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TESS DO - Francophone avant tout

Écrit par Lepetitjournal Melbourne
Publié le 21 octobre 2013, mis à jour le 21 octobre 2013

 

Le petit journal.com  de Melbourne s'est associé à l'Université de Melbourne et plus spécialement aux étudiants de 4ème année de Français  sous l'oeil du Professeur Véronique Duche. Dans le cadre de leurs études, ils sont allés à la rencontre des francophones de Melbourne. Voici le résultat de leurs recherches, deux portraits réalisés par de jeunes étudiants australiens. Cette semaine,  Dr Tess Do par Liam Harper

 

Dr. Tess Do à l'air pensive, tranquille. Elle parle assez doucement, prenant son temps pour réfléchir aux questions qu'on lui pose. Nous l'interviewons à l'Université de Melbourne, où elle travaille comme professeure et chercheuse spécialisée dans la littérature francophone depuis plus de dix ans. Lors de notre interview, nous traitons de son éducation, de sa vision de l'Australie dans sa totalité, et de ses idées captivantes sur l'art, la culture, la gastronomie, et l'identité.

Histoire personnelle
On pourrait caractériser Tess Do comme voyageuse. Elle se déplace assez fréquemment, au point où et elle n'a plus le sentiment d'être attaché à un endroit où un pays en particulier.  Elle hésite aujourd'hui à utiliser un adjectif possessif par rapport à sa nationalité : quand on se réfère au Viet Nam comme "son pays", elle corrige tout de suite.

Pourtant, c'est dans ce pays qu'elle a grandi. Elle est née à Saigon, où le français était sa langue maternelle. Elle s'est mise à apprendre le vietnamien au collège, à l'âge de douze ans. Deux ans après, elle commence à acquérir l'anglais. En 1984, elle immigre en Nouvelle Zélande, où elle réussit une licence et une maîtrise de lettres à l'Université d'Auckland. Ensuite, en 1991, elle déménage au Canada pour étudier à l'Université de Western Ontario, où elle complète un doctorat. Elle vivra plusieurs années au Montréal.

Tess Do affirme que c'est ce mode de vie qui lui manque le plus, maintenant qu'elle a quitté le pays. « Il y avait toujours ce mélange d'une vie qui vous offre un aspect très francophone, et un aspect, disons, canadien-anglophone », se rappelle-t-elle.  Elle ajoute que ce qui lui manque surtout, c'est la possibilité de s'intégrer, quand elle le veut, dans une grande communauté francophone.

C'est en 1999 qu'elle part du Canada pour s'installer en Australie. Elle a fait ce choix après avoir gagné une bourse qui lui a permis d'étudier au Queensland, où elle habitera pendant deux ans, alors qu'elle complète ses études postdoctorales à Griffith Université et à l'Université de Queensland. Après avoir achevé ce projet, elle déménage à Melbourne pour assumer un poste à l'Université de Melbourne en 2001. Elle y demeure encore, douze ans plus tard, sans être rentrée au Viet Nam, au Canada, ou en Nouvelle Zélande.

Impressions de l'Australie et de Melbourne
Après avoir vécu dans des pays occidentaux pendant plus d'une décennie, Tess a eu peu de difficultés à s'intégrer à Melbourne. "C'est très agréable", affirme-t-elle. Elle détaille qu'elle aime en particulier ses espaces verts, ses parcs, la proximité des plages, ses restos, ses grands évènements sportifs tels que le championnat de tennis, et ses galeries. Elle refuse de voir les inconvénients de la vie à Melbourne : "Pour moi, quand vous vivez dans une ville ou dans un pays, il faut essayer d'apprécier tout ce que cette ville vous offre".

Et quant aux Australiens eux-mêmes ? Elle souligne qu'il ne faut pas tomber dans les stéréotypes, mais elle constate qu'en général, les Australiens sont plus tranquilles et décontractés que les Vietnamiens. "Ils sont plus cools? Ils vivent leur vie, ils vous laissent vivre la vôtre. Ils respectent beaucoup votre vie privée, au point où je me sens parfois un petit peu isolée". Tess rapporte qu'elle a voyagé dans toutes les grandes villes de l'Australie, ainsi qu'à l'intérieur des terres. Elle remarque que dans les communautés rurales, la vie se déroule avec moins de stress, comparé aux grandes villes. "Tout était calme, il y a une sérénité que j'adore".

Alors qu'elle était au nord du Queensland, elle a remarqué pour la première fois la grande présence des peuples indigènes. Ce qui l'a beaucoup impressionnée, c'est leur relation intime et spirituelle avec la terre. Elle rapporte qu'elle enviait le sentiment de l'héritage attaché à cela, le fait que les aborigènes "peuvent clamer haut et fort que la terre sur laquelle ils marchent est celle de leurs ancêtres". Selon elle, cela l'a fait méditer sur son propre rapport avec le pays. Elle s'est demandée si un jour elle aurait pu avoir pour l'Australie "une relation similaire, peut-être pas aussi intense, mais quelque chose de plus attachant".

La vie à Melbourne
Bien que Tess ne puisse plus parler le français partout comme elle pouvait à Montréal, elle trouve que cette langue fait encore partie de sa vie. Alors que sa famille vit à Nouvelle Zélande, elle  parle français quand elle est avec des amis et quand elle travaille à l'université avec des collègues. En plus, en tant que spécialiste de la littérature francophone, elle lit et écrit beaucoup en français. De plus, elle garde contact avec des amis qui résident en France.

Selon Tess, la culture vietnamienne est bien représentée à Melbourne, même si la "culture" se réfère seulement aux marchés et aux restaurants vietnamiens. Pourtant, elle suggère que dans d'autres domaines, par exemple dans les domaines artistiques, la culture vietnamienne  est sous-représentée.
D'après elle, "il y a très peu d'expositions d'artistes vietnamiens (d'Australie, bien sûr), de spectacles, de théâtres ou de films dirigés par les Vietnamiens de la diaspora". A cause de cela, elle pense que les Australiens ne connaissent pas aussi bien la culture vietnamienne que les Français ou les Américains.

La langue française et la culture vietnamienne sont toutes les deux centrales aux recherches qu'elle fait actuellement à l'Université de Melbourne. Elle se concentre sur des sujets tels que le post-colonialisme, l'émigration, la diaspora indochinoise, et l'identité. Elle est d'accord avec la suggestion qu'il y a un lien entre ses intérêts et son expérience personnelle d'émigrée du Viet Nam. "Vous avez raison, rapporte-t-elle, je m'intéresse à la littérature francophone, en particulier aux écrivains français d'origine vietnamienne car je me retrouve souvent dans ce qu'ils écrivent. Leurs voix résonnent en moi, et en travaillant sur leurs ouvrages j'ai l'impression de dialoguer avec des pairs, et dans certains cas, avec une âme s?ur. Mon monde littéraire est peuplé de leurs voix, je me découvre à travers eux et mes recherches sont nourries de nos échanges".

La gastronomie, la mémoire, et le futur
Pour ses études culturelles, Tess analyse en ce moment le lien entre la nourriture et la mémoire. Pourquoi s'y-intéresse-t-elle ? "Je crois que pour moi, dit-elle, ce que je n'ai pas vraiment changé, ce sont mes goûts. Les goûts de mon enfance, n'ont pas changé. Je suis ouverte à d'autres goûts et j'ai appris beaucoup d'autres saveurs et d'autres plats que j'ai beaucoup appréciés. Mais je crois que les plats de mon enfance sont tellement lourds de souvenirs et d'émotions, que j'aime pouvoir de temps en temps revenir en arrière, à travers le goût". Elle suggère que ce processus, permet de redécouvrir ce qui a formé son identité. Heureusement, elle croit que la nourriture vietnamienne à Melbourne est bonne, voire meilleure que celle qu'elle mangeait au Viet Nam. Nous lui demandons s'il y a également des plats qu'elle associe avec la Nouvelle Zélande et le Canada. Pour le premier, elle affirme que ce qu'elle a apprécié le plus, c'était le pavlova, ce qui nous fait rire. "C'est un point de tension entre les deux pays", fait-on observer.

Elle n'a pas de restaurant préféré à Melbourne, car elle a surtout envie de la variété : "Je suis assez gourmande et j'aime bien découvrir de nouveaux goûts". Elle explique qu'elle fréquente quelques restos préférés pendant une période de trois où quatre mois, et ensuite elle passe à autre chose.  "Ça me lasse assez vite d'aller toujours aux même endroits. J'ai besoin de changement, de décor, de découvrir d'autres saveurs". Pour le moment, Nobu dans le complexe Crown est peut-être son restaurant favori, mais c'est probable que sa réponse soit différente dans six mois.

Enfin, on se renseigne sur comment Tess envisage son avenir. Restera-t-elle définitivement à Melbourne ? C'est possible. Elle répond que bien qu'elle peut imaginer y habiter jusqu'à la fin de sa vie, elle serait capable de le quitter pour vivre ailleurs. "Je n'ai pas peur de changement", déclare-t-elle. On lui fait confiance.

Melbourne (www.lepetitjournal.com/melbourne) mardi 22 Octobre 2013

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Publié le 21 octobre 2013, mis à jour le 21 octobre 2013

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