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ERIK ORSENNA : "La solidarité n’est pas ce qui est le mieux partagé"

ERIK ORSENNAERIK ORSENNA
Erik Orsenna
Écrit par Christopher Marques
Publié le 15 septembre 2017, mis à jour le 23 septembre 2017

Erik Orsenna fait partie des écrivains français les plus connus tant au niveau national que mondial. En parallèle à la conférence internationale organisée par le Portugal, à Lisbonne, les 7 et 8 septembre sur le thème de la protection des océans, celui-ci est venu faire une conférence au Lycée Français de Lisbonne ce 12 septembre sur le thème de l´eau, sujet qui lui tient particulièrement à cœur.
 
Né en 1947, il a choisi de se consacrer davantage à l´économie (élève de la London School of Economics après avoir fait des études en philosophie et sciences politiques).  Il est membre de l´Académie Française et a reçu le prix Goncourt en 1988.
Il s´est frotté à la politique et a été conseiller de François Mitterrand,  il a fait partie de la Commission Attali, chargée par Nicolas Sarkozy en 2007 de présenter des propositions pour relancer la croissance économique française. Il siège au Conseil d’État et a soutenu la candidature d’Emmanuel Macron à l’Elysée en 2017.
L´intellectuel au-delà de la politique s´intéresse particulièrement à des thèmes en lien avec des défis contemporains tels que le développement et la mondialisation, l´importance des matières premières, le thème de l´eau et des fleuves et leur impact économique, environnemental et géopolitique, etc.
 
Lors de son passage à Lisbonne, Lepetitjournal.com a été à la rencontre de cet écrivain afin de lui poser quelques questions sur les enjeux  géopolitique des fleuves.
 
Lepetitjournal.com : D’ou vient votre passion pour les fleuves?
Erik Orsenna : Premièrement, la passion pour les fleuves vient de la passion pour la vie. L’eau c’est la vie mais l’eau c’est aussi la mort. Deuxièmement, c’est la passion pour la géographie. Cela signifie comment les peuples peuvent se battre ou se défendre pour avoir de l’eau.
On est en pleine modernité mais, en même temps, on est obligé d’avoir de l’eau pour continuer à vivre. Donc, il y a tout en même temps dans l’eau. L’eau est le miroir des sociétés et le miroir de notre avenir. L’eau c’est aussi un alerte, parce qu’on est en marche vers la rareté.
 
Est-ce que les fleuves ont un potentiel qui n’est pas encore exploré ?
Les fleuves sont bien explorés. Ce qui n’est pas exploré c’est la manière de bien les gérer. Pour la planète, un fleuve mal géré c’est très mauvais.
 
Que faudrait-il faire pour bien gérer les fleuves ?
Il faut développer le transport fluvial, lutter contre la pollution, faire des barrages raisonnables et bien irriguer avec des recherches agronomiques pour que les plantes aient moins besoin d’eau que précédemment. Il faut aussi que les êtres humains se rendent compte que l’eau est rare, c’est un bien qu’il faut économiser, au lieu de le gaspiller sans arrêt. Il faut  le réutiliser.
Il nous faut tout une relation différente avec la nature. On a apprit uniquement à consommer et à jeter. Il faut arrêter parce que cela n’est plus possible.
 
Après la COP21, vous avez dit que les fleuves ont été oubliés de la conférence pour le climat. Qu´est-ce-qui aurait du être fait?
On ne pouvait pas tout faire en même temps. Donc, d’abord on a mis l’accent sur l’atmosphère, sur le réchauffement. Mais je note que ceux qui ont travaillé sur le réchauffement, ont travaillé aussi sur l’eau, parce que les archives du climat sont recueillies dans la glace, notamment en Antarctique.
On a commencé par ça. Après on s’est rendu compte que l’atmosphère était en couple avec l’océan. Maintenant, on se rend compte que les fleuves sont un des éléments clés, à la fois cause et conséquences du réchauffement.
 
Nous avons des fleuves qui sont partagés par plusieurs pays. Vous pensez qu’ils peuvent être la cause de conflits dans le futur ?
Bien sûr. Le nombre de conflits ayant l’eau pour sujet se développe et s’intensifie. Si vous avez des petites populations qui sont au bord d’un fleuve, elles s’entendent. Mais si vous avez deux métropoles de 15 millions d’habitants qui se battent pour le même fleuve, ça va être difficile.
 
Comment peut-on assurer la gestion de fleuves qui traversent différents pays ?
Il faut de la sagesse et la sagesse n’est pas toujours bien partager, surtout quand il y a des disproportions de puissance. Par exemple, quand la Chine n’est pas du tout prête à abandonner une partie de son eau pour la donner au Bangladesh.
 
Ou quand, sur le fleuve Brahmapoutre, il y a des filets à la frontière de l’Inde pour empêcher que les rares pierres qui sont emportées par le Brahmapoutre arrivent au Bangladesh. La solidarité n’est pas ce qui est le mieux partagé par les êtres humains.
 
Vous êtes aujourd’hui à Lisbonne, une ville à laquelle de plus en plus de français s’intéressent. Vous comprenez cet intérêt ?
Je trouve que c’est une ville formidable. Lisbonne vaut mieux qu’un intérêt pour des raisons fiscales.

Publié le 15 septembre 2017, mis à jour le 23 septembre 2017

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