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Rapport « Dérèglements Climatiques et Conflits » : l’enjeu du siècle

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Humanity Wall à Ghent en Belgique
Écrit par Adèle Hourdin
Publié le 8 février 2021, mis à jour le 27 avril 2021

Un rapport mené par les députés Frédéric Petit et Alain David vient d’être adopté par la Commission des Affaires Etrangères. Il dresse le tableau du rôle du dérèglement climatique sur les conflits dans le monde.

« Le réchauffement climatique n’est pas qu’un enjeu écologique, c’est aussi un enjeu de sécurité », a résumé le député Frédéric Petit dans un entretien avec lepetitjournal.com. Si le dérèglement climatique est un sujet maintenant bien balisé, celui des conflits qu’ils peuvent engendrer est encore peu traité. Les députés Frédéric Petit (7ème circonscription des Français de l’étranger) et Alain David (4ᵉ circonscription de la Gironde) ont tenté de défricher ce terrain dans un rapport sur le thème « Dérèglements climatiques et conflits », en conclusion d’une mission d’information constituée en février 2019 par la Commission des Affaires Etrangères.  En s’appuyant sur des études scientifiques, des expertises politiques, les rapporteurs ont fait des propositions de solutions concrètes pour que la France se prépare au mieux à ces changements.

Un groupe citoyen de 11 Français résidant hors de France, la majorité en Allemagne, constitué à l’initiative du député Frédéric Petit, ont travaillé en parallèle sur le sujet et présenté un rapport indépendant. Le député de la 7ème circonscription des Français de l’étranger a salué une « effervescence citoyenne très positive » qui en prenant l’avis de Français qui n’habitent pas en France permettait « d’avoir leur regard sur la place de la France et ce qui se passe dans le monde aujourd’hui autour des enjeux de climat et de sécurité. »

 

Tensions climatiques

« C’est un sujet majeur qui va occuper tout notre siècle » résumait le député Sébastien Nadot lors de l’examen du rapport par la Commission des Affaires Etrangères. Catastrophes naturelles plus fréquentes, montée du niveau de l’eau, manque et difficulté d’accès aux ressources primaires … Le siècle qui arrive promet de bouleverser tous les équilibres existants. Avec le réchauffement global de la planète, dont certaines conséquences sont déjà visibles, les sociétés vont devoir faire face à de nouveaux enjeux qui pourraient bien entraîner de nouveaux conflits. « Aucune guerre climatique n’a encore été recensée à l’heure actuelle », explique Frédéric Petit. « mais on sait que ça provoque des tensions ».

Les migrations climatiques, estimées à 280 millions par le GIEC en prenant en compte la seule montée des eaux, vont s’intensifier. Ces déplacements internes ou transfrontaliers pourraient bien accroitre les tensions dans les régions déjà instables. Les raisons de ces exils sont nombreux : dégel des sols, fonte des glaciers, désertification, sécheresses, cyclones, inondations ou simplement raréfaction des ressources.

L’accès aux ressources va aussi devenir un enjeu majeur de la diplomatie. Certaines zones deviendront inexploitables du fait des sécheresses et de la désertification. L’eau douce, inégalement répartie sur la planète est déjà un objet de convoitise pour les Etats dans lesquels la ressource n’est déjà pas abondante. Ces conflits risquent de prendre une toute autre ampleur du fait du réchauffement climatique : d’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la moitié de la population mondiale vivra dans une zone en situation de stress hydrique* en 2025.

(*Définition de l’ONU: proportion d’eau prélevée par l’ensemble des secteurs d’activité économique, par rapport à l’ensemble des ressources en eau disponible)

 

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Le député Frédéric Petit lors de l'examen du rapport par la Commission des Affaires Etrangères

 

La France traite de manière « incomplète » ces questions

« A partir de l’observation de la pratique des grands Etats dans le monde, on s’est rendu compte que les Etats-Unis avaient depuis 30 ans, au sein de leur ministère de la Défense un très gros service chargé du changement climatique », a expliqué Frédéric Petit. La France n’a commencé à s’intéresser au problème que très récemment. En 2016, la création d’un Observatoire Défense et Climat a été le premier organe étatique à étudier la question des conséquences du dérèglement climatique sur la défense nationale. Selon le rapport, la France mène des actions prometteuses mais de manière encore « incomplète » et gagnerait à davantage anticiper ces changements : adapter les armées en rénovant le matériel en les rendant plus résistants aux conséquences du réchauffement (fortes chaleurs, intempéries…), trouver des solutions pour les nombreuses bases françaises en bord de mer ou former les militaires à intervenir dans les zones sinistrés en formant par exemple à la remise en route de services essentiels (eau, électricité…).

 

Coopérer face aux conflits

S’il est indéniable que les catastrophes climatiques vont accentuer certains conflits, le changement climatique peut aussi engendrer des mouvements de coopération entre pays. « Les gens sortent les tanks moins vite pour ces enjeux là que pour d’autres enjeux », a raconté Frédéric Petit en faisant allusion à la signature d’un accord entre l’Inde et le Pakistan, alors en guerre, pour la gestion de leur fleuve transfrontalier. « Les dérèglements climatiques apparaissent alors comme une source de coopération internationale, et non plus seulement de tensions » résume le rapport. Revoir à la hausse les objectifs fixés par les Accords de Paris, mettre en place un ambassadeur thématique pour la ressource en eau ou proposer un cadre juridique plus protecteur pour les déplacés climatiques sont autant d’actions diplomatiques proposées pour tenter d’anticiper les changements.

 

Adopté par la Commission des Affaires Etrangères le 27 janvier, le rapport aidera les députés à mieux cibler leurs questions aux ministres des Affaires Etrangères et de la Défense mais Frédéric Petit espère qu’il servira aussi à tous : « Il serait intéressant qu’un débat citoyen ait lieu autour de ces enjeux-là, qui sont un peu oubliés en France ».