LEGISLATIVES UK - Pari risqué pour Theresa May ?

Publié le 7 juin 2017, mis à jour le 7 juin 2017

La Première ministre du Royaume-Uni, qui a avancé les élections législatives au jeudi 8 juin 2017, était loin de se douter d'un scénario pouvant virer demain à la catastrophe pour elle et son parti. La faute aux derniers attentats, certainement, mais aussi à une conjonction de facteurs dévoilés ici.

Le 18 avril dernier, en convoquant ces élections anticipées trois ans avant la date prévue, Theresa May avait comme objectif de renforcer sa majorité en vue des négociations sur la sortie du pays avec l'Union européenne. Ce sera peut-être chose faite demain soir. Mais rien n'est moins sûr. Lors de cette annonce, elle surfait alors sur des sondages créditant la droite de 46 % des intentions de vote contre 25 % pour la gauche. Ce raz-de-marée conservateur ne devrait pas se produire car les instituts de sondage donnent à présent Conservateurs (Tories) et Travaillistes (Labor) au coude-à-coude. Déjà il y a une semaine, bien avant la tragédie du London Bridge, un sondage YouGov publié dans le quotidien The Times, indiquait que les Tories étaient susceptibles de perdre la majorité absolue à la Chambre des communes. Un revers qui pourrait pousser Theresa May à quitter ses fonctions pour laisser sa place au représentant du parti devenu majoritaire, vraisemblablement Jeremy Corbyn, le chef de file du Labour.

Le temps des reproches a sonné

Theresa May est plus que jamais fragilisée. Les critiques sont nombreuses. A commencer par son attitude de girouette durant la campagne pré-Brexit. La conservatrice a tout d'abord milité avec force pour le camp du « In » avant de retourner sa veste. Une volte-face qu'elle a bien du mal à justifier aujourd'hui. Theresa May est aussi accusée par l'opposition d'avoir supprimé 20 000 postes de policiers alors qu'elle était secrétaire d'Etat à l'intérieur - « Home Office » - dans le gouvernement de David Cameron. Avec les trois attentats qui viennent de secouer le pays, c'est un argument de taille qui pèse dans l'opinion publique. En parallèle, et pour la première fois depuis longtemps, l'économie britannique semble donner des signes de faiblesse. La livre sterling continue de dégringoler face à l'euro, ce qui ne va manque pas de faire flamber le prix de certains produits importés, notamment alimentaires. L'investissement des entreprises est aussi montré du doigt car en pleine stagnation à cause du Brexit et des incertitudes liées aux accords qui seront trouvés avec l'Europe. D'après plusieurs économistes indépendants, l'activité britannique devrait légèrement ralentir en 2017 et d'une manière plus marquée en 2018. La Première ministre se voit également reprocher son attitude et sa volonté d'aller vers un Brexit dur.

La porte ouverte à toutes les spéculations

Cela se murmure un peu partout, surtout dans le camp du « Remain », cette initiative risquée de législatives anticipées pourrait bien se transformer en référendum bis sur le Brexit avec, cette fois-ci, un vote contre. C'est le v?u le plus cher de nombreux britanniques qui regrettent toujours leur vote pour le Brexit. Le potentiel désaveu de Theresa May demain suscite déjà les espoirs les plus fous avec un Brexit avorté avant même d'avoir pu être discuté et négocié. Un rêve entretenu par le Lib-Dem, parti très europhile et les Verts, qui promettent un nouveau référendum sur le Brexit en cas de victoire. Des attentes d'une partie de la population qui néanmoins risquent de rester vaines. Jeremy Corbyn a en effet assuré qu'il ferait en sorte qu'il y ait un accord avec l'UE. Acceptant le "verdict du peuple", il a promis d'être « aussi coriace qu'il le faudra » lors des futures négociations. Verdict dans les urnes demain !

Laurent Colin (www.lepetitjournal.com/londres), le 7 juin 2017