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Connaissez-vous le "Turc mécanique" ?

turc mécaniqueturc mécanique
Gravure de Karl Gottlieb von Windisch dans le livre "Raison inanimée", 1783
Écrit par Lepetitjournal Istanbul
Publié le 27 mars 2023, mis à jour le 12 octobre 2023

L'appellation peut laisser dubitatif. Appareil électroménager improbable ? Nouvelle danse robotisée ? En réalité, le "Turc mécanique", tombé aux oubliettes de nos jours, était une véritable célébrité à la fin du XVIIIème siècle. Napoléon Bonaparte, Catherine II de Russie et Benjamin Franklin ont même perdu contre lui. Pendant près d'un siècle, il a fasciné tout l'Occident, voyageant à Paris, Londres, Amsterdam, poussant jusqu'à New York, Philadelphie et même La Havane. Il est devenu le sujet d'un essai écrit par Edgar Allan Poe en 1836, intitulé Le Joueur d'échecs de Maelzel.

Créé en 1769 par le Hongrois Johann Wolfgang von Kempelen, le Turc mécanique est en fait un automate jouant aux échecs. Un mannequin enturbanné, vêtu d'une robe traditionnelle, assis derrière une table-boîte sur laquelle repose un échiquier. Il semble jouer automatiquement et a défié les plus grands joueurs de son époque. Son mécanisme unique, comparé à de la magie, est resté secret pendant des dizaines d'années. Il a suscité nombre doutes et interrogations et le fin mot de l'histoire (c'est-à-dire qu'il y a bien un humain caché dans le meuble, manipulant le mannequin) sera finalement révélé par Silas Mitchell, fils de son dernier acquéreur, bien après la destruction accidentelle de l'invention.

Le secret de la supercherie

Mais reprenons du début. Le canular de Kempelen commence en 1770 lorsque le Turc mécanique est présenté au Palais de Schönbrunn, à la cour de Marie-Thérèse d'Autriche. Il gagne contre son tout premier adversaire, le comte Johann Ludwig von Cobenzl. Le Turc peut même hocher la tête s'il met le roi de son adversaire en échec, et n'hésite pas à replacer correctement une pièce si l'on tente malhonnêtement de le tromper.

 

turc mécanique

 

Pour induire le public en erreur, des portes s'ouvraient sur les côtés du meuble, dévoilant des mécanismes complexes d'horlogerie. Or l'opérateur, assis confortablement sur un siège coulissant, pouvait glisser d'un côté à l'autre du meuble, cachant la supercherie humaine derrière le faux mécanisme. Ainsi, nombre de savants ont tenté sans succès de comprendre le fonctionnement habile du Turc, schémas à l'appui. En réalité, le joueur à l'intérieur de la machine actionnait le bras du mannequin à l'aide de leviers et d'un pantographe, sorte de dispositif articulé ; et les pions du jeu se mouvaient grâce à des aimants.

Tous furent bluffés et Kempelen entreprit un tour du monde pour présenter son oeuvre grandiose. Un peu à contre-coeur d'abord (sans doute avait-il peur que les grands de ce monde ne découvrent sa supercherie), il accède finalement à la demande de Joseph II du Saint-Empire romain germanique et expose le Turc à Vienne en 1781. Il joue ensuite à Paris contre François-André Danican Philidor, considéré comme le meilleur joueur d'échecs de son époque. Ce dernier remporte la partie, saluant tout de même les qualités de son adversaire.

Vainqueur de Bonaparte...

À la mort de Kempelen en 1804, le Turc est racheté par Johann Maelzel, et affronte Napoléon Bonaparte en 1809. Le récit de cette partie historique est sujet à controverse, mais dans toutes les versions, c'est notre cher automate enturbanné qui gagne. Maelzel rajoute même une boîte vocale qui permet au Turc de dire "échec et mat" dans les années 1820 : il remporte 45 victoires, trois défaites et deux matches nuls.

Le Turc vogue alors vers le Nouveau Monde et affronte à Baltimore Charles Carroll de Carrollton, signataire de la Déclaration d'Indépendance des États-Unis. Mais l'histoire tourne court quand l'opérateur de la machine meurt de la fièvre jaune lors de la tournée cubaine. Maelzel meurt à son tour dans la traversée vers l'Europe et le Turc mécanique, vendu au Musée Peale de Baltimore, disparaît dans un tragique incendie en 1854.

 

Sarah Bacqué 

Cet article a été publié une première fois en janvier 2014

lepetitjournal.com istanbul
Publié le 27 mars 2023, mis à jour le 12 octobre 2023

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