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Le logement, ou le cauchemar des Espagnols

pancarte contre la spéculation immobilière, dans le quartier du Raval à Barcelonepancarte contre la spéculation immobilière, dans le quartier du Raval à Barcelone
Une pancarte dénonçant la spéculation immobilière, dans le Raval, à Barcelone / lepetitjournal.com
Écrit par Henry de Laguérie
Publié le 17 avril 2023, mis à jour le 20 août 2023

C’est un problème qui ne provoque pas de débats aussi enflammés que le recours à la GPA d’une célébrité espagnole. A en croire les unes d’une partie de la presse, le sujet n’est sûrement pas aussi important que la "menace séparatiste catalane". Et quand on écoute les "tertulias" à la radio ou à la télé, rien ne semble plus décisif pour le futur des Espagnols que les batailles d’égo entre Yolanda Diaz, figure montante de la gauche et Pablo Iglesias faux retraité de la vie publique.

 

 

Pourtant, les Espagnols sont unanimes: 82% d’entre eux se disent inquiets et préoccupés par la question du logement. A la différence d’autres sujets comme l’immigration ou les inégalités sociales, cette préoccupation est transversale et réunit tous les électeurs, de gauche comme de droite. L’angoisse de l’accès au logement a le triste mérite de concerner tout un pays, de Gérone à Séville, de Madrid à Barcelone en passant par Saint Sébastien. 

Se loger à Barcelone, hors de prix

Dans la capitale catalane, il n’a jamais été aussi cher de se loger. Le prix moyen d’un appartement s’élève désormais à 1077 euros, soit le montant du salaire minimum en Espagne. L’année dernière en Espagne, les prix à la location ont augmenté de 8%, mais à Malaga la hausse s’élève à 20%. Sans surprise, le prix du mètre carré à la vente s’est également envolé (+10% entre 2021 et 2023). Les propriétaires qui doivent rembourser une hypothèque tirent la langue avec l’envolée de l’euribor.

 

bâtiment de couleur
Dans le quartiers de Poblenou, on entend de plus en plus parler anglais ou français/Henry de Laguérie

 

Derrière tous ces chiffres, il y a des réalités très concrètes: à Barcelone, dans les quartiers de Poblenou ou de Gracia, on entend de plus en plus parler anglais ou français dans la rue. Les terrasses de certains cafés branchés sont occupées toute la journée par des télétravailleurs venus profiter quelques mois durant du soleil barcelonais dans des appartements rénovés et conçus pour ce type de clientèle avec des contrats de location de courte durée. Au même moment, les familles catalanes quittent à contre cœur leur quartier et déménagent en banlieue pour laisser leur place à ces nomades numériques. Dans le même temps, pour les jeunes espagnols, l’emploi n’est plus une garantie d’émancipation. Les 25 – 35 ans vivent encore majoritairement chez leurs parents, car ils n’ont pas les moyens de louer un appartement. Or sans accès à un logement, se lancer dans un projet de vie devient impossible.

Des slogans hostiles aux Français

 Aux Îles Baléares, à Ibiza notamment, le problème est encore plus grave. On a de plus en plus de mal à trouver des médecins ou des professeurs: leur salaire ne leur permet pas de se loger dans l'île. Pendant que les résidences secondaires des étrangers sont vides une bonne partie de l’année, des infirmières sont contraintes de vivre dans des campings cars. Si on se laissait aller à une formule facile, on pourrait le résumer ainsi: il y a plus d’agents immobiliers de luxe à Ibiza que de médecins ou de gendarmes. A Minorque, ce sont les Français qui font exploser les prix et exaspèrent la population locale, en témoignent les différentes pancartes et slogans hostiles apparus sur les balcons de Ciutadella ces derniers mois. La situation est tellement grave que le gouvernement autonome souhaite interdire la vente de biens immobiliers à des non-résidents. Le projet a peu de chances d’aboutir: c’est contraire au droit européen. Mais il illustre la situation d’urgence dans laquelle se trouve les Baléares et une bonne partie des sites touristiques espagnols.

 

ancienne cheminée d'usine
Les nomades numériques prennent de plus en plus la place des habitants de grandes villes/Henry de Laguérie

 

Certes, ce n’est pas la première crise immobilière que traverse l’Espagne: c’est un mal cyclique dans ce pays. Les différents gouvernements qui se sont succédés et le système bancaire ont leur part de responsabilité. Les différentes mesures mises en place comme le plafonnement à 2% de la hausse des loyers n’ont rien changé.

 

Mais l’attrait que provoque l’Espagne chez les investisseurs étrangers a des conséquences et il faut avoir le courage de les regarder en face quand on est expatrié en Espagne. Récemment, le journaliste d’une radio hexagonale sur le déclin, vantait les mérites d’un investissement immobilier en Espagne. Dans cette vidéo bourrée de clichés publiée sur les réseaux sociaux, on apprend qu’acheter un appartement dans le centre de Valence ne vaut pas grand-chose et assure une forte rentabilité grâce aux étudiants étrangers ou aux vacanciers. Quand on sait comment le centre-ville de Valence se vide de ses habitants, ce genre de vidéo provoque un certain malaise. C’est le même malaise qui nous envahit quand on découvre ces reportages en France sur ces "investisseurs malins qui font des affaires à Barcelone ou sur la Costa Brava" ou lorsqu’on voit arriver des professionnels qui "se reconvertissent dans l’immobilier" et évoquent les plus-values qu’ils réalisent, sans jamais se poser la question des conséquences pour les résidents.

 

L’Espagne est malheureusement victime de son succès. Et elle ferait bien de trouver des solutions pour permettre à sa population de continuer à vivre là où elle est née. Quitte à pénaliser ceux qui à l’étranger aimeraient profiter de sa qualité de vie.

 

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