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LES JOURS HEUREUX - Episode 4 : Les repas

Écrit par Lepetitjournal Mexico
Publié le 11 novembre 2015, mis à jour le 11 novembre 2015

Le Petit Journal de Mexico republie ce feuilleton en français et en espagnol : Les Jours heureux. Gwenn-Aëlle Folange Téry, écrivain et peintre, y raconte l'histoire d'une jeune fille bretonne qui part à la découverte du Mexique, et de son indépendance. Aujourd'hui épisode 4 : Les repas

Episode 1 : Le départ / Episode 2 : Le voyage / Episode 3 : La traversée

Sa chambre pourrait être celle de Van Gogh: un lit, une chaise, une table. Propre. Au dernier étage. 

Elle est attendue pour dîner. Maigre consolation pour celle que l'on avait oubliée, pas seulement à l'aéroport, mais à la maison aussi. À son coup de sonnette, c'est un homme, gants blancs, uniforme empesé et à démarche majordomesque qui lui ouvre. Il est surpris mais ne le laisse pas voir. 

"Au petit déjeuner, elle goûtera avec circonspection aux galettes du pays..." Et en redemandera... (illustration Gwenn-Aëlle Folange Téry)

La maîtresse de maison est surprise aussi, et le laisse voir, elle. Maigres explications sur les dates, ou sur les heures d'arrivée, bref, on ne l'attendait pas aujourd'hui, mais qu'à cela ne tienne, on allait juste passer à table, si, si, nous vous attendons.

Difficile de retenir les larmes, de redresser le dos et de choisir dans la valise une robe pas trop chiffonnée. Descendre les escaliers aussi, chercher la salle à manger. Elle se sentirait très romantique si cette histoire n'était qu'une histoire?

À table elle tait son ébahissement devant la luminosité de la ville, évite aussi de parler du café américain. D'ailleurs ses hôtes font la conversation, petits riens et rires discrets. Les trois petites filles dont elle a la garde sont là et lui font de petits signes discrets, elles l'aiment bien et l'attendaient, pas aujourd'hui, on sait, mais elles l'attendaient.

Le dessert est enfin servi, épaisse crème marron dans un plat en porcelaine, et malgré la fatigue, le décalage horaire, et le sentiment lancinant de n'être pas la bienvenue, elle se sert, abondamment. Elle a faim bien sûr, la guerre et tout et tout.

La mousse au chocolat n'en est pas, ou alors le chocolat au Mexique n'est pas bon. Elle avale, hésite à replonger sa cuiller dans l'assiette et lève les yeux. 

"Tout le monde n'aime pas le zapote"

La maîtresse de maison, qui à ce stade pourrait passer pour la marâtre de Cendrillon si elle n'était si aimable, lui explique, un sourire au fond des yeux, qu'elle n'est pas obligée de tout manger, si elle n'aime pas le dessert, ce n'est pas grave, tout le monde n'aime pas le zapote, fruit à chair noire et douce. 

Elle se souvient de sa mère, trouvant un asticot dans sa salade  et l'enveloppant discrètement d'une feuille verte, de celles que l'on ne coupe pas au couteau quand on est à table, éducation, éducation, et la mâchant longuement, avant de confirmer à son hôte l'exquisité de la vinaigrette. Elle ne peut pas faire moins, c'est forcé, elle n'est pas fille de commandant pour rien, et elle termine, tout. Par contre, elle ne se ressert pas. 

Plus tard elle apprendra à mélanger zapote et jus d'orange, à décorer le tout d'une pluie de cannelle. Pour le moment, elle ne veut que dormir, ou disparaître.

Les repas se suivront, et ne se ressembleront pas : au petit déjeuner, elle goûtera avec circonspection aux galettes du pays, crêpes salées et épaisses. Le valet-majordome l'observe, non pas dédaigneux, Cendrillon est loin, mais curieux. Elle passe l'épreuve la main haute, en redemande, et mémorise ce mot nouveau : tortilla.

DÍAS DE SOL : La comida 

Su cuarto podría ser el de Van Gogh: una cama, una silla, una mesa. Limpio. En el último piso.

 La esperan para cenar. Magro consuelo para la que habían olvidado, no nada más en el aeropuerto, sino también en la casa. Respondiendo a su timbrazo abre la puerta un hombre de guantes blancos, uniforme almidonado y andar mayordomesco. Está sorprendido pero no lo deja ver.

La señora de la casa está sorprendida también, y ella sí lo deja ver. Pobres explicaciones sobre las fechas, o sobre las horas de llegada, total que nadie la esperaba hoy, pero no hay ningún problema, nos íbamos a sentar a la mesa, sí, no se preocupe, la esperamos.

Es tan difícil contener las lágrimas, enderezar la espalda y escoger dentro de la maleta un vestido que no esté demasiado arrugado. Bajar las escaleras también, buscar el comedor. Se sentiría muy romántica si el cuento fuera realmente un cuento?

Ya sentada calla su asombro frente a la luminosidad de la ciudad, evita también hablar del café americano. De todas maneras sus anfitriones llevan la conversación, nimiedades y risas discretas. Las tres nenas que le han encargado están presentes y le hacen señas discretas, la quieren y la esperaban, hoy no, claro, pero la esperaban.

Llega por fin el postre, espesa crema café servida en un platón de porcelana, y a pesar del cansancio, de la diferencia de horario, y del sentimiento insidioso de no ser bienvenida, se sirve, abundantemente. Tiene hambre claro, la guerra y esas cosas. 

La mousse de chocolate no es ni mousse ni chocolate, o será que el chocolate en México no es bueno. Traga, duda, cuchara  en mano y alza los ojos.

La señora de la casa, que bien podría ya pasar por la madrasta de la Cenicienta si no fuera tan amable, le explica, con una sonrisa bailando en los ojos, que no tiene la obligación de comerse todo lo que se sirvió, si no le gusta el postre, no importa, no a todo mundo le gusta el zapote, fruta de carne negra y dulce.

Recuerda a su madre, el día en que encontró un gusano en su ensalada y como lo envolvió discretamente en una hoja de lechuga, de ésas que uno no corta con cuchillo estando con comensales, educación, educación, y como  masticó con delicadeza, antes de confirmarle a su anfitrión la exquisitez de la vinagreta. Ella no puede quedarse atrás, es obligado, no se es hija de comandante en balde, y se lo termina, todo. Eso sí, no se vuelve a servir.

Más adelante aprenderá a combinar zapote y jugo de naranja, a decorar la mezcla con una lluvia de canela. De momento, no piensa más que en dormir, o en desaparecer.

Las comidas se sucederán y no se repetirán: para el desayuno, probará con circunspección las crepas del país, saladas y gruesas. El valet-mayordomo la observa, sin ningún desdén, la Cenicienta ha quedado muy lejos, pero con curiosidad. Ella pasa la prueba con la frente en alto, pide más, y memoriza la  palabra nueva: tortilla.

Capítulo 1 : La partida - Capítulo 2 : El viaje -Capitulo 3 - La travesía

Lire également notre article : Gwenn-Aëlle : "Un roman pour faire ouvrir les yeux aux femmes"

Gwenn-Aëlle Folange Téry pour (Lepetitjournal.com/mexico) Mercredi 11 novembre 2015 (Republication)

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Publié le 11 novembre 2015, mis à jour le 11 novembre 2015

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