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"O Ultimo Retrato" : Au coeur du paradoxe artistique

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Écrit par Nathan Hallegot
Publié le 13 mars 2018, mis à jour le 13 mars 2018

À quel moment une œuvre devient-elle de l’art ?  C’est la grande problématique posée par Final Portrait, de Stanley Tucci. Ce biopic court incarné par Geoffrey Rush et Armie Hammer sort dans les salles portugaises le 15 mars. Il retrace les 18 jours à l’issue desquels le peintre Albert Giacometti peint le portrait de l’écrivain James Lord.


Récit d’une quête interminable

Alors que James Lord (Armie Hammer) est en visite à Paris en 1964, l’artiste Albert Giacometti (Geoffrey Rush) l’invite à poser pour lui. Flatté, l’écrivain accepte. De toute façon, cela ne prendra que quelques heures, une demi-journée, tout au plus lui avait dit le peintre. Après une journée marquée par de longues pauses, le travail est loin d’être terminé.

Giacometti est exigent et désireux de prendre son temps. Le modèle reviendra le lendemain. Et le surlendemain. Le manège durera au total 18 jours ; marqué à l’écran par des indications temporelles. Au gré des moments qu’ils passent ensemble, les deux hommes se lient d’amitié même si l’un comme l’autre, trop pudiques pour exprimer ce genre de sentiments les taisent pour mieux les vivre.

C’est aussi le moyen pour Lord de percevoir la complexité de Giacometti et les rapports chaotiques qu’entretiennent les artistes avec leurs œuvres. Parce que rien n’est jamais fini. Qu’il faut parfois rayer ce qui est parfait pour dépasser la perfection.

Le texte n’est pas un élément fondamental du film. Il intervient de temps en temps mais n’est pas nécessaire à la bonne compréhension du déroulement des évènements. L’important est de se focaliser sur les émotions et les non-dits qui sont pesants entre les personnages. Pourtant, à contrario, cet échange rapide entre Lord et Diego, le frère du peintre est éclairant : "Il est déterminé à rester complètement insatisfait" déclare le premier alors que l’autre rectifie : "Pas complètement, parfaitement".  

Ultimo Retrato

Un antihéros presque sympathique

Giacometti, tel que dépeint par ce biopic n’a rien d’un "prince charmant". Il rejette sa femme Annette qui fait pourtant tout ce qu’elle peut pour le satisfaire en se comportant comme le pire des goujats. Cette dernière se tient malgré tout à ses côtés comme une forteresse maternelle malgré , faisant fi des tromperies et du  manque de considération.

Il fume, boit et lance des "Oh fuck !" à la cantonade toutes les cinq minutes. Il est sale, grossier et son style de bonhomme hirsute fait peine à voir. Les adjectifs peu élogieux pourraient faire l’objet d’une liste interminable.

Mais, au bout d’une heure et demie de film, on a de la compassion pour ce personnage hors-du-commun. Peut-être parce que l’on comprend sa douleur alourdie par le poids des responsabilités. Peut-être parce que cet éternel enfant refuse le chemin tracé par la société, n’en faisant qu’à sa tête. Peut-être parce qu’en dépit du talent il n’a que faire de l’argent.

D’ailleurs, il le prouve à de nombreuses reprises ; en particulier lorsqu’il jette littéralement son argent par les fenêtres pour que sa femme puisse s’acheter un nouveau manteau, entre-autres. Il ne possède même pas de compte bancaire, ce qui a le don de surprendre Lord. Ce sont tous ces détails qui le rendent complexe et attachant.

 

Un casting international

La qualité d’un film serait piètre sans les performances proposées par les acteurs. Ils  ont été choisis méticuleusement pour pouvoir au mieux incarner les rôles qu’ils jouent. Le film est une l’adaptation d’un livre du journaliste et écrivain James Lord. Il y raconte l’aventure d’une rencontre qui s’est éternisée avec Giacometti à l’issue de laquelle il est rentré aux Etats-Unis avec son portrait aujourd’hui estimé aux alentours des 20 millions de dollars. Il avait par ailleurs immortalisé la forme que prenait chaque jour le portrait avant d’être recommencé dix-huit fois.

Les acteurs jouent d’une manière très juste et la ressemblance entre Giacometti et Geoffrey Rush est  frappante. Le rôle de  prostituée jouée par l’actrice française Clémence Poésy est convaincant. . Le rôle de Annette interprétée par Sylvie Testut est quant à lui aussi remarquable.  Au milieu de ce florilège international, Armie Hammer fait ses classes et voit son talent de véritable acteur confirmé. Il sera aussi bientôt à l’affiche de Call Me by Your Name de Luca Guardagino.

 

Publié le 13 mars 2018, mis à jour le 13 mars 2018

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