Le Premier ministre Édouard Philippe est venu rencontrer lundi en Nouvelle-Calédonie, l'ensemble des forces politiques, au lendemain d'un référendum d'autodétermination qui a vu la victoire du maintien dans la France, malgré une forte percée des indépendantistes.
Édouard Philippe, arrivé du Vietnam avec la ministre des Outre-mer Annick Girardin, doit s'entretenir avec chacun des groupes siégeant au Congrès de la Nouvelle-Calédonie, puis se rendre dans le Nord pour rencontrer deux figures des indépendantistes, Paul Néaoutyine président de la province Nord et Daniel Goa, président de l'Union Calédonienne.
Le chef de gouvernement, dont c'est la deuxième visite sur le Caillou, doit s'exprimer en fin de journée devant la presse (lundi matin à Paris).
Il entend poursuivre le dialogue engagé depuis 30 ans après la quasi guerre civile des années 80 entre les Kanak, peuple autochtone du territoire, et les Caldoches, population d'origine européenne, et discuter de l'avenir de ce territoire stratégique, qui dispose d'importantes réserves de nickel et représente le dernier territoire européen dans la zone suite au Brexit.
M. Philippe envisage la tenue d'une réunion commune de l'ensemble des partis politiques "d'ici la fin de l'année", a indiqué Philippe Gomès, leader du parti non indépendantiste Calédonie Ensemble, à l'issue de sa rencontre avec le Premier ministre.
La Nouvelle-Calédonie a choisi dimanche de rester dans le giron français avec 56,4% des voix lors d'un référendum d'autodétermination historique. Mais avec 43,6% des voix, les indépendantistes, que les sondages donnaient largement perdants, ont créé la surprise et conforté leur position, modifiant en leur faveur le rapport de force avec les non indépendantistes.
Les électeurs ont montré "qu'ils n'avaient pas envie de clivage et que ce pays de plus en plus se rapproche des médianes plutôt que des gros clivages.
C'est un coup de pied d'âne à des dirigeants politiques trop optimistes qui auraient bien aimé voir un tel écart", a estimé Jean-Pierre Aïfa, membre du Comité des Sages, instance créée pour veiller à la sérénité du scrutin.
La participation a été massive, avec 80,63 % de votants. "Aucune irrégularité significative n'a été de nature à altérer la régularité et la sincérité du scrutin", a indiqué lundi matin le président de la commission de contrôle, Francis Lamy.
Quelques incidents ont émaillé la soirée. Dans les quartiers nord et à Saint-Louis, tribu aux portes de Nouméa, la circulation sur la route principale restait interrompue lundi, en raison de pneus enflammés par des jeunes.
Dimanche, dès la proclamation des résultats, le président de la République Emmanuel Macron, a dit son "immense fierté que nous ayons passé ensemble cette étape historique" et que "la majorité des Calédoniens ait choisi la France".
Il a ajouté qu'il n'y avait désormais "pas d'autre chemin que celui du dialogue".
Préparer la mariée
Forts de leur score, les partisans d'une rupture avec la métropole ont dès dimanche soir réaffirmé leur volonté d'aller jusqu'au bout de l'accord de Nouméa (1998) et de demander l'organisation de deux autres référendums dans les quatre ans à venir, comme prévu par l'accord.
"Maintenant s'ouvre une deuxième période (...), nous sommes persuadés au vu de ses résultats que le projet du FLNKS est bien une alternative", a souligné Roch Wamytan, chef du groupe UC-FLNKS et nationalistes au Congrès. "Nous ne sommes pas au crépuscule de notre revendication, au contraire".
Pour Louis Mapou, chef du groupe UNI-FLNKS au Congrès, "les indépendantistes sont encore plus motivés qu'avant pour demander le deuxième et troisième référendum. Dès demain, on va préparer la mariée pour qu'elle soit encore plus belle en 2020".
Saluant la "défaite honorable" des indépendantistes, Philippe Gomès note qu'"il y a 18.000 voix d'écart quand même, donc un référendum en 2020 c'est pas non plus la multiplication des pains".
Les trois partis loyalistes, très divisés, avaient mis en avant la protection qu'apporte la France et les 1,3 milliard d'euros d'aides annuelles, espérant qu'une large victoire éloigne la perspective de nouveaux référendums.
Selon Sonia Backès, présidente du groupe Les Républicains au Congrès, ces nouveaux scrutins vont apporter "quatre ans d'instabilité" pour la Nouvelle-Calédonie. Elle a lancé un appel à l'union des loyalistes "pour en finir avec les errements de ces dernières années, qui ont conduit à ce que les indépendantistes ne reculent pas".
Pour Pierre-Christophe Pantz, docteur en géopolitique, il est "clair qu'on ne discute pas de la même manière quand on fait 43% plutôt que 30%". "Cela va forcer les non-indépendantistes à revoir leur copie", ajoute l'expert.
Le référendum était l'aboutissement du travail de réconciliation entre les Kanak et les Caldoches, entamé avec les accords de Matignon de 1988. Ces accords avaient été signés après les violences des années 1980, qui avaient culminé avec la prise d'otages et l'assaut de la grotte d'Ouvéa en mai 1988 (25 morts).