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Coup de colère des retraités français résidant en Italie face à la double imposition

un homme âgé en veste sur son balcon fleuri - mihaly-koles-unsplashun homme âgé en veste sur son balcon fleuri - mihaly-koles-unsplash
Unsplash (Mihaly Koles)
Écrit par Marie-Astrid Roy
Publié le 2 mai 2023, mis à jour le 12 février 2024

Des retraités français résidant en Italie, victimes depuis de nombreux mois de redressements fiscaux par le fisc italien, ont créé un Collectif « pour une équité fiscale européenne » afin d’attirer l’attention du gouvernement français face à l’interprétation inattendue de la convention fiscale existant entre la France et l’Italie, ou du moins des régimes à caractère obligatoires dont ils font l’objet.

 

Les retraités français d’Italie s’unissent pour mieux se faire entendre. Plusieurs d’entre eux, résidant du Nord au Sud de l'Italie et percevant des pensions françaises versées dans le cadre de régimes obligatoires, font l’objet depuis plusieurs mois de redressements fiscaux inattendus par le fisc italien sur leur retraite française en sus de leur imposition française, le tout assorti de sanctions et d'intérêts sur les cinq dernières années.

Après avoir saisi les conseillers des Français de l’étranger en Italie, ces retraités s’organisent en Collectif « pour une équité fiscale européenne ». Leur but : « attirer l’attention du gouvernement français sur les préjudices moraux et financiers qui en découlent et lui demander de clarifier au plus vite cette situation auprès des autorités italiennes compétentes en la matière », indique le Collectif des retraités français d’Italie.

Pour ce faire, ce Collectif représenté par son porte-parole Jean-Claude Charles, lui-même résidant en Sicile, a lancé une pétition en ligne, adressée au Président de la République Emmanuel Macron, la Première ministre Élisabeth Borne, le Ministre de l'Économie Bruno Le Maire et le Ministre de l'Action et des Comptes publics Gabriel Attal, ainsi qu’à Olivier Becht, Ministre délégué auprès de la ministre de l'Europe et des Affaires étrangères chargé du Commerce extérieur, de l'Attractivité et des Français de l'étranger. A ce jour, la pétition recueille près de 240 signatures.

"Il y a urgence, plusieurs retraités français vont avoir leur maison saisie en Italie parce qu’ils n’ont pas les moyens financiers ni de régler les impôts dus ni d'entamer une procédure judiciaire longue et coûteuse", s'inquiète Jean-Claude Charles face à l'absence de support de l'Etat français dans cette situation inopinée.

Convention fiscale bilatérale France-Italie

Il existe bien une convention fiscale bilatérale France-Italie, signée le 5 octobre 1989 et entrée en vigueur le 1er janvier 1992, afin d’éviter la double imposition en matière d’impôts sur le revenu.
Pour chaque catégorie de revenus – notamment pour les pensions -, elle répartit le droit d’imposition de chaque pays et prévoit des mécanismes d’élimination de la double imposition.

 

Articles 18 et 19, que dit la Convention fiscale ?

Les articles 18 et 19 de la convention fixent la répartition du droit d’imposer entre Etat source et Etat de résidence pour les pensions de retraites.
L’article 18 prévoit que « les pensions et autres rémunérations similaires, versées à un résident d’un Etat au titre d’un emploi antérieur ne sont imposables que dans cet Etat » et que « les pensions et autres sommes payées en application de la législation sur la sécurité sociale d’un Etat sont imposables dans cet Etat. »
Selon l’article 19 : « Les pensions versées par un Etat ou l’une de ses subdivisions politiques ou administratives ou collectivités locales (dans le cas de l’Italie) ou collectivités territoriales (dans le cas de la France) à une personne physique, au titre de services rendus à cet Etat, ou à cette subdivision ou collectivité, ne sont imposables que dans cet Etat. »

Comment est interprétée la Convention fiscale entre la France et l'Italie ?

Jusqu’en 2021, les Français résidant en Italie et percevant une pension relevant d’un régime obligatoire de Sécurité sociale étaient imposables en France.
Depuis 2021, des résidents italiens percevant des pensions françaises versées dans le cadre de régimes obligatoires se sont vus réclamés par le fisc italien des impôts sur leur retraite française en sus de leur imposition française, le tout assorti de sanctions et d’intérêts. Ils font l’objet d’une interprétation inédite de la convention fiscale et plus particulièrement des régimes à caractère obligatoires.


Afin d’éclaircir la situation, plusieurs élus ont adressé des questions écrites et des courriers au ministre délégué chargé des comptes publics, à l’instar de la sénatrice des Français établis hors de France Evelyne Renaud-Garabedian et du député de la 8e circonscription des Français de l’étranger Meyer Habib.

Les conseillers des Français de l’Etranger se sont également emparés du problème en interpellant le gouvernement à plusieurs reprises. Sans réponse jugée « satisfaisante », Alexandre Bezardin, conseiller des Français de l’étranger (circonscription Nord de l’Italie) et vice-président de l'Assemblée des Français de l'étranger, insiste sur « la gravité de la situation qui touche des personnes démunies et âgées » et accuse d’ « un abandon total des autorités françaises ».

Lors de la session de mars 2022 de l’Assemblée des Français de l’étranger, Annie Rea, conseillère des Français de l’étranger pour la circonscription Italie du Nord et présidente du groupe Solidaire et Indépendant, a de nouveau interpellé le gouvernement sur cette question. Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères et le ministère de l’Economie et des finances ont répondu que « conformément au 2 de l’article 18 de la Convention susmentionnée, les pensions de sécurité sociale, lorsqu’elles sont versées au titre d’un emploi antérieur privé, font l’objet d’une imposition partagée et non exclusive ».

En pratique, cela signifie que lorsqu’un résident d’un État reçoit une pension relevant d’un régime de sécurité sociale de l’autre État où elle est imposable conformément aux dispositions de la convention, l’État de la résidence du bénéficiaire de la pension a, selon les dispositions de la convention, le droit de les imposer en second.

Cette règle d’imposition partagée et non exclusive n’a été appliquée que depuis récemment. Or l’autorité fiscale italienne l’a également mise en application de façon rétroactive, pour les années encore comprise dans le délai de prescription de 6 ans (contre 3 ans en France) et pour lesquelles elle peut encore agir, assortie par ailleurs de lourdes pénalités pour les retraités visés.

Annie Rea donne l’exemple d’un résident français en Italie, percevant une retraite française de 25.000€ : « Ses impôts en France s’élèvent à 900€, en Italie à 6.000€, qui deviennent 9.000 euros avec sanctions et intérêts pour chaque année depuis 2015, car le fisc italien ne « frappe » qu’en limite de prescription (6 ans) pour encaisser le maximum. Une ardoise de 54.000€ pour les 6 ans. »

Vers une renégociation de la Convention fiscale bilatérale entre la France et l'Italie ?

Un problème similaire s’est produit avec les résidents français en Grèce courant 2018. Une nouvelle convention fiscale entre la France et la Grèce a été signée le 11 mai 2022 à Athènes pour éliminer la double imposition en matière d’impôts sur le revenu. La convention a été ratifiée par le Parlement grec le 20 octobre dernier. En France, la procédure de ratification est en cours.
Le Collectif des retraités français d’Italie espère parvenir aux mêmes fins. En attendant, une éventuelle négociation entre les autorités des deux pays, un moratoire a été sollicité pour les années 2015-2021 sur la taxation des pensions françaises des résidents italiens. A ce jour, sans réponse.

MAR
Publié le 2 mai 2023, mis à jour le 12 février 2024

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