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À Istanbul, comprendre le mouvement des "Mères du samedi"

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Compte Twitter "Cumartesi anneleri" (22 avril 2023)
Écrit par Albane Akyüz
Publié le 24 avril 2023, mis à jour le 10 janvier 2024

Depuis près de 28 ans, des femmes se rassemblent à Istanbul à un rythme quasi hebdomadaire, pour demander aux autorités des explications sur la disparition de leurs proches dans les prisons, dans les gendarmeries ou les postes de police turcs au cours des années 1980-1990.

Si vous vous promenez de temps à autre le samedi sur l’avenue Istiklal, vous avez peut-être déjà été témoin d’un rassemblement de femmes (en majorité) kurdes, arborant des photos (d’hommes principalement), un grand nombre de policiers leur faisant face. En effet, depuis le 27 mai 1995, les "Mères du samedi" ("Cumartesi anneleri" en turc), soutenues par l’Association turque des droits de l’homme, se rassemblent presque chaque samedi à midi sur la place Galatasaray, sous la forme d’une veillée pacifique, réclamant justice pour leurs proches disparus à une époque particulièrement troublée dans le pays.

Les disparitions en question concernent environ 800 personnes, âgées de 12 à 73 ans, des journalistes, syndicalistes, médecins, enseignants ou encore agriculteurs. Ces disparitions ont eu lieu au plus fort de l'insurrection du PKK, après 1984, dans le sud-est du pays.

Ces femmes considèrent que l'État turc n'a jamais enquêté de façon suffisante pour établir la vérité sur leurs disparus, considérés comme opposants politiques, après leur mise en détention par les autorités turques.

Interdiction du mouvement "Mères du samedi" en 2018

Même si les violences policières et interpellations ont régulièrement eu lieu pendant 23 ans, le 25 août 2018 marque un tournant. Alors que le mouvement célébrait son 700ème rassemblement, la police est en effet violemment intervenue pour disperser et interdire la manifestation hebdomadaire des "Mères du samedi", considérant que l'événement était "exploité" par des "groupes terroristes" liés au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

L’affaire a été portée devant la cour constitutionnelle turque qui a conclu, en février dernier, que leur "droit de manifester avait été violé".

Un regain de tensions au printemps 2023

Après avoir été bloqué pendant plus de quatre ans, depuis quelques semaines, le mouvement se réunit à nouveau les samedis sur la place Galatasaray. Mais malgré la décision de la cour constitutionnelle turque, la police a continué de procéder à des arrestations ces derniers samedis, alors que les manifestantes tentaient d’y faire une déclaration de presse.

 

 

Ce samedi 22 avril, dans la déclaration non autorisée par les forces de l’ordre, les "Mères du samedi" souhaitaient souligner le sort qui est le leur, faisant référence aux vacances officielles ("Ramazan Bayramı") : "Alors qu'en cette période, chacun passe du temps avec ses proches ou visite les cimetières, nous sommes à Galatasaray, en ce jour férié. Nous, nous n'avons pas de tombe à visiter. Nous appelons les dirigeants de l'État à remplir leurs obligations concernant la recherche des disparus de détention, à donner une explication sur leur sort, à en punir les auteurs, et à ce que justice soit faite."

En février 2011, le Président Recep Tayyip Erdoğan avait rencontré des proches de ces disparus. À cette occasion, il avait assuré que son gouvernement s’attellerait à la question des disparitions forcées, une question qui constitue l’une des plus graves violations des droits humains en Turquie. Mais en 2023, les familles réclament toujours vérité et justice pour les membres de leurs familles.

À ce jour, la Turquie n’a toujours pas signé la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (ONU), adoptée en 2006.

 

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