

Une semaine après l’inauguration de la rétrospective dédiée à Giorgio De Chirico au Palazzo Reale, le musée voisin dédié à l’art du Novecento (20ème siècle) expose jusqu’au 1er mars 90 œuvres qui illustrent le parcours d’un autre protagoniste de l’entre-deux guerres : Filippo de Pisis. Une opération concertée pour approfondir les connaissances du public sur l’art métaphysique.
C’est à 20 ans que l’artiste de Ferrare Filippo de Pisis découvre l’art métaphysique au sein même de sa ville natale, en fréquentant Giorgio de Chirico et son frère Alberto Savinio, alors enrôlés, qui y sont postés de 1915 à 1918. Il y trouve un moyen d’exprimer ses émotions qui alternent entre joie et spleen. Il s’inspire d’ailleurs au « ciel bas et lourd » de Baudelaire pour peindre le ciel gris dans sa Nature morte marine de 1929. Il ne s’agit là que de l’une de ses nombreuses natures mortes où se succèdent en premier plan un vaste répertoire d’objets hétéroclites recueillis depuis son enfance, d’animaux ou de végétation, hors dimensions, qui guident le regard de l’observateur vers l’ample toile de fond dégagée. Les deux plans de l’œuvre étaient travaillés parallèlement, tels deux tableaux en un.
Une fois achevé ses études en littérature et la guerre terminée, il se rend à Rome pour parfaire son art qu’il alterne avec l’écriture. A la mort de son père en 1923, il décide d’aller rejoindre les peintres de l’avant-garde internationale à Paris où on lui offre l’occasion d’une première exposition qui obtient un bon succès. Ses natures mortes, ses vues citadines, ses paysages et ses portraits deviennent de plus en plus personnels et originaux.
Peignant en « plein air », on le retrouve à son chevalet qui exécute fébrilement ses toiles dans tous les recoins de la Ville Lumière, entouré d’un public de curieux. Ses coups de pinceaux rapides et essentiels, influencés par la peinture impressionniste sans bonnement l’imiter, caractérisent de plus en plus son style. A la différence des maîtres français, pour de Pisis le paysage n’est pas enregistré comme un instantané mais il représente toujours un état d’âme, le reflet d’un « paysage intérieur » : La Coupole des Invalides et la Tour Eiffel (1926), Rue du Dragon (1930), Rue de Clichy (1930) en sont de bons exemples. De même que pour les tableaux exécutés durant un séjour à Londres et ceux de Venise où il séjournera définitivement à partir des années de la deuxième Guerre Mondiale. On peut ainsi admirer des vues « vibrantes » du Ring Square ou du Canal Grande.
Même ses portraits sont le résultat d’une introspection. Il va chercher ses modèles parmi les plus démunis et les marginaux comme Le Marin Français (1930) ou Le Vieux montagnard italien (1933). Toujours en 1933 de Pisis peint le portrait de l'écrivaine Colette qu’il rencontre à Paris. La femme, sujet de la toile, n'est cependant pas reconnaissable car le peintre préfère réaliser un "portrait imaginaire" qui tire son inspiration des traits de la personnalité de Colette plutôt que de ses véritables traits somatiques.
L’année 1948 marque la consécration du peintre à la Biennale de Venise où on lui réserve une salle personnelle pour accueillir une trentaine d’œuvres des 20 dernières années de sa carrière. Pourtant, on lui refuse le Grand Prix du Jury à cause de son homosexualité qui l’avait déjà mis en péril durant la guerre. C’est aussi le début de sa maladie nerveuse qui le conduira à la clinique Villa Fiorita en Lombardie où il mourra en 1956 à l’âge de 60 ans.
Les 90 tableaux de l’exposition, choisis dans la production de Filippo de Pisis pour leur lyrisme et provenant de sept musées italiens, sont disposés dans l’ordre chronologique à travers les 10 salles au rez-de-chaussée du Musée du Novecento. Une initiative de la Ville de Milan et du Musée du Novecento avec la maison d’édition d’art Electa qui sera reprise au Palazzo Altemps de Rome au printemps 2020.
Info : www.museodelnovecento.org
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