Le 23 mars 2010, la Marseillaise Mylène Dory arrive au Québec avec sa famille et cinq valises. Six ans plus tard, la voilà maman pour une quatrième fois et à la tête d'une savonnerie artisanale en pleine expansion, Peaux d'Ange, et finaliste pour le Prix du Public des Trophées des Français de l'étranger. Mais le succès ne s'est pas fait sans encombre…
lepetitjournal.com : Comment arrive-t-on à un tel projet ?
Mylène Dory : Le but n'était pas un projet d'entreprise. C'était pour nous : six mois après être arrivés à Montréal, nous avons découvert que notre fils Owen souffrait de plusieurs maladies orphelines. À ce moment, on arrive à un stade où on est impuissant devant la douleur de son enfant. On se dit : "Je peux peut-être soulager certaines choses ?" J'étais passionnée par la savonnerie et l'aromathérapie. J'ai expliqué à mon mari : "Au pire des cas, ça ne marchera pas. Alors pourquoi ne pas essayer ? " En voyant l'effet que ça a eu [la peau d'Owen ne supportait plus aucun produit toxique], on a renoué avec ce qu'on avait en France, nos convictions.
Donc vous avez créé Peaux d'Ange…
Ça s'est fait tout seul ! Nous n'avions pas d'argent à mettre dedans. Je ne pouvais pas travailler car c'était compliqué avec le petit. On vendait uniquement de quoi me payer de nouvelles fournitures ! Puis Owen a eu un accident de bus scolaire : il a fallu le retirer de l'école, on passait quatre jours par semaine à l'hôpital, il était devenu mal entendant, perdait la mémoire… Je me suis fait licenciée et suis tombée enceinte… Je ne pouvais que développer l'entreprise ! J'ai reçu de l'aide du consulat et de la chambre du commerce. Nous nous sommes développés jusqu'à l'ouverture de l'atelier-boutique, il y a un an, après l'incendie de notre maison.
Face à tous ces évènements, vous n'avez jamais eu envie de rentrer en France ?
Non ! Peaux d'Ange se montait petit à petit ! Ça aurait été très compliqué de créer une savonnerie aux soins cosmétiques en France. C'était une opportunité qui me ressemblait et qui ressemblait à mes enfants. Avec la vie qu'on a, cela implique de faire certains choix: j'ai fait celui d'être plus pauvre mais d'avoir une meilleure qualité de vie.
Pensez-vous revivre un jour dans l'hexagone ?
Non ! Je viens tout juste d'en revenir, je n'y étais pas allée depuis mon départ pour le Canada… Je ne me sens plus Française mais je m'en sens plus proche, maintenant que je suis loin. C'est une belle réalité : nous sommes une famille d'expatriés.
Qu'est-ce que vous préférez dans votre vie d'expatriée ?
Dans mon cas, être entrepreneure, c'est la meilleure solution pour mon fils. Il y a une facilité de création d'entreprises au Québec, un réseau professionnel bien établi parce qu'on se rend service mutuellement. C'est une grande force de ne pas limiter les gens par des obstacles. On peut avoir des projets, viser haut.
Et des projets, vous en avez pour l'avenir ?
On nous a ouvert des portes qu'on ne pensait pas possible. Mais nous voulons prendre le temps de réfléchir, pour ne pas trébucher. Je n'ai pas la prétention de devenir une grande entreprise internationale. Je veux que les gens soient avertis sur ce qu'ils utilisent. Je voudrais aussi ouvrir mon cabinet d'aromathérapie et continuer mon travail avec les écoles [Mylène Dory organise des ateliers scolaires]. Nous attendons la Banque de développement du Canada pour lancer une gamme bio distribuée en Europe et au Japon. Et pourquoi pas aller chercher des ingrédients français et faire un parallélisme entre les deux pays ! Au niveau du Québec, je cherche des points de ventes, des producteurs et des labels. Et surtout, je voudrais être en mesure d'embaucher des personnes handicapées. Parce que je voudrais que, plus tard, quelqu'un tende la main à mon fils.
Kim Chaze (www.lepetitjournal.com/toronto) vendredi 26 février 2016
Peaux d'Ange
16081 Boulevard Henri Bourassa, Charlesbourg, Québec.
(581) 741-4341.
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