B comme "bakkal" ou "büfe" : deux lieux incontournables du paysage turc

Toutes les deux semaines, le mardi, lepetitjournal.com Istanbul vous propose un rendez-vous "Parlons Turquie..." à travers des courts textes de Samim Akgönül, auteur du "Dictionnaire insolite de la Turquie". Vous y êtes invités à découvrir des concepts, mots et expressions ou des faits peu connus mais aussi des personnages insolites de l'espace turc, inspirés du dictionnaire en question. Aujourd'hui, la lettre "B"...

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Une des fameuses pièces de théâtre écrite, réalisée et jouée par Ferhan Şensoy, et très inspirée par les farces françaises, (Şensoy, un francophone du Lycée de Galatasaray a fait ses études au Conservatoire de Strasbourg) s’intitule Kahraman bakkal Süpermarkete karşı (l’épicier héroïque face au supermarché). Dans cette pièce sarcastique, il est question, déjà en 1980, de la critique du modèle économique des supermarchés par rapport aux commerces de proximité. En effet, les premiers "süpermarket" commencent à entrer dans le paysage urbain de Turquie notamment avec l’achat de la franchise du suisse "Migros" par l’homme d’affaires Vehbi Koç en 1975. Ainsi, l’épicier du quartier, le bakkal, qui vend aussi bien des denrées alimentaires que des produits de base, se sent menacé dès cette période. Quarante ans plus tard, les bakkal n’ont pas disparu complètement, même si les Migros MMM, les Carrefours ou les Bim Market ont envahi les villes. Si le bakkal traditionnel a résisté (relativement), c’est peut-être parce qu’il représente plus qu’un commerce, un lien social local, où il suffit de suspendre un panier depuis les étages supérieurs pour que le çırak (le garçon à tout faire) puisse le remplir des œufs et du pain demandés, et où l’on apprend les derniers dedikodu (commérages).

Le fameux panier : il transporte de l'argent en descendant, et remonte avec les courses

Autre avantage en faveur du bakkal, c’est l’existence d’un veresiye defteri, un cahier de crédit, afin que les habitués puissent ne payer leurs achats qu’après avoir reçu leur salaire.

Un autre lieu de sociabilisation qui dépasse sa simple fonction est le büfe, au sommet de la si gentrifiée street-food mais aussi du petit bakkal, et ce, dans toutes les villes.

Les büfe sont des lieux indispensables de toutes les localités de Turquie, petites ou grandes, comme les periptero en Grèce ou les kiosques à journaux en France, ils sont dispersés partout dans la ville. Mais la gamme, la variété des produits vendus dans un büfe est supérieure à ses équivalents. Des chewing-gums aux boissons, des jouets aux revues, des tickets de métro aux lingettes, tout se vend dans un büfe. Bien évidemment, ils sont également les pionniers du fast-food. Des tost (deux tranches de pain beurrées entre lesquelles sont toastés du fromage et de la charcuterie), des sosisli, (des hotdogs à la saucisse de veau) mais aussi goralı (hotdogs à la salade russe) sont des street-food indispensables aux Turcs.

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Dernières publications de l'auteur :

> Akgönül Samim (dir.), La modernité turque : adaptations et constructions dans le processus de modernisation ottoman et turc, Istanbul, Éditions Isis, 2022 ;

> Akgönül Samim, Dictionnaire insolite de la Turquie, Paris, Cosmopole, 2021 ;

> Akgönül Samim, La Turquie nouvelle" et les Franco-Turcs": une interdépendance complexe, Paris, L'Harmattan 2020.