) et Anthony Marrec, lors du concert au Temple bar, le 3 mai (photo JCB)

Ce qui semble montrer qu'en France, un Français qui n'est pas forcément intéressé par la Chine, ne sait au final pas grand chose sur ce pays.

Nicolas : Oui. On avait l'image de la Muraille de Chine, forcément.

Manon : Des temples, des traditions… C'est tellement grand la Chine, il y a plein de cultures différentes.

Brendan : C'est vrai que ça te fait prendre du recul, et tu te rends compte qu'en France, dans les médias de manière générale, la Chine, on n'en parle pas vraiment.

Manon : À part quand il y a un tremblement de terre...

Nicolas : On en parle un peu en ce moment quand même, économiquement.

Après 10 jours en Chine, quelles surprises avez-vous eu, quels moments forts retenez-vous ?

Nicolas : C'est encore frais, mais on a pris une grosse claque au Midi festival. Pour ma part en tout cas. Au niveau du public, l'engouement qu'il y avait.

Manon : Un public vraiment expressif.

Nicolas : Et très réactif. Tu sens que dès que tu fais un geste, dès que tu frappes des mains, ils réagissent.

Manon Brehu, lors du même concert (photo JCB)

C'était pourtant un public qui ne connaissait pas votre musique a priori…

Anthony : Peut-être quelques-uns, mais bon…

Nicolas : En tout cas, un public décomplexé. Ils sont plutôt contents de voir des groupes de rock, pas forcément français, mais européens. Ils ont une curiosité ! On l'a ressentie après les concerts, on a pris je ne sais pas combien de photos.

À la sortie de la scène, vous avez fait 100m en une demi-heure ?

Nicolas : Ah bah tous les mètres, on s'arrêtait pour faire des photos, que ce soit à Shanghai ou à Pékin.

Et ça, c'est une expérience plutôt agréable ou envahissante?

Nicolas : C'est marrant. Ce n'est pas envahissant parce qu'ils sont respectueux.

Brendan : Oui, c'est fait de manière super simple et ils te laissent tranquille après. Ils ne se mettent pas à côté, à prendre la photo. A chaque fois, ils te demandent, ils le font, et ils remercient.

Manon : Et puis on n'est pas non plus habitué, donc ça fait toujours plaisir.

Nicolas : On a même eu une fan qui est venue exprès de Corée du Sud, pour le concert au Temple Bar, et elle revient ce soir, au Au Goulot. C'est touchant.

LYS (photo JCB)

J'imagine que vous lui parliez en anglais. Mais est-ce que vous avez eu des échanges avec le public chinois ?

Nicolas : Un peu avec les organisateurs et les autres musiciens, mais pas vraiment avec le public en fait. C'est aussi parce qu'ils ne parlent pas trop anglais.

Brendan : Mais Nicolas leur a parlé un peu en chinois par contre.

Justement, avec quels mots de chinois repartez- vous en France ?

Manon : Feichang ganxie [merci beaucoup], pour changer de xiexie [merci] tout le temps.

Anthony : Moi, c'est nihao [bonjour]

Nicolas : Haobuhao, ça veut dire bien ou bien je crois.

Brendan Costaire  (photo JCB)

Vous avez déjà une expérience des festivals, quelles différences avez-vous vues en Chine ?

Nicolas : Déjà, le public n'est pas hétérogène. Ce ne sont que des Chinois. Ca, c'est une différence visuelle. Ensuite, encore une fois, c'est l'ambiance. Le public est très dynamique. C'est peut-être aussi dû à l'histoire de la Chine. Ca ne fait pas si longtemps que ça qu'ils sont ouverts sur ce genre de musiques actuelles. Je pense que du coup, vu que c'est nouveau, il y a une ferveur qui est nouvelle aussi, qu'on ressent plus. Le public est peut-être moins exigeant, quoique non. Mais il est moins... je ne sais pas comment dire…

Moins blasé ?

Nicolas : Oui voilà, moins blasé. Et c'est appréciable.

Et au niveau du matériel technique, y a-t-il des différences ?

Tous : Non.

Brendan : Non, même techniquement, c'est super réactif.

Vous n'avez pas souvent, j'imagine, l'occasion de voir des groupes chinois. Est-ce que vous avez pu en écouter quelques-uns aux festivals ?

Brendan : Oui, on a vu de très bons musiciens.

Nicolas : Comme partout, on a vu de tout. Le groupe avant nous, au Midi Beijing, dans le style Two door cinema club, était bien foutu. Bien en place et très efficace. Mais sinon y'a un côté un peu variété quand même, qui moi, me plaît moins.

Manon : Et ils jouent beaucoup sur leur apparence aussi. Le côté scénique, visuel. Ça, ça peut casser un peu le truc. Après, musicalement, ils sont très forts.

Toujours dans les différences, est-ce que vous avez senti une différence entre Shanghai et Pékin ?

Manon : Carrément ! Shanghai, je n'ai pas trouvé ça très joli. Quand on a fait un trajet en taxi d'une heure et demie, il y avait des immeubles partout.

Nicolas : On n'a rien vu non plus.

Manon : Oui, mais sur ce que j'ai vu, ça fait un peu peur. C'est très grand, on ne sait pas où est-ce que ça s'arrête. Pékin, d'après ce que j'ai vu, mélange la tradition et le moderne. C'est un peu plus vert aussi. À Shanghai aussi, j'ai l'impression qu'ils sont plus impressionnés de voir des étrangers qu'à Pékin, comme s'il y avait plus d'expatriés à Pékin.

Normalement non.

Manon : C'est pourtant ce que j'ai ressenti. On se fixe moins sur nous ici, alors qu'à Shanghai, les gens s'arrêtaient et nous regardaient.

Anthony : Mais on n'a pas été dans le centre à Shanghai. Notre hôtel était pas loin du Salud, c'était vraiment, apparemment, la banlieue très extérieure de Shanghai [dans le district de Jiading].

Nicolas : On n'imaginait vraiment pas que c'était aussi grand. Une heure et demie de trajet, alors que c'est toujours la même ville, on était assez surpris.

Anthony Marrec (photo JCB)

Votre programme en Chine, à part les concerts, qu'est-ce que c'était ?

Nicolas : Beaucoup de KTV le soir, à Shanghai en tout cas [rires].

Manon : La Grande muraille de Chine, et puis le temple des Lamas tout à l'heure.

Brendan : Concrètement, on a eu juste hier et aujourd'hui pour visiter. Ce sont les 2 seuls jours où on a eu le temps. Surtout que les hôtels étaient parfois excentrés.

Nicolas : Et à Beijing, la navette du Midi a aussi eu une panne d'essence, au milieu de l'autoroute. Donc c'était cool [rires]. Le chauffeur n'était pas énervé, il a appelé, et au bout d'une demi-heure, une autre personne est venue pour nous prendre, et nos bagages sont arrivés un peu plus tard.

Brendan : Mais au final, depuis le début, on a affaire à des situations un peu étranges, inhabituelles et différentes. Avec en plus la barrière de la langue. Donc on s'est dit que ça allait être un peu plus compliqué, un peu différent. Du coup, on était relax, et pareil pour la panne d'essence…

En 2010, en Angleterre, vous aviez fait la rencontre très importante de Steve Hewitt, ancien batteur de Placebo, qui vous un peu pris sous son aile, et vous a invités en première partie de sa tournée européenne en 2011. Le festival Croisements, c'est aussi un espace de rencontres, alors quelles rencontres retenez-vous cette fois ?

Nicolas : Les Chinois du Midi qui s'occupaient de nous et qui parlaient anglais. Le croisement, c'est la confrontation de deux cultures, et on essaie de partager des choses.

Manon : Mais on ne peut pas parler de tout ici. J'ai déjà essayé, et ça ne marche pas. Au Midi festival, j'ai rencontré un Chinois, et on avait bien parlé ensemble. Il voulait me rajouter sur un réseau social, et moi, je lui ai dit : "Désolé, je ne connais que Facebook". Il m'a dit qu'ils n'avaient pas les mêmes réseaux ici. Je sais que le gouvernement en coupe certains. Puis il m'a dit : "De toute façon, le gouvernement ne pense qu'à l'argent". J'ai essayé du coup de parler un peu de politique, de Mao. Mais il m'a fait : "J'ai plus trop de temps". Il a mis fin à la conversation. J'ai senti là qu'on ne pouvait pas trop parler de ça.

Nicolas : Autre exemple, avec Bren, on est passé devant une nana qui avait un T-shirt qui nous a bien fait marrer : "I don't need sex, i'm fucked by the government already" [Je n'ai pas besoin de sexe, je me fais déjà niquer par le gouvernement]. Et du coup, on a voulu le prendre en photo, et on lui a demandé de montrer le t-shirt en entier. Et elle n'a pas osé.

Brendan : Oui, il y a un côté assumé à moitié seulement.

Manon : En même temps, ça ne peut pas changer du jour au lendemain, c'est normal.

LYS, concert au Temple bar (photo JCB)

Vous représentez aussi la France. Qu'est-ce que vous espérez que les Chinois vont retenir de la France. Avec votre nom de goupe, LYS, est-ce que vous êtes venus représentez la royauté française ?

Nicolas : Oui, oui, je suis assez fan de De Villiers, tout ça…[rires] Non, non. Le choix du nom, c'est une question toujours délicate. Quand tu crées un projet, tu cherches, tu cherches, il y a plein de choses qui existent déjà. Et puis un moment, j'ai lu un poème de Rimbaud qui s'appelle Lys. Je ne connais pas tous ses poèmes, mais j'aime bien certains d'entre-eux, et ça collait bien à l'univers du groupe, un peu rock mélancolique aérien. Et je voulais justement quelque chose de court, efficace, parce qu'il y a toujours des erreurs dans les médias avec les noms à rallonge.

Sinon, je veux que les Chinois se disent : "Tiens, les Français sont bons dans ce style de musique pop/rock". J'ai vu que sur Douban, l'équivalent de Myspace un peu ici, il y a déjà des commentaires sur nos prestations. Ils écrivent notamment en anglais. Awesome, amazing… Donc c'est plutôt positif.  Peut-être laisser aussi une forme de relaxation, par rapport à un premier abord un peu strict. Ca avait l'air de leur plaire de voire des personnalités exubérantes, détendues.

Manon : Moi, ce serait prouver aussi qu'une fille peut être dans un monde, le rock, qui est un monde un peu de mecs.

Nicolas : J'ai pas l'impression que ce soit un monde de mecs. Il y a beaucoup de mec, mais il y a quand même beaucoup de nanas dans ce milieu maintenant.

Manon : Maintenant… mais avant, non. Je veux montrer aussi qu'on peut choisir son destin.

Brendan : Je n'avais pas vraiment pensé à ça. Je ne m'étais pas dit que j'allais laisser quelque chose aux Chinois, à part des yuans [rires]. Après, j'ai aidé une jeune Chinoise dans un restaurant à ouvrir une bouteille de vin.

Nicolas Veron (photo JCB)

Dernière question, si vous deviez choisir un mot pour qualifier la Chine que vous avez découverte, quel serait-il ?

Manon : Dépaysant

Nicolas : Fou

Anthony : Moi, je dirais cool.

Brendan : Taré, mais dans le sens positif. Vraiment le côté où il se passe plein de choses, tu sens que ça bouge dans le pays. J'ai eu l'impression que tout était un peu sur le fil, mais au final, ils ne stressent pas, et tout se boutique bien. Nous, en France, on est un peu plus, ou on donne l'impression d'être un peu plus, conventionnels, organisés. Mais eux, on a l'impression que tout est un peu borderline. Mais en fait, tout finit par s'imbriquer, et ça passe. Et puis on n'y peut rien, ça fonctionne comme ça. Le croisement, il est là aussi. Ils fonctionnent comme ça, donc on doit s'adapter.

Propos recueillis par Joseph Chun Bancaud (lepetitjournal.com/pekin) Jeudi 8 mai 2014

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Publié le 7 mai 2014, mis à jour le 8 mai 2014

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