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TRIBUNE DIALOGO – "L'Espagne n'a pas une tradition d'accueil de réfugiés"

Écrit par lepetitjournal.com Madrid
Publié le 18 octobre 2015, mis à jour le 18 octobre 2015

Deux tables rondes se sont tenues entre différents acteurs français et espagnols, mercredi dernier, à l'Auditorium de la fondation Carlos de Amberes, pour parler de la crise des réfugiés qui secoue actuellement l'Europe. L'événement, organisé par l'association d'amitié franco-espagnol Diálogo, a permis d'en savoir plus sur les conséquences politiques et économiques de tels mouvements migratoires.

(Photo Diálogo) Si les avis ont pu diverger par la suite pendant les deux tables rondes, tous les intervenants du dialogue ont néanmoins adopté une position commune : les évènements actuels, cette crise des réfugiés qui secoue l'Europe depuis maintenant de nombreux mois, ne sont pas surprenants. Pire, des exodes similaires ont déjà été vus dans le passé. Fin de la deuxième guerre mondiale, fin de la guerre d'Algérie (autre type de migration) et, plus récemment, fin de la guerre de l'ex-Yougoslavie. Quitter son pays pour assurer sa survie n'est pas nouveau.

"La désespérance" des réfugiés
Ce qui l'est, en revanche, c'est, selon Gérard-François Dumont, professeur à l'Université Sorbonne à Paris, "la désespérance. Le fait que nombre de Syriens, qui se sont réfugiés en Turquie, en Jordanie et au Liban en espérant que la guerre passe et qu'ils puissent rentrer chez eux, sont entrés dans un état de désespérance. Et cela est dû à l'effet "Palmyre" (cité historique syrienne sous le contrôle du groupe extrémiste Etat islamique depuis le 21 mai dernier, (NDLR)". Les réfugiés, comprenant que la guerre est loin d'être finie, prennent alors la route de l'Europe pour trouver l'asile. Plus de 710.000 réfugiés ? les Syriens sont en minorité - ont passé les frontières de l'Union Européenne entre le 1er janvier et le 30 septembre 2015, selon Frontex, l'agence européenne de surveillance des frontières.

Le Padrón, les statistiques espagnoles sur la population
Pour Gérard-François Dumont, professeur à l'Université Sorbonne à Paris, "en France, il y a de très mauvaises statistiques sur l'émigration, ce qui permet à l'extrême droite de dire n'importe quoi. Je prêche, depuis plusieurs années, pour qu'on mette en place un Padrón, comme en Espagne, pour avoir des chiffres précis la démographie et les migrants, légales, illégales, par communes." Le Padrón Continuo est un recensement démographique national réalisé par l'Institut national de la statistique (INE), qui n'a effectivement pas d'égal en France. Il permet de connaître la population dans chaque communauté, chaque commune, ainsi que le pourcentage de personnes de nationalité étrangère. Il est consultable ici.

"Ils contribuent positivement à l'économie du pays"
"Tous les systèmes communs de demande d'asile, toutes les procédures collectives aux pays de l'UE n'étaient pas assez clairs pour un flux massif comme celui que l'on rencontre actuellement", éclaircit Cristina Gortázar Rotaeche, chaire Jean Monnet en droit de l'immigration et de l'asile à l'Université P. Comillas. Avec tant de monde aux portes de l'Europe, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a fortement incité les pays de l'UE à se repartir d'urgence l'accueil de 160.000 réfugiés. Une demande qui effraie les gouvernements mais pas Hippolyte d'Albis, directeur de recherche au CNRS (Centre national de la recherche scientifique) et professeur à la Paris School of Economics. "Un exemple : le chiffre de 710.000 réfugiés en neuf mois semble énorme. Mais c'est seulement 0,13% de la population européenne. Les gens en ont peur mais leur arrivée et leur intégration n'a, d'après toutes les études économiques réalisées, pas d'effets négatifs. Ils contribuent positivement à l'économie du pays. On est tout à fait capable de les absorber sans problème", explique-t-il.

En Espagne, "la possibilité d'une bonne intégration est très dure"
La commission européenne a donc instauré des quotas par pays, plus ou moins critiqués par les intervenants, pour l'accueil des réfugiés. 24.000 pour la France, 17.000 environ pour l'Espagne. "L'Espagne n'a pas une tradition d'accueil de réfugiés", commente Carmen González Enríquez, chercheuse principale au Real Instituto Elcano, un des principaux think tank espagnol. "De plus, en ce moment, la situation est difficile pour accueillir des réfugiés. En quantité, 17.000, c'est peu. Mais avec près de 22% de chômage, et plus de 50% pour les émigrés, la possibilité d'une bonne intégration est très dure", poursuit-elle. Carmen González Enríquez soulève également un autre sujet qui concerne l'Espagne : un mélange, en ce moment, des migrants économiques et des réfugiés. "Le pays a fait beaucoup d'effort pour contrôler les flux de migrations avec les frontières nord-africaines. Un travail que n'a pas fait l'Europe pour réguler les entrées aux frontières. C'est pour cela que le gouvernement espagnol n'avait, au début, pas accepté les quotas, car l'Europe n'a pas tenu compte de l'argent dépensé pour contrôler les frontières au sud. De toute façon, même si on arrive à résoudre la crise syrienne, le problème général de l'arrivée de réfugiés en Europe ne le sera pas."

Baptiste LANGLOIS (www.lepetitjournal.com) Lundi 19 octobre 2015
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Publié le 18 octobre 2015, mis à jour le 18 octobre 2015