Fabien Penone est le nouvel Ambassadeur de France en Indonésie mais aussi auprès de l’ASEAN et du Timor Oriental. Lepetitjournal.com Jakarta l’a rencontré pour recueillir ses premières impressions.
Début avril, vous avez pris vos fonctions d’Ambassadeur de France en Indonésie, vous étiez auparavant Ambassadeur de France en République de Corée. La région ne vous est pas inconnue. Quelles sont vos premières impressions ?
Je suis très heureux de revenir en Asie et d’être affecté en Indonésie, pays clef de l’Asie du Sud-Est. C’est bien sûr une région très différente de l’Asie du Nord-Est que j’ai découverte lorsque j’étais Ambassadeur en Corée du Sud.
La croissance et la place essentielle qu’occupe désormais l’Indonésie dans le développement de l’Asie du Sud-Est et sur la scène internationale en font une priorité pour la France. Je viens d’arriver et j’en ai déjà la confirmation : de par sa taille, sa diversité et son dynamisme, l’Indonésie sera de plus en plus centrale.
Sur un plan plus personnel, j’ai déjà eu le plaisir de rencontrer de nombreux Indonésiens, aussi bien des représentants des autorités que des membres de la société civile, et j’ai toujours été accueilli chaleureusement. J’ai également rencontré un grand nombre de nos compatriotes à Jakarta, à Bali et à Bandung et je les remercie pour leur accueil et les échanges que nous avons eus.
Comment analysez-vous la relation France - Indonésie ? Quels sont les enjeux de cette relation ?
Le renforcement du partenariat avec l'Indonésie est une priorité pour la France. Le Président de la République, la Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères et les autres membres du gouvernement le rappellent régulièrement. Le Président de la République l’a redit au Président indonésien en marge du Sommet du G7 à Hiroshima.
L’Indonésie est importante pour nous pour quatre raisons au moins.
Par sa taille, sa population, son poids économique et la rapidité de son développement, l’Indonésie est aujourd’hui centrale sur la scène internationale. Elle est déjà la 16ème puissance économique mondiale et va continuer à progresser très rapidement dans les classements pour occuper toute la place qui lui revient naturellement.
Deuxièmement, le rôle de l’ASEAN est de plus en plus important ; l’organisation renforce ses relations avec les autres régions du monde, en particulier l’Europe, et la coopération entre ses membres s’approfondit. Dans le même temps, la place de l’Indonésie au sein de l’ASEAN continue de se renforcer. Nous le voyons cette année avec la présidence assurée par Jakarta.
Troisièmement, dans le contexte géopolitique actuel, alors que l’Asie du Sud-Est est soumise à des tensions, l’Indonésie s’emploie, par le dialogue, à favoriser la paix et la stabilité. La France, en tant que nation de la région Indopacifique, partage les mêmes objectifs que l’Indonésie ; nous souhaitons éviter la montée des confrontations.
Enfin, l’Indonésie a un rôle important à jouer et des responsabilités nouvelles sur l’ensemble des enjeux globaux, comme la santé, le numérique, les questions maritimes, la biodiversité et le climat. Nous souhaitons davantage travailler avec les autorités indonésiennes pour apporter des réponses aux défis multiples auxquels nous sommes confrontés. D’importantes négociations multilatérales sont en particulier en cours et nous avons besoin du soutien de Jakarta pour les faire avancer.
Quels sont les dossiers importants que vous souhaitez voir évoluer durant votre mission en Indonésie ?
Nous allons travailler selon trois axes.
D’abord, continuer à approfondir le dialogue franco-indonésien, au niveau des autorités politiques comme à celui des hauts fonctionnaires. De nombreuses rencontres ont eu lieu l’année dernière, à l’occasion notamment de la présidence indonésienne du G20. Nous allons poursuivre ce mouvement, avec des visites dans les deux sens. Je souligne que les chefs d’Etat français et indonésien s’entretiennent régulièrement, il y a quelques jours encore en marge du Sommet du G7 à Hiroshima. Je me réjouis aussi du déplacement récent d’une délégation du groupe d’amitié France-Indonésie du Sénat à Jakarta et à Bali. Des entretiens ont été organisés avec quatre ministres, ainsi qu’avec des membres de la chambre des députés et du sénat en Indonésie. Le Ministre indonésien de l’Education, de la Culture, de la Recherche et de la Technologie, que j’ai accompagné, vient également d’effectuer une visite en France et a rencontré ses homologues français.
Ensuite, renforcer et diversifier nos relations commerciales et d'investissements. Un nombre important d’entreprises françaises travaillent déjà avec l’Indonésie ou y sont installées. Je me réjouis en particulier de la qualité, de la diversité et du dynamisme du tissu entrepreneurial français. On pense naturellement aux grandes entreprises comme Eramet, L’Oréal, Decathlon, Danone et Michelin. Je veux aussi saluer les petites et moyennes entreprises et les nombreux entrepreneurs individuels présents en Indonésie. Toutes ces entreprises investissent, créent des emplois, effectuent des transferts de technologie et mènent des activités de formation professionnelle. La création récente d’un réseau des acteurs français dans le secteur des nouvelles technologies et du numérique, regroupés au sein de la communauté French Tech Indonésie, témoigne de la vitalité de la présence économique française dans le pays. En France aussi, nos entreprises prennent davantage conscience de l’importance croissante de l’Indonésie, comme marché, comme base de production, comme plateforme pour l’exportation. Avec les conseillers du commerce extérieur et la chambre de commerce et d’industrie, ainsi que les services de l’ambassade, dont le bureau de Business France, nous souhaitons faire davantage pour les accompagner et les conseiller.
Enfin, développer la coopération culturelle, scientifique et universitaire. La France mène déjà des coopérations anciennes et variées avec l’Indonésie. Nous disposons aussi d’un important réseau d’instituts et d’alliances à travers le territoire indonésien. Nous pouvons faire davantage pour porter cette coopération à la hauteur du potentiel de nos deux pays. Nous devons favoriser la mobilité étudiante, mettre en place de nouveaux partenariats entre universités et institutions de recherche françaises et indonésiennes, lancer des coopérations dans les secteurs d’avenir où nous avons des intérêts communs – je pense notamment aux industries culturelles et créatives comme le jeu vidéo, la mode, le design, le cinéma ou la musique. En renforçant notre coopération culturelle, scientifique et universitaire, nous contribuerons aussi à une meilleure connaissance entre nos deux populations et nous créerons de nouveaux réseaux humains, qui favoriseront le développement de la relation bilatérale, y compris sur le plan économique.
Comment mieux prendre en compte la diversité entrepreneuriale de la communauté française ?
Je vous l’indiquais plus tôt, la diversité de la communauté entrepreneuriale française en Indonésie est une richesse et une chance : sont à la fois présentes en Indonésie des grandes, des moyennes et des petites entreprises ; il y a aussi de nombreux entrepreneurs individuels. Je souhaite que nous travaillions ensemble pour mieux nous faire connaître et accroître notre visibilité auprès des Indonésiens. Il y a de multiples secteurs porteurs ; je pense à l’économie maritime, au numérique, à la transition énergétique et environnementale. Prenez par exemple la gastronomie et l’art de vivre, secteur dans lequel de nombreux compatriotes travaillent. Dans un pays où la classe moyenne est de 50 millions d'habitants et se développe rapidement, les opportunités pour nos entreprises vont se multiplier. Nous allons ainsi organiser en octobre prochain une Semaine de la gastronomie française en Indonésie. Dans tous les domaines, l'ambassade est à la disposition des entreprises françaises pour les aider et les soutenir dans leurs projets et en cas de difficultés.
Vous êtes également Ambassadeur de France auprès de l’ASEAN et du Timor Oriental. Pouvez-vous nous parler des liens entre la France et l’ASEAN, et ce qu’apporte le partenariat signé en 2020 avec l’association. Par ailleurs, quels sont les enjeux et défis de la relation France - Timor Oriental ?
Comme je le disais précédemment, et compte tenu de sa place centrale au sein de la région Indopacifique, l’ASEAN est une priorité politique pour nous. Les relations entre la France et l’ASEAN sont donc en train de se renforcer. Nous le faisons de manière concrète et dans un esprit de confiance avec le Secrétariat et les Etats membres de l’ASEAN. La France est devenue partenaire de développement de l’ASEAN en 2020 et nous nous sommes accordés sur un plan d’action en 2022. Nous nous employons désormais à mettre en œuvre des projets de coopération dans le cadre de ce plan d’action. Nos moyens consacrés à ce partenariat devraient aussi augmenter.
Concernant le Timor Oriental, nous souhaitons consolider la relation qui est très bonne au plan politique, forte notamment des valeurs démocratiques que nous partageons. Notre objectif est de continuer à y renforcer notre coopération dans des secteurs clefs, comme l’accès à l'eau et le développement durable. Nous encourageons aussi nos entreprises à examiner les opportunités économiques.
Vous avez déjà rencontré une partie de la communauté française installée à Jakarta : entrepreneurs, conseillers du commerce extérieur, lycée français… Vous êtes allé à la rencontre de celles de Bali et de Bandung. Quels sont les premiers sujets de travail mais aussi d’inquiétude que vous avez rencontrés au sein de ces communautés ?
Je tiens à remercier l’ensemble de nos compatriotes pour l'accueil chaleureux que j’ai reçu partout. Les Français qui sont en Indonésie ont le désir de promouvoir et de faire connaître leur pays. Il existe une réelle solidarité entre eux. L'intérêt croissant en France pour l'Indonésie conforte aussi leur mobilisation. Nous allons continuer, avec l'ensemble des services de l'ambassade, à être plus présents, surtout après la période de la Covid-19 qui a été éprouvante pour tous et a pu contribuer à distendre les liens entre nous. Je tiens à saluer en particulier l’action des Conseillers des Français de l’étranger pour animer et accompagner la communauté française en Indonésie. Je sais aussi le rôle important de nos lycées et de nos associations, à l’exemple du Petit Journal.
Je prévois de me déplacer chaque mois dans une ville différente d’Indonésie pour y promouvoir la France et y rencontrer la communauté française. Je m’appuierai notamment sur notre réseau culturel et consulaire, les alliances françaises, les instituts français et les agences consulaires. Je suis déjà allé à Bali et je reviens de Bandung. Je souhaite que ces visites soient l’occasion d’échanger avec nos compatriotes sur leurs actions et leurs attentes. J’ai à cœur de les rencontrer.
