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Escapade – A la découverte de la botanique des Açores

Lagune sur l'île de São Miguel aux AçoresLagune sur l'île de São Miguel aux Açores
©M.J. Sobral
Écrit par Lepetitjournal Lisbonne
Publié le 28 août 2022, mis à jour le 28 août 2022

Pour les géographes, l'archipel des Açores appartient à un ensemble plus vaste d'îles de l'Atlantique comprenant Madeire et les Canaries, appelé Macaronésie, nom provenant du grec makaron, qui veut dire fortuné ou heureux, des îles bénies des Dieux. Il est bon de remarquer aussi que les Açores ont été le dernier espace européen à être peuplé, il y a de cela cinq siècles. Cette première rencontre de l'Européen d'un Moyen-Age finissant avec ces terres vierges fut marquée par la surprise en constatant la densité de la couverture végétale qui les caractérisait alors.
 

Ile Das Flores Aux Açores
©M.J. Sobral

Paradis sauvage de l'Europe

Aujourd'hui, cette végétation originelle, constituée essentiellement de forêts de lauriers, arbres dépassant rarement les 12 à 15 mètres de hauteur, désigné sous le terme portugais de laurissilva, ne s'exprime plus que dans certaines zones totalement protégées.

Sur ces îles volcaniques, après la lave arrivent les espèces végétales endémiques pionnières apportées par le vent et par les animaux (oiseaux, mammifères marins et autres), généralement sous forme de graines à partir de végétation qui n'a pas été détruite par l'éruption et qui se trouve relativement proche. Entre elles, on peut noter les fougères (Erica azorica), le cèdre du maquis (Juniperus brevifolia) et la guigne sauvage (Prunus lusitanica ssp.azorica). Les arbres viennent ensuite tels les lauriers (Laurus azorica) et les houx (Ilex azorica), ainsi que les arbustes (Myrsine retusa). Ce processus de colonisation de l'espace peut durer des centaines d'années. Cette flore particulière, ayant évoluée dans un milieu isolé, accompagné d'un climat toujours humide, de températures douces et cernée par l'océan, a pu s'exprimer de manière luxuriante avant l'arrivée des hommes et des grands herbivores qui les accompagnèrent. Les Açores gagnèrent ainsi le titre de dernier paradis sauvage de l'Europe au moment de leur découverte par les Portugais.


Paysage de mosaïques végétales dispersées

Sur certaines îles de l'archipel, comme São Miguel, São Jorge, Pico ou Faial, l'if (Taxus baccata) constitua de véritables forêts monospécifiques. Ces dernières furent ensuite exploitées de manière systématique pour la construction navale et en menuiserie pour la fabrication de meubles à tel point que l'on ne trouve plus l'if qu'à de rares exemplaires.
On peut difficilement qualifier de "forêt" les formations végétales rencontrées aux Açores, le terme de maquis arboré plus ou moins dense convenant davantage à ces mosaïques végétales dispersées, associées à des prairies naturelles. Cependant, les Portugais baptisèrent l'une des îles de l'archipel (Faial) de forêt d'hêtres (Myrica faya), ce qui nous laisse imaginer la densité de ces arbres à une certaine époque. 

Ile Das Flores aux Açores
Île das Flores ©M.J. Sobral


Cycles de monocultures poussées à l´extrème

Dès le début de l'occupation des îles, des productions agricoles se mirent en place pour les valoriser. Ainsi se suivirent plusieurs cycles de monocultures, souvent conduites jusqu'à un point extrême d'exploitation ou quand n'ayant plus d'intérêt commercial. Le premier fut celui du blé, les Açores ayant pour charge de devenir le grenier du Portugal pour les campagnes militaires africaines. Suivront ensuite celui du pastel (colorant), de l'orange, de l'ananas et enfin de l'élevage intensif de volailles. L'exploitation de la sève des dragonniers (Dracaena draco), utilisée en teinturerie, fut conduite aussi jusqu'à l'extrême, puisque cette espèce a disparu des Açores, sinon sur quelques points inaccessibles des falaises des îles de Flores et de Pico. En ce qui concerne les plantations d'ananas (Ananas sativus), cette plante est très exigeante, chaque pied devant disposer de 200kg de terre riche et d'un mètre carré pour produire uniquement une fleur qui donnera le fruit convoité, on imagine bien l'impact d'une telle culture sur les sols et sur la couverture végétale amenant à un appauvrissement et à une plus grande sensibilité à l'érosion, comme ce fut le cas à São Miguel.

Les Açores
©M.J. Sobral

 

L'occupation des terres, aux Açores, se fit en trois phases bien distinctes ;

1)    La première intervention directe sur l'espace naturel, avant même l'installation des hommes, fut le largage volontaire d'animaux domestiques (chèvres, moutons, porcs ou chevaux des deux sexes) par les marins de passage pour apprécier le potentiel de viabilité de ces îles et pour servir de garde-manger pour l'avenir. Aujourd'hui encore, on trouve sur l'île de Corvo du bétail bovin et équin semi sauvage, ainsi que des chèvres sur Terceira, qui sont en pâturage libre.

2)    Au début, la couronne portugaise n'était pas intéressée au peuplement de ces îles lointaines, désirant seulement y développer des productions céréalières. Cependant, les premiers nouveaux venus commenceront à couper les arbres de grandes tailles pour la construction de maisons et comme combustible. Puis viendra un besoin croissant à que ces îles fournissent du bois suffisant pour la construction et la réparation navale, ce qui provoquera sur certaines îles la disparition totale des arbres de grand port. La production de charbon végétal accentuera la déforestation. Le houx sera utilisé comme complément pour l'alimentation du bétail et cette pratique réduira considérablement sa présence. Enfin, les ressources hydriques seront exploitées avec la captation de sources, déviation des cours d'eau et assèchement de lacs naturels.

3)    L'action de l'homme s'étend jusqu'à aujourd'hui en dépassant l'exploitation des ressources et constituant à la transformation totale du paysage par l'implantation de nouveaux écosystèmes par l'exemple, entre autre, des plantations de cryptomérias (Criptomeria japonica) ou cèdres du Japon, bois destiné à l'industrie du papier. L'élevage essentiellement bovin, comme à São Miguel, accompagne cette modification du paysage originel, ainsi qu'une urbanisation croissante, surtout sur les îles orientales de l'archipel. Cette occupation implique obligatoirement une destruction des habitats naturels. Pourtant, il existe aussi des formes moins intensives d'utilisation des terres comme, par exemple, dans les formations de haies naturelles de l'île de Pico ou dans les prairies naturelles des hauteurs de São Jorge.

Açores, île de São Miguel
©M.J. Sobral

 

Occupation croissante des terres faite par l´homme et par la nature elle-même

L'occupation humaine se fit d'abord dans les basses terres, avec l'exploitation du blé ou des cultures fruitières, ensuite sur les terres de moyenne altitude afin d'y planter pomme de terre et maïs et depuis assez récemment avec l'autonomie acquise par les véhicules à moteur, on avance vers les hautes terres, transformées en zone de pâturage.

A cette occupation volontaire et croissante, il faudra ajouter le développement incontrôlé de plantes invasives d'origine lointaine, tel l'arbre à encens (Pittosporum undulatum), qui servit jadis de haies de protection et de brise-vent aux plantations d'orangers et qui depuis s'est "échappé" pour aller recouvrir des versants entiers de collines de l'île São Jorge, sans grande possibilité de freiner cette expansion et en ayant atteint l'irréparable.

 

Hotensias sur les îles des Açores
©M.J. Sobral

 

Plus bucolique, les hortensias (Hydrangea macrophylla et sinensis), véritable ex-libris des Açores, qui furent ramenées d'Asie, se retrouvant maintenant à l'état sauvage sur le bord des chemins pour le plus grand plaisir du promeneur. Leur adaptation si évidente prouve les similitudes qui existent entre des archipels si lointains l'un de l'autre comme celui des Açores avec celui du pays du soleil levant, le Japon.

Malgré les changements radicaux encourus pendant ces cinq siècles d'occupation humaine, certaines parties des Açores sont bien le témoignage vivant d'une végétation ancestrale que l'on doit préserver des agressions et il est bon de noter que les îles de Corvo et de Flores sont passées depuis peu sous statut de protection totale.



André Laurins (www.lepetitjournal.com/lisbonne.html) Reprise lundi 25 février 2013
Technicien agronome (maria.friesen@sapo.pt)

 

logofblisbonne
Publié le 28 août 2022, mis à jour le 28 août 2022

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