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"GUERRE CONTRE LES DROGUES ILLEGALES" - Une opposition croissante

Droits de l'HommeDroits de l'Homme
Écrit par François COUDRAY
Publié le 8 octobre 2017, mis à jour le 8 octobre 2017

Méfiance populaire, résolution inquiète des sénateurs, récente déclaration des Nations Unies : la "guerre contre les drogues illégales" soulèvent de nouvelles et fermes oppositions.

Alors que les Nations Unies expriment en effet une nouvelle fois leur vive inquiétude face au nombre et aux conditions des exécutions dans le cadre de la campagne contre les drogues illégales aux Philippines, le sénat philippin signe, pour la première fois, une résolution appelant le gouvernement à la fin de cette politique. La confiance populaire elle-même parait ébranlée.

Un appel officiel du sénat à la fin des exécutions extrajudiciaires

Des sénateurs issus de l’opposition comme de la majorité présidentielle ont en effet signé, sous deux versions différentes, une résolution appelant à larrêt des exécutions, en particulier des plus jeunes personnes, dans le cadre de laguerre contre les drogues illégales menée par l’administration Duterte depuis l’élection du nouveau président.

La première version de cette résolution, à l’initiative de l’opposition, a été signée le 25 septembre dernier par 15 sénateurs, dont certains membres de la majorité présidentielle. Elle exhorte le gouvernement à prendre au plus vite l’ensemble des mesures nécessaires à l’arrêt de ces exécutions, qui ont déjà coûté la vie à 54 jeunes personnes de moins de 18 ans.

Cette résolution demande également la mise en place d’une commission d’enquête sénatoriale sur ces exécutions commisses dans le cadre la lutte contre les drogues illégales afin de faire le jour sur les accusations de « commandes institutionnelles » desdites exécutions.

Les leaders de la majorité présidentielle au sénat ont rapidement proposé leur propre version de cette résolution, refusant de mettre en cause la responsabilité du gouvernement et de la police philippine et s’en tenant à une condamnation des exécutions extrajudiciaires : ils appellent ainsi le gouvernement à mettre en œuvre tous les moyens nécessaires à l’arrêt de ces exécutions et à la résolution des enquêtes en cours.

Une confiance populaire ébranlée

Cette résolution du sénat semble faire écho à l’opinion publique. Un sondage du SWS (Social Weather Stations), réalisé entre les 23 et 26 juin dernier, montrait déjà un relatif ébranlement de la confiance populaire sur cette question des meurtres extrajudiciaires.

Sur les 1.200 personnes interrogées, 54% affirment en effet croire quune majorité des suspects exécutés dans le cadre dopérations contre les drogues illégales navaient pas fait preuve dun comportement agressif ou violent à légard de la police ("Many of those killed by the police in the anti-drug campaign did not really fight against the police."), alors même que c’est là la justification des exécutions par les forces de l’ordre. 20% prennent un positionnement opposé et 25% refusent de se prononcer.

La répartition géographique et sociologique des positionnements est assez nette :

  • Metro Manila fait preuve d’une méfiance accrue (64% de réponses positives), et toute l’île de Luzon, dans une moindre mesure (56% de réponses positives), alors que les Visayas et Mindanao restent « fidèles » à leur président (49% seulement de réponses positives).
  • Les classes sociales les plus pauvres sont également les plus méfiantes (58% de réponses positives en classe E, 54% en classe D) alors que les classes moyennes et supérieures se montrent plus réservées (40% seulement en classes A, B et C).

Une autre question du sondage souligne davantage encore cette méfiance populaire : 49% des sondés affirment en effet croire quune majorité des personnes exécutées nétaient pas véritablement impliquées dans le trafic de drogues ("Many of those killed by the police in the anti-drug campaign are not really drug pushers"). 23% prennent un positionnement opposé et 27% refusent de se prononcer.

La répartition géographique et sociologique des positionnements est sur les grandes lignes parallèle à celle de la précédente question :

  • Metro Manila fait preuve d’une méfiance accrue (58% de réponses positives) alors que les Visayas et Mindanao restent plus confiants (respectivement 52% et 45 % de réponses positives).
  • Les classes sociales les plus pauvres sont également les plus méfiantes (45% de réponses positives en classe E, 51% en classe D) alors que les classes moyennes et supérieures se montrent plus réservées (38% seulement en classes A, B et C).

Une troisième question pointe plus directement les suspicions de règlements de comptes : 50% des sondés affirment croire que de fausses accusations de crimes en lien avec les drogues illégales ont été à lorigine de nombreuses exécutions commises par la police ("Many are lying and pointing to their personal enemies as drug users or pushers in order to give an excuse for these people to be killed by police of vigilantes.")

La répartition géographique et sociologique des positionnements est sur les grandes lignes parallèle à celle des précédentes questions : Metro Manila fait à nouveau preuve d’une méfiance accrue (63% de réponses positives) alors que les Visayas et Mindanao restent plus confiants (respectivement 42% et 51 % de réponses positives).

Une condamnation internationale renouvelée avec fermeté

Le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, réuni pour sa 36ème session a examiné à nouveau, le 22 septembre dernier, la situation aux Philippines.

M. Evan P. Garcia, Représentant permanent des Philippines auprès des Nations Unies à Genève, a, une nouvelle fois, exprimé l’incompréhension de son pays face aux accusations répétées par la communauté internationale et face à certaines déclarations relevant, pour son gouvernement, de l’ingérence.

Il a expliqué que les Philippines avaient pris note des recommandations portant sur les morts découlant de la lutte contre les stupéfiants et bien précisé que ces morts ne pouvaient être qualifiées d’assassinats extrajudiciaires, dans la mesure où elles résultaient, selon son gouvernement, d’opérations légitimes de maintien de l’ordre. Il a reconnu que certains cas devaient faire l’objet d’enquêtes mais réaffirmé que les Philippines disposaient de tous les outils permettant de les mener en toute autonomie.

Le 28 septembre, 39 représentants dudit conseil ont signé une nouvelle déclaration commune exprimant leur vive inquiétude face au nombre de morts en lien avec la campagne du gouvernement philippin contre les drogues illégales et exhortant les Philippines à prendre toutes les mesures visant l’arrêt de ces exécutions et la conduite d’enquêtes sur tous les incidents recensés.

François COUDRAY
Publié le 8 octobre 2017, mis à jour le 8 octobre 2017

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