Il reste encore des séances pour assister au film "Les Innocentes" à Melbourne. Invité à la première projection du film en Australie, le Petit Journal de Sydney en a effectué la critique.
En 1945, Mathilde Beaulieu travaille au sein de la Croix-Rouge française dans un hôpital de fortune en Pologne. Un jour, une nonne d'un couvent voisin lui demande de l'aide. La jeune femme finit par la suivre et découvre que l'une des soeurs est sur le point d'accoucher. Après la naissance de l'enfant, elle comprend que d'autres servantes de Dieu, toutes violées par des soldats russes, sont également enceintes. La mère supérieure refuse cependant d'alerter les autorités pour que la réputation du couvent reste intacte.
Si l'histoire n'a rien de sexy de prime abord, notre intérêt et notre attention croissent crescendo au fur et à mesure que le récit progresse.
Pas pour Vincent Macaigne, quoique toujours impeccable, dans ce registre qu'on lui connait désormais. Non. Mais pour ce duo d'actrices que composent Lou de Laâge et Agata Buzek. Duo qui fonctionne à merveille et colle à la rétine. Difficile, de mémoire de cinéphile, de trouver autre couple d'actrices aussi justes et complémentaires l'une de l'autre à l'écran.
On ne vous conseillera pas non plus d'y aller pour les paysages qui, pour ma foi, sont toujours pareils, à la fois froids et assez peu intrigants. Les images du film, en quasi huis-clos dans un couvent, sont belles, mais ce n'est pas pour cela qu'on y va. Non. L'intérêt du film réside dans son interrogation du présent, du passé et de la modernité. Au dilemne de la naissance d'enfants de viols s'ajoute le drame de ces religieuses qui ont fait voeux de chasteté. Un paradoxe qui va jusqu'à interroger certaines dans leur propre intérieur, dans leur conception de la vie, de la foi et de la sexualité. Le film rend palpable le face-à-face entre une femme libre, médecin, communiste et une congrégation de bénédictines - interprétée par Lou de Laâge - vouées à Dieu et à l'isolement, confrontées à la barbarie, à la maternité et à une nécessaire ouverture au monde.
On ne saura passer outre le fait qu'il s'agit également d'une histoire vraie. En plus de confronter la modernité à la tradition, Anne Fontaine interroge l'Histoire : celle des exactions des soldats russes qui violèrent, dans leur remontée vers Berlin, plus de deux millions d'Allemandes, en 1945. Une histoire méconnue, effacée de l'histoire soviétique, avant d'être rétablie par les historiens occidentaux, pour un fait qui reste pourtant une constante dans les guerres, dans celles d'hier en Bosnie comme dans celles d'aujourd'hui avec Daesh et Boko Haram, pour ne citer que ces exemples là.
Malgré une fin de film surprenante - car laissant apparaître une lueur d'espoirs pour ces destins qu'on aurait auparavant dit brisés - impossible d'en sortir totalement indemne, de ne pas être un minimum bouleversé.
Bande-annonce :
Pour assister au film, rendez-vous sur www.flicks.com.au/movie/the-innocents/
Adrien Lévêque, lepetitjournal.com/sydney, mercredi 26 avril 2017