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RETRAITES - L’Espagne et la France secouées par les réformes

Écrit par lepetitjournal.com Madrid
Publié le 30 juin 2010, mis à jour le 8 février 2018

Alors que la crise économique secoue l'Europe depuis presque un an, les solutions apportées arrivent au compte goutte. A travers la reforme des retraites observée dans le vieux continent, l'Europe voudrait trouver une solution pour sortir de la crise. Mais n'apporte pas de réponse commune. Exemple avec la France et l'Espagne

(Photo Lepetitjournal.com)

Les différents acquis
En France l'âge minimum de départ à la retraite est de 60 ans depuis 1983. Pour l'âge de la pension complète et pour bénéficier du "taux plein", il faut avoir 65 ans, ou, à partir de 60 ans, avoir cotisé pendant 40,5 ans en 2010, qui passera à 41 ans à partir de 2012. Le système français incite à travailler plus longtemps. Ainsi avant 65 ans, quand les conditions du taux plein ne sont pas réunies, une décote -soit une baisse du taux- est appliquée pour tout trimestre manquant (1,75% par trimestre). Une surcote ou une augmentation du taux (1,25%) est appliquée pour tout trimestre supplémentaire travaillé au-delà des conditions de la pension complète. Le fameux "travailler plus pour gagner plus".
En Espagne, l'âge minimum de départ est de 65 ans avec une durée minimale de contribution qui sera portée à 15 ans à partir de 2013. Le gouvernement souhaite porter l'âge minimum à 67 ans. Pour l'instant, la pension complète est attribuée à 65 ans et il faut avoir 35 années de contribution. Le gouvernement incite sa population avec une surcote de 2% par an appliquée au-delà de 40 ans de cotisation.
Au-delà de la diversité des solutions proposées pour assurer la pérennité du système français d'un coté et espagnol de l'autre, le constat commun est celui d'un déséquilibre financier de grande ampleur à venir.

Une réforme jugée indispensable en France
En France, la raison principale de la réforme vient d'une situation démographique défavorable : la population d'après-guerre à la retraite et l'élévation continue de l'espérance de vie contribuent à une inversion du rapport du nombre de retraités au nombre d'actifs. Et dans le même temps, les entrées sur le marché du travail sont de plus en plus tardives, les retraits d'activité, précoces. L'enjeu d'une retraite à 62 ans est aussi à plus long terme, démographique. La taille de la population active va rester stable tandis que le nombre de retraités va augmenter, du fait à la fois du "papy boom" et de l'allongement de la durée de vie : non seulement plus de retraités partent en retraite, mais ils vivent plus longtemps. Ce déséquilibre démographique va être difficile à financer, en tout cas au niveau actuel des retraites et des cotisations. Et le traitement différentiel des générations n'a plus sa place. Les générations qui partent en retraite au cours des années 2000 sont celles dont le revenu à la retraite est le plus élevé, et dans le cadre des réformes actuelles ou prévues, on ne leur demande aucun effort. Celles qui partiront à la retraite dans 20 ou 30 ans n'auront pas du tout les mêmes conditions d'accès à la retraite. Est-il normal que chaque génération soit traitée de façon différente au regard de la retraite et surtout qu'on ne demande pas d'effort supplémentaire aux jeunes retraités d'aujourd'hui qui sont pourtant la classe d'âge la plus riche de France ?

Un véritable défi français
Avant-dernier enjeu : l'emploi des seniors. Comment faire en sorte que les Français puissent et souhaitent travailler plus longtemps ? Enfin, le défi le plus global : comment redonner de la croissance et des emplois de qualité à la France, de façon à ce que plus de gens travaillent et dans de meilleures conditions, pour pouvoir travailler plus longtemps et financer nos retraites... Ainsi, la concertation engagée devrait déboucher sur le dépôt à l'automne d'un projet de loi devant le Parlement. Ce projet de réforme comporte principalement deux volets : l'âge légal de droit commun pour liquider sa retraite passerait de 60 à 62 ans en 2018 (à raison de 4 mois par an à partir de la génération 1951) ; la durée de cotisation passerait à 41,5 années en 2020. Le financement du système serait en partie assuré par l'instauration de prélèvements sur les hauts revenus et sur ceux du capital.
C'est en tout cas un moyen de renforcer la loi du 21 août 2003, qui tendait à concilier deux objectifs : préserver le financement des retraites selon le principe de la répartition, garant de la solidarité intergénérationnelle, et faire face au défi démographique et financier des décennies à venir pour les régimes de retraites, compte tenu de l'élévation continue de l'espérance de vie. Seul le passage progressif à 41 ans pour tous les salariés en 2012, avec l'instauration d'une décote en cas d'anticipation ou au contraire d'une surcote en cas de retardement de départ en retraite couvrira les enjeux.

Une réforme parmi tant d'autres en Espagne
Si il est plus aisé de comprendre une réforme des retraites en France, en Espagne les difficultés économiques répondent à d'autres priorités. Alors que le chômage a encore augmenté et se situe désormais à 18,83%, classant l'Espagne avant dernière du tableau européen devant la Lettonie, la démographie est encore plus défavorable qu'en France à cause des faibles taux de fécondité. Cependant les Espagnols ont fait appel à l'immigration, leur population active est plus importante qu'on ne le prédisait il y a 10 ans. Et si jusqu'à présent, la loi espagnole garantissait la retraite à 65 ans, l'augmentation de la durée légale de cotisation, appliquée qu'à partir de 2013, et de manière progressive, a suscité de nombreuses réactions politiques d'incompréhension. D'autant plus, qu'actuellement l'âge légal est fixé à 65 ans, parmi les seuils les plus hauts des pays de l'Union européenne. Paradoxal aussi car les critiques les plus exacerbées sont venues du Parti Populaire, soulignant que dans la pratique, l'âge moyen n'avait pas encore atteint les 63 ans. Plutôt étonnant quand on sait que des comptes des caisses de retraites soulignent leur santé exemplaire en comparaison à celles de leurs voisins européens. Les chiffres publiées par le ministère du Travail assurent la pérennité de la retraite par répartition.
Alors pour quels motifs toucher à l'âge légal de la retraite ? En raison d'un taux de natalité particulièrement faible (1,4 enfant par femme), la structure démographique de l'Espagne donne un caractère urgent à la réforme des retraites. Le ministre du Travail, Celestino Corbacho, a estimé que le système actuel de retraites ne serait viable que jusqu'en 2023. L'équilibre des régimes sociaux est aussi menacé par la montée en flèche du chômage. Une première explication socio-économique peut aussi expliquer que, pointée du doigt, et même comparée à la Grèce ou au Portugal en raison d'une mauvaise gestion des comptes publics, l'Espagne ferait du zèle superflu. Une autre explication plus politique est évoquée : au pouvoir depuis 2004, la gauche espagnole a atomisé les organisations syndicales, relayées au rang de partenaires politiques. Et les manifestations organisées partout en Espagne leur ont permis de les réhabiliter dans leur rôle de défenseur des droits sociaux des travailleurs, si elles permettaient d'enterrer les 67 ans. En tout état de cause, de manière quasi unanime, la proposition semble déjà avoir du plomb dans l'aile, même si Zappatero a assuré que pour les travailleurs aucune de ses réformes ne se fera au dépend de leurs droits.

Comparatif des différents pays de l'UE
Une petite constatation tout d'abord : la moyenne de l'âge du départ à la retraite dans les pays européens est à l'image de la France et l'Espagne, variable. Ainsi, les Britanniques ont prévu à terme de reporter l'âge légal du départ à la retraite à ... 68 ans pour 2045 ! Dans la majorité des pays européens, la réforme des retraites pose également question : Pays Bas, Danemark, Norvège, Allemagne ont fixé quant à eux un objectif d'âge pour le départ à la retraite à 67 ans. Ces objectifs ont en commun la réflexion sur différents changements qui s'opèrent au sein de nos sociétés : allongement de la durée de vie d'une part, périodes de crises économiques d'autre part, comme par exemple la Grèce qui traverse une crise économique majeure. En Europe du Sud, notamment en Grèce et en Italie, la situation est pire que la situation française. La Grèce en particulier a été incapable de réformer son système de retraites et les conditions de départ à la retraite y sont encore plus favorables qu'en France. Dans le reste de l'Europe continentale, en Allemagne, aux Pays-Bas ou en Belgique, des réformes importantes ont été faites, qui prévoient une baisse considérable des taux de remplacement des retraites publiques, beaucoup plus qu'en France. Celui-ci sera compensé par des retraites complémentaires financées par capitalisation, qui sont en Allemagne fortement subventionnées par l'Etat pour les plus démunis et les parents de familles nombreuses. Comme en Espagne, actuellement le débat dans ces pays porte sur l'allongement de l'âge légal de départ, qui passerait de 65 à 67 ans. Dans le nord de l'Europe, les réformes ont déjà eu lieu. En Suède par exemple on estime avoir fait une importante réforme structurelle en 1998, avec des mécanismes d'ajustement automatiques qui permettent au système de ne pas dépenser plus qu'il ne reçoit. Cette année, le niveau des retraites n'a ainsi pas augmenté, et même baissé pour les retraites les plus élevées.
Or dans ces pays nordiques, le débat a autant tourné sur les retraites que sur la croissance, le type d'emplois et la capacité des pays à faire face à la mondialisation. La réforme a été associée à une stratégie de mobilisation de l'emploi des seniors, et plus généralement une stratégie économique d'investissement dans le capital humain, l'éducation, la formation, la recherche. Cela leur permet aujourd'hui d'avoir des activités économiques de pointe, donc des emplois de qualité, donc une croissance qui finance les retraites.

En France et en Espagne, avec les faibles taux d'emploi des jeunes, des séniors, et le temps partiels subis par de nombreuses femmes, plus un chômage élevé, les cotisations ne seraient pas suffisantes pour payer les retraites actuelles.

Isabelle MATERA (www.lepetitjournal.com - Espagne) Mercredi 30 juin 2010

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Publié le 30 juin 2010, mis à jour le 8 février 2018

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