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ANECDOT’HIC – Loi martiale : un anniversaire décidément peu ordinaire

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Ferdinand Marcos
Écrit par Lila BUNOAN
Publié le 22 septembre 2017, mis à jour le 23 septembre 2017

Le 21 septembre prochain marquera le 45ème anniversaire de la déclaration de la Loi martiale par le président Ferdinand Marcos, ouvrant pour les Philippines le long épisode de sa dictature. Ce jour anniversaire vient d’être déclaré « national day of protest » par Rodrigo Duterte, qui a ainsi délivré un jour de congé spécial pour les écoles publiques philippines et les différents organes gouvernementaux.

Ce sera l’occasion, pour les uns de manifester (de nombreux rassemblements sont en effet organisés à travers l’archipel), pour les autres de déconstruire les mythes élaborés autour de la figure du dictateur (de nombreuses conférences et forums se tiendront toute la semaine, sur les campus de diverses universités philippines). C’est pour nous l’occasion de partager avec vous la chronique « Anecdot’hic » que notre journaliste avait consacrée, en fin d’année dernière, à ce sombre chapitre de l’histoire philippine

Dans la nuit du 23 septembre 1972...

Ferdinand Marcos loi martiale

Dans la nuit du 23 septembre 1972, le président Ferdinand Marcos est apparu à la télévision philippine pour annoncer le début de la loi martiale dans l’archipel. A travers une série de directives, Marcos plaçait ainsi le pouvoir du gouvernement sous le contrôle d’un seul homme : le sien.

Pour justifier la signature de la proclamation 1081 du 21 septembre 1972, le président Marcos a brandi une menace communiste déclarée imminente et nécessitant en urgence ces mesures d’exception. Mais, plusieurs indices montrent que cette déclaration était depuis longtemps en projet, ce que révèle l’« Official Gazette » elle-même.

Durant la longue période qui a suivi, soit prêt d’une vingtaine d’années, Ferdinand Marcos allait diriger seul la nation et l'action gouvernementale, ordonnant aux forces armées d'empêcher ou de supprimer tout acte de rébellion et de neutraliser toute forme d’opposition, en particulier au sein de la classe politique et des médias.

La vie sociale a ainsi été fermement encadrée : imposition d’un couvre-feu, interdiction des rassemblements, mainmise sur les médias…

Des regards contrastés sur une période complexe et douloureuse

Les points de vue sur cette période restent contrastés au sein de la population philippine. Certaines personnes affirment que la loi martiale représente les meilleures années de l’histoire des Philippines et que le pays a vécu un âge d’or sous l’autorité ferme et bienveillante de la famille Marcos. Mais les réalités historiques et économiques sont plus sévères.

S’il est vrai que des efforts ont été faits en termes d’infrastructures, les dépenses engagées se sont avérées plonger les Philippines dans un endettement difficile à supporter : en 5 ans seulement, la dette du pays a grimpé de 8,2 milliards de dollars (en 1977) é à 24,4 milliards de dollars. Le gouvernement actuel continue de travailler au remboursement de cette dette.

Par ailleurs, les violations des droits de l’homme ont été nombreuses. On considère aujourd’hui qu’environ 70.000 personnes ont emprisonnées et 34.000 torturées. Pendant ce sombre chapitre de l'histoire des Philippines, des milliers de personnes ont en effet été soumises à diverses formes de torture : des prisonniers ont ainsi été électrocutés, battus et étranglés, brûlés avec un fer plat ou des cigares ; des femmes ont été dévêtues et violées, subissant divers sévices sexuels.

La fin d'une histoire, une histoire sans fin ?...

Ferdinand Marcos a officiellement mis fin à la loi martiale le 17 janvier 1981, mais ce n'est qu'en 1986 que la démocratie a été rétablie, après que le dictateur et sa famille ont été contraints à l'exil, renversés par un soulèvement populaire qui a été connu sous le nom de « People Power Revolution ».

Trente ans ont passé mais les victimes n'ont pas oublié, d'autant plus que la famille de Marcos n'a ni reconnu ses crimes ni proposé de réparations, malgré différents procès engagés à cette fin.

Les récents événements de Marawi et la déclaration, puis le prolongement, de la loi martiale, sur une partie de l'archipel, quoique dans un contexte géopolitique sans comparaison, n'ont par ailleurs pas manqué de réveiller de douloureux souvenirs et de soulever de nouvelles inquiétudes. C'est aujourd'hui un anniversaire sous le signe de la protestation.

 

 

Lila BUNOAN
Publié le 22 septembre 2017, mis à jour le 23 septembre 2017

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