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6 destins de femmes britanniques #3 : Rosalind Franklin et l’ADN

Rosalind Franklin ADN chimisteRosalind Franklin ADN chimiste
Robin Stott - Flickr
Écrit par Stéphane Germain
Publié le 8 mars 2021, mis à jour le 15 mars 2021

LePetitJournal.com vous propose de (re)découvrir six femmes britanniques ayant marqué l’histoire. Artistes, scientifiques, espionnes ou même pirates, toutes ont su pousser les murs de leurs époques respectives.

 

Après Mary Read, la pirate sans peur, et Noor Inayat Khan, l’espionne résistante, découvrez aujourd’hui l’histoire de la chimiste, biologiste moléculaire et cristallographe Rosalind Elsie Franklin, pionnière spoliée de la découverte de la structure de l’ADN. Rosalind Franklin allonge la liste de ces femmes ayant contribué à de grandes découvertes scientifiques, mais dont la reconnaissance fut subtilisée par ses congénères masculins.

 

Une élève puis une scientifique brillante passée par la France

Rosalind Elsie Franklin naît en 1920 à Notting Hill dans une riche et influente famille Juive. Brillante, elle se passionne dès son adolescence pour la chimie, la physique et les mathématiques.

Agée de 11 ans, elle intègre la St. Paul’s girls’ school, qui est à l’époque un des seuls établissements scolaires britanniques où la physique et la chimie sont enseignées aux jeunes filles. Ce parcours atypique lui permettra de révéler dès l’enfance ses aptitudes pas comme les autres en sciences. Elle y excellera non seulement dans les matières scientifiques mais également en latin et en français, deux langues qu’elle finira par maîtriser parfaitement.

En 1938, Rosalind entreprend des études de chimie, au Newnham College, un collège exclusivement féminin appartenant à l'Université de Cambridge. Elle reçoit même à l’époque une bourse universitaire de la part de l’établissement pour l’excellence de ses résultats, mais son père l’intima de la céder à un réfugié juif que sa famille abritait alors.

En 1945, après des études menées avec brio, Rosalind passe finalement une thèse en physique-chimie sur la porosité du charbon, indiquant ainsi son intérêt industriel en temps de guerre. Considérés d'utilité publique au sortir de la Seconde Guerre mondiale, ses travaux sont salués par la communauté scientifique de l'époque.

Une fois son doctorat en poche, elle se rend en France où elle travaille jusqu’en 1950 au Laboratoire central des services chimiques de l’État. Elle y développe des compétences en biochimie moléculaire ainsi qu’en cristallographie. En France, elle obtient une reconnaissance scientifique internationale et sera enfin traitée à l’égal de ses collègues masculins.

 

Travaux sur l’ADN au King’s College of London

En 1951, Rosalind retourne à Londres et intègre le King’s College of London au sein de l’unité de biophysique dirigée par John Randall, qui centre l’essentiel de sa mission sur la structure de fibres biologiques, telles que l'acide désoxyribonucléique : le fameux ADN. Elle vient prêter main forte à Maurice Wilkins et Raymond Gosling, deux scientifiques dont les travaux avaient déjà fait significativement avancer la recherche en la matière.

Au King’s College, Rosalind met à profit son apprentissage français en radiographie et en cristallographie, et réalise plusieurs radiographies aux rayons X de l’ADN. Des pièces qui s'avèreront déterminantes dans la compréhension de la structure de la molécule : en 1951, l'un des fameux clichés obtenus par Rosalind vient révéler, pour la toute première fois de l’histoire de la science, la structure en double hélice de la molécule. Baptisée “cliché 51”, l’image rend possible la modélisation de la structure de l'ADN.

 

pancarte
Wikimedia Commons

 

Lorsque Rosalind quitte le King’s College de Londres en 1953, ses collègues masculins, et particulièrement Maurice Wilkins avec qui elle entretenait des rapports conflictuels, s’approprient ses découvertes et publient les résultats dans la revue “Nature”, ne concédant que très peu de place aux recherches pourtant décisives de la chimiste.

Rendue possible par le fameux "cliché 51" de Rosalind, la modélisation de la structure de l’ADN vaudra même en 1962 le Prix Nobel de médecine ou physiologie à James Watson, Francis Crick et Maurice Wilkins. A ce moment, aucun des trois hommes n’a encore rendu publiquement justice au rôle fondamental des travaux de la défunte Rosalind Franklin, disparue en 1958 d’un cancer de l’ovaire probablement provoqué par sa surexposition aux radiations. 

 

Éloges posthumes

Rosalind Elsie Franklin ne connaîtra donc jamais de reconnaissance à la hauteur de ses recherches, du moins de son vivant : écartée des publications et des distinctions par ses homologues masculins, elle sombrera rapidement dans l’oubli. Rosalind ne fut d’ailleurs sciemment pas citée par deux de ses trois collègues lors de leurs discours de remise du Prix Nobel. Prix dont elle ne bénéficiera pas, dans la mesure où il ne peut être octroyé à titre posthume.

Comme si l’usurpation du travail de Rosalind ne suffisait pas, son collègue James Watson minimise à nouveau son impact dans son livre La double hélice, où il dépeint comme une femme “acariâtre” celle qu’il a chahutée pendant ses deux années au King’s College, et dont il s'est accaparé les découvertes.

Silenciée, spoliée, et victime parmi tant d’autres de l’effet Matilda, la génie de la chimie n’échappe pas à la - grinçante- règle et reste dans l’ombre de cette découverte qui, pourtant, lui est due. Le cliché 51 reste malgré tout un élément clé des avancements scientifiques du XXe siècle, et justice a depuis été partiellement rendue à Rosalind Elsie Franklin, distinguée en 2008 du prix Louisa-Gross-Horwitz et donnant son nom à plusieurs promotions d’établissements français.

 

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