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Claire Simon – "Les classes dominantes n’aiment pas être filmées..."

Claire SimonClaire Simon
Écrit par Christopher Marques
Publié le 13 novembre 2017, mis à jour le 13 novembre 2017

La 18ème édition de la Festa du cinéma français s’est terminée ce dimanche 12 novembre 2017 à Setúbal. Une des invités de cette 18ème édition a été Claire Simon, réalisatrice du film "Le Concours" qui a remporté le prix du meilleur documentaire sur le cinéma à la biennale de Venise et qui aborde la sélection pour entrer à la Femis, la prestigieuse école de cinéma française.

 

La Festa du cinéma français qui vient de s´achever a duré cinq semaines. La ville de Setúbal a accueilli ce dimanche la comédie "Crash Test Aglaé" d’Éric Gravel, dernier film de cette édition organisée par l’Ambassade de France au Portugal, I‘Institut français du Portugal et l’Alliance française.

Cet événement cinématographique annuel a fait voyager des dizaines de films français à travers le Portugal, dans 12 villes différentes. La Festa a débuté le 5 octobre en présence de Thierry Frémaux, le délégué général du Festival de Cannes, qui a présenté son film "Lumiére, l’Aventure Commence". Ce festival a aussi rendu hommage au cinéaste Arnaud Desplechin et à Jean-Pierre Melville en présentant une rétrospective de sa carrière à la Cinémathèque portugaise pour célébrer le centième anniversaire de sa naissance.

La réalisatrice Claire Simon a participé à la Festa du cinéma français le 14 octobre 2017 à Lisbonne, où elle a présenté au public le documentaire "Le Concours". Ce film se penche sur les épreuves du concours d’entrée à la Fémis, considérée la grande école française du cinéma.

La réalisatrice suit le parcours des candidats et les discussions du jury et présente au spectateur les méthodes des grandes écoles pour sélectionner les étudiants. "Le Concours" a reçu le prix de meilleur documentaire sur le thème du cinéma à la biennale de Venise en 2016. Lors de son passage à Lisbonne, Claire Simon a accepté de rencontrer Lepetitjournal.com.

 

Le Concours
Comment est né ce film ?

Je pensais que c’était un droit du citoyen de comprendre comment est faite la sélection dans une grande école. Je l’ai fait à la Fémis parce que, dans une grande école de cinéma, le spectateur comprend de quoi on parle. Si vous prenez Polytechnique ou Sciences Po, la langue est tellement spécifique que le spectateur ne va rien comprendre.

Je pense que la sélection est une façon de faire très généralisée dans notre monde. Moi, par exemple, j’ai travaillé longtemps à la Fémis comme directrice du département de réalisation sans jamais avoir passé de concours de cinéma. J’avais un sentiment très fort de constitution d’une élite, de la différence entre jeunes gens qui ont le droit d’étudier et ceux qui ne l’ont pas. En même temps, c’est une école très républicaine, avec une méritocratie très affirmée dans le concours. Mais on demande à des jeunes des choses parfois trop difficiles.

 

Comme par exemple ?

Quand les élèves ont 19 ans, ils n’ont parfois pas assez vécu. Comme c’est une école avec de petites classes, on leur demande énormément. Le principe de cette école est d’avoir très peu d’élus chaque année (6 par département) et à qui on va donner l’enseignement le plus sophistiqué. C’est aussi une grande chance.

 

Vous avez fait partie des comités de sélections des candidats á la Fémis ?

Oui, on est obligé de le faire au moins une fois. Je n’aime pas trop l’idée de concours a priori.

 

Qui sont pour vous les protagonistes de ce film ? Les étudiants, le jury?

C’est le concours. Ce ne sont ni les candidats, ni les professionnels, mais ce qui se passe entre eux. C’est ce rapport des générations, la façon qu'une génération a de choisir la suivante.

 

Personnellement, vous êtes d’accord avec ce genre de sélection ?

Ce n’est pas la question. Je ne pense pas qu’on fait des films pour qu’ils soient prescriptifs mais pour faire des descriptions qui aident à prendre du recul sur la société. Quand ce film est sorti en France, tout le monde a été choqué de voir ce qu'est un concours. Surtout de voir les discussions entre jurys et celles entre les candidats et les jurys. C’est important de comprendre comment ça marche. Les gens après sont assez grands pour avoir leurs opinions.

 

La Fémis a bien accueilli l’idée de faire ce documentaire ?
Le Concours

Ça a été difficile mais j’avais le soutien inconditionnel du directeur. Après, il y avait des gens qui étaient d’accord et d’autres qui étaient très méfiants. Toutes les classes dominantes n’aiment pas être filmées sous forme de documentaire. Ils veulent bien qu’on fasse des choses à leur gloire mais pas qu’on les filme de la même façon que l´on filme un boulanger ou des émigrés. Ils n’ont pas envie qu’on les voie comme des êtres normaux.

 

Peut-on véritablement comprendre dans un concours si le candidat a un talent pour un art comme le cinéma ?

Je ne sais pas. Les jurys parient sur le futur. Ils essayent d’identifier si le désir du candidat est assez fort et si ce désir correspond à l’idée qu’ils se sont fait.

 

Ce film décrit le concours de la Fémis. Savez-vous comment ça marche dans d’autres grandes écoles comme Sciences Po ?

Le sociologue Jean Louis Fabiani a vu le film et il dit que c’est pareil. Il dit qu’il y a des critères qui sont purement de reconnaissance de groupe sociaux et qui ne sont pas des critères opérants. Ceci arrive uniquement parce qu’il y a très peu de places. Il faut bien inventer quelque chose pour faire la sélection.

C’est comme disait Bourdieu : le premier recalé est égal au dernier qui est entré, ce sont des différences infimes qui dépendent aussi du jury. Ce qui est extrêmement violent, c’est le fait que ça puisse changer des vies. J’ai aussi fait ce film pour que les jeunes relativisent. Il y a d’autres écoles, l’université…

 

Mais auront- ils les mêmes opportunités ?

Je pense qu’ils peuvent essayer. Quand on est jeune, on peut dire "je vais faire autrement, on ne va pas m’empêcher". Moi je n’ai pas étudié à la Fémis. J’ai du me bagarrer toute seule et on y arrive. On peut faire autrement.

 

Vous êtes à Lisbonne. Que pensez-vous du Portugal et du cinéma portugais ?

C’est une ville magnifique. Je trouve que c’est devenu archi-touristique. La ville est très belle et j’ai beaucoup de respect pour qui fait du cinéma ici. C’est très dur et ils font souvent de très bons films. Ils ont très peu d’argent et le rapport commercial peut être un handicap.

Publié le 13 novembre 2017, mis à jour le 13 novembre 2017

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