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Campagne présidentielle turque : l'instrumentalisation des réfugiés syriens

Syriens Turquie instrumentalisationSyriens Turquie instrumentalisation
Dans le quartier Balat (Fatih)
Écrit par Layam Robert
Publié le 21 mai 2023, mis à jour le 21 mai 2023

La question des réfugiés syriens est importante dans la rhétorique politique, qu’il s’agisse du président Erdoğan ou de son rival, Kemal Kılıçdaroğlu​. Dans la période de l’entre-deux tours, les discours des deux candidats se sont considérablement durcis à l’égard des étrangers, et notamment de la communauté syrienne vivant en Turquie. La raison en est une probable tentative de récupération des voix gagnées par Sinan Oğan, qui avec son programme tout en nationalisme et anti-immigration, avait su réunir un peu plus de 5% des suffrages au premier tour. Réfléchissant à l’instrumentalisation et au rapport à la politique, nous sommes allés rencontrer des membres de la communauté syrienne à Istanbul, dans le quartier de Balat.

Dès son premier discours de l’entre-deux tours, le leader de l’opposition Kemal Kılıçdaroğlu s’est présenté comme beaucoup plus ferme sur cette question des réfugiés syriens : "Je renverrai tous les réfugiés chez eux dès mon arrivée au pouvoir", a-t-il annoncé. Initialement prévues dans les deux ans suivant son investiture, les expulsions commenceraient donc plus rapidement.

 

Photo de gauche : "Les Turcs dehors" ; photo de droite : "Les Syriens partiront"

 

Entre amertume et ambivalence 

B. est arrivé en Turquie il y a neuf ans ; âgé de trente ans, il travaille pour une entreprise de logiciels informatiques à l’étranger. Selon lui, ces discours "traduisent ce que pensent les Turcs en ce moment". Il ajoute que les actes racistes ont l’air de s’être multipliés dans le pays. D’autant plus depuis le séisme, suite auquel beaucoup de Turcs se sentent moins considérés que les réfugiés syriens dans l’accès aux aides gouvernementales.

B. ne peut pas voter en Turquie, il n’a pas la nationalité. Cependant s’il devait s’exprimer dans les urnes, il aurait tout de même plus d’espoir dans la coalition de Kılıçdaroğlu : "C’est le moins mauvais je pense, il y a trois partis dans la coalition qui sont contre, donc au niveau du parlement ça aiderait, je pense." De toutes manières, pour B, les deux partis veulent son départ. Ce n’est cependant pas l'opinion de tout le monde, B. ajoute : "La grande majorité des Syriens qui ont pu voter, ont voté pour l’AKP, c’est ce parti qui leur a garanti la sécurité et offert la citoyenneté, ils ont vraiment peur, en votant pour l’autre parti, de perdre ces droits-là."

O. est un jeune Syrien de 24 ans ; il est musicien professionnel et donne des cours dans une école. La politique ne l’intéresse pas du tout, il sent cependant que quelque chose a changé : "Dans ma vie de tous les jours, oui, je sens que le racisme a augmenté, mais d’un autre côté, je rencontre tellement de Turcs qui m’aident, qui sont conscients de mon problème." O. se rappelle une confrontation ayant eu lieu plusieurs jours auparavant : "Je jouais de la guitare dans la rue, un homme s’est arrêté devant moi, m’a demandé ce que je faisais encore dans son pays. Puis en partant il a donné un coup de pied dans le petit sac où je recueille de la monnaie." Le jeune musicien ajoute : "Les Syriens n’ont de toutes manières pas grand-chose à dire sur la politique turque, on est juste des visiteurs ici, ce n’est pas notre pays."

Une haine qui se répand aussi sur les réseaux sociaux 

Depuis quelques semaines les vidéos à caractère raciste, sur Twitter notamment, se sont multipliées.

 

 

Certaines tiennent d’ailleurs de la fake news, comme nous raconte B. "Il y a eu cette vidéo qui avait beaucoup tourné, juste après le tremblement de terre, on voyait un homme ramasser un téléphone par terre. Le commentaire, c’était quelque chose comme : regardez ce Syrien qui vole le téléphone d’une victime du séisme. Plusieurs jours plus tard, on a appris, par l’homme sur la vidéo, qu’il était turc, qu’il était là pour aider, et qu’il avait fait tomber son téléphone."

Pour B, la question des réfugiés a toujours été très présente dans les discours politiques. En tout cas depuis l’arrivée de réfugiés de Syrie. Il ajoute : "De toutes manières, dans des situations de crise, il faut toujours trouver quelqu’un à blâmer. Là, nous sommes les coupables parfaits." Pour lui le problème est autre : "Cette crise a juste à voir avec les politiques économiques du pays et de l’étranger, rien à voir avec des réfugiés."

À une semaine du second et dernier tour des présidentielles turques, le pays est sous tension. La haine attisée par les deux partis semble légitimer de plus en plus de cas de violences, autant physiques que verbales.

 

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